Édito - Toyota 1 - Porsche 0 ?
Toyota a marqué les esprits lors du coup d'envoi des deux semaines intenses des 24 Heures du Mans. Une première percée, mais pas une première victoire, ni même un premier but. Loin de là.
Photo de groupe 2017
Rainier Ehrhardt
Le Mans est à l'automobile ce que l'Everest est à l'escalade, un mont à gravir. Toyota ne le sait que trop bien. La firme japonaise a entrevu le sommet, il y a un an tout juste, avant de perdre l'équilibre dans les derniers mètres de l'ascension, et de laisser les lauriers à Porsche.
Dans la légende du Mans, il est de ces marques qui peinent à s'imposer en Sarthe. Nissan, Cadillac, Mercedes… De tous ces constructeurs, Toyota est probablement celle qui a le plus souffert. Jamais la firme japonaise, en dépit d'une approche sérieuse, rigoureuse, n'a réussi à s'imposer au terme de ce double tour d'horloge sarthois, bien souvent cruel. D'autant plus lorsqu'il prend la forme d'un capteur qui lâche dans l'ultime ronde d'une course de 24 Heures.
En père prodigue, Stéphane Sarrazin, de retour au sein de l'équipage le plus rapide chez Toyota, a tenu à rassurer. Au sein de l'effectif nippon, on se souvient de 2016, mais on n'y pense pas : "L'an dernier, la course était clairement pour Toyota. On a mené 255 tours, puis la voiture sœur a mené jusqu'à l'avant-dernier tour. Toyota méritait vraiment la victoire, que ce soit la voiture sœur ou nous, mais on n'y pense pas. Là, ça y est, on y est, on est repartis."
Avantage Toyota
Plus que 2016, 2017 est l'année qui peut sourire à Toyota. Touchés mais pas abattus au soir des 24 Heures du Mans 2016, les hommes du Gazoo Racing sont restés concentrés après un tel échec, et ont terminé la saison sérieusement, travaillant activement à leur revanche. Celle qui doit trouver son exergue en ce dimanche de juin 2017, sur la plus haute marche du podium de la classique mancelle. Sans Audi désormais, mais avec Porsche, toujours. La victoire, c'est le credo d'une marque qui, depuis un an, n'a pas lésiné sur les moyens, engageant cette fois-ci trois voitures, une première depuis 2012.
"Toyota n'aura aucune excuse". Un peu plus tôt dans l'année nous titrions sur ce constat terrible. Après Monza, force était de constater que la firme nippone n'avait pas menti sur ses prétentions. Silverstone, Spa l'ont également démontré, mais dans d'autres approches. Aussi, jusqu'ici, il était difficile de juger qui de Porsche ou Toyota avait le mieux travaillé en ce début de saison.
La Journée Test sur le Circuit de la Sarthe devait donc faire office de juge de paix, du moins pour deux semaines. Le 3'18"132 signé en début d'après-midi dimanche par Kamui Kobayashi a marqué les esprits, peut-être autant que sa déclaration, au soir de cette première journée de roulage : " Le chrono n'était pas vraiment le meilleur que l'on puisse faire. Ce n'était que le début de la séance. Je dirais que l'évolution de la piste aidera à faire mieux. Je pense que nous verrons des temps bien meilleurs la semaine prochaine." Voilà qui promet. Et pourquoi pas battre le chrono absolu de la piste, signé par la Porsche 919 de Neel Jani, en 2015 ?
Porsche justement, qui est resté très discret tout au long de cette séance. Volontairement ou non ? Andreas Seidl, Team Principal de l'écurie allemande avouait être dans le flou. "Nous avons connu une Journée Test mitigée. Nous étions concentrés sur le set-up pour la course et nous nous sommes abstenus de faire une simulation de qualifications." Il l'admet cependant : "La vitesse des Toyota était impressionnante, nous ne pouvions pas la concurrencer. Dans les jours à venir, nous analyserons les données récoltées et nous tirerons des conclusions pour améliorer la performance de nos voitures."
Partie de poker
Aveu d'impuissance chez Porsche, au terme d'une journée marquée par une fuite d'huile sur l'une de ses voitures ? Difficile à croire. Rappelons-nous qu'en 2016, Neel Jani avait signé la pole position en 3'19, et que cette même Porsche, dans une version plus ancienne, est capable de rouler en 3'16. Difficile de croire, sans changement majeur de règlement, que Porsche puisse perdre deux secondes en moins de deux ans. Non, cela paraît aussi improbable qu'une Ford GT qui perd cinq secondes en un an, sur ce même tracé.
D'autant que Porsche n'arrive pas avec des équipages tombés de la dernière pluie. Les deux 919 sont composées d'anciens vainqueurs de la classique mancelle, à l'exception de Brendon Hartley, tout de même Champion du monde d'Endurance, en 2015. Aussi, on connaît particulièrement toute la difficulté des deux semaines que représentent les 24 Heures du Mans. La fable du lièvre et de la tortue doit trotter dans les têtes, aussi bien à Zuffenhausen qu'à Cologne, où sont montées les Toyota.
Chez Toyota non plus, on ne laisse aucune place au doute. L'échange de baquet entre Stéphane Sarrazin et José María López, entre la #7 et la #9, est une preuve, une fois de plus, que Le Mans ne pardonne pas le moindre grain de sable dans la machine.
Que retenir donc de cette Journée Test ? Que la partie de poker menteur est désormais lancée et que Toyota a montré que sa main était bonne. Que le Gazoo Racing va assurément très vite, sait faire marcher sa voiture en Sarthe comme l'an dernier, et que Porsche n'a absolument pas montré son potentiel que l'on sait grand sur ce circuit. On n'enlèvera pas à Toyota son triplé à la Journée Test, mais n'oublions pas ce rendez-vous : dimanche 18 juin, au pied du Module sportif du circuit de la Sarthe. À 15 heures, un vainqueur passera sous le drapeau à damier. Un seul, et unique, et bien malin celui qui, aujourd'hui, pourra donner son nom.
Étonnant juste de constater qu'année après année, en dépit des évolutions technologiques, il est toujours aussi difficile de pronostiquer un vainqueur des 24 Heures. Le sport reste le sport, Le Mans reste Le Mans. Et l'attente du départ de la course toujours aussi longue.
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