Édito - Vite, de nouveaux constructeurs en LMP1 !

Ce n'est pas une injonction, c'est un souhait. Ce n'est pas un ordre, c'est une envie. Mais comment s'y prendre pour attirer au Mans les futurs adversaires ou successeurs de Porsche et Toyota ?

#6 Toyota Racing Toyota TS050 Hybrid: Stéphane Sarrazin, Mike Conway, Kamui Kobayashi, #1 Porsche Team Porsche 919 Hybrid: Timo Bernhard, Mark Webber, Brendon Hartley

#6 Toyota Racing Toyota TS050 Hybrid: Stéphane Sarrazin, Mike Conway, Kamui Kobayashi, #1 Porsche Team Porsche 919 Hybrid: Timo Bernhard, Mark Webber, Brendon Hartley

Toyota Racing

"Je sais quelles sont vos contraintes. Je souhaite vous dire aujourd'hui que la question des coûts nous préoccupe, et nous chercherons avec vous à mieux les optimiser et les maîtriser pour les prochaines saisons."

C'est par ces mots que Jean Todt, président de la FIA, a conclu le message vidéo qu'il a adressé à l'ensemble des acteurs de l'Endurance, jeudi dernier, lors de la traditionnelle conférence de presse levant le voile sur la liste des engagés aux 24 Heures du Mans, en FIA WEC et en ELMS. Des mots dans l'air du temps, mais qui traduisent une réelle nécessité.

Quelques mois après l'officialisation du retrait d'Audi, on ne peut pas cacher un petit manque de saveur à l'heure de découvrir les plateaux 2017. Bien entendu, la grille sans précédent en LMP2 au Mans, tout comme la bagarre phénoménale qui doit à nouveau faire rage en GTE avec pas moins de cinq constructeurs, doivent être soulignées. On s'en félicite, et nul doute que le spectacle sera au rendez-vous. Mais la lutte pour le classement général dans la Sarthe en juin prochain reste la tête d'affiche. À ce titre, avouons que voir cinq concurrents engagés en LMP1 Hybride laisse planer un brin de nostalgie.

Il y a deux ans tout juste, un plateau de rêve proposait au Mans une bagarre monstrueuse avec trois Porsche, trois Audi et deux Toyota (permettons-nous de passer sous silence la triste et éphémère aventure Nissan). Cette fois-ci, il a fallu compter sur les efforts - et la volonté farouche de conjurer le sort - du constructeur japonais, enfin décidé à aligner une troisième TS050 Hybrid sur la classique mancelle. Le traumatisme de 2016 et de la victoire envolée à trois minutes du terme n'est pas effacé, ne le sera jamais, mais les moyens sont mis en œuvre pour que la joie succède à cet épisode.

La bagarre tourne au duel

Il ne s'agit pas de teinter cet édito de pessimisme, au contraire. Oui, les duels ont forgé la grande Histoire des 24 Heures du Mans, et il ne fait pas l'ombre d'un doute que celui qui mettra aux prises Porsche et Toyota dans quatre mois a tout de même de quoi faire saliver d'avance, et qu'il devrait tenir ses promesses. "C'est vrai que Le Mans a toujours été fait avant tout de duels, c'est vrai qu'il y a eu plus d'éditions où il y avait surtout deux grands constructeurs qui s'affrontaient", rappelle justement à Motorsport.com Pierre Fillon, le président de l'ACO. "On pense à Ford-Ferrari, mais aussi Jaguar contre Porsche, Peugeot contre Toyota, Peugeot contre Audi."

La Toyota et la Porsche LMP1

Le départ d'Audi a pu être vécu comme un séisme. Cependant, tout championnat, même le plus renommé qui soit, vit un jour ou l'autre le retrait d'un constructeur. La particularité vient du cycle exceptionnel entretenu par la marque aux anneaux, qui a de quoi amplifier une situation que chacun aurait jugée classique dans bien d'autres disciplines. "C'était un cycle de 17 ans, on a eu beaucoup de chance avec Audi", reconnaît Pierre Filon avec le recul nécessaire. "On aura d'autres constructeurs, et puis Audi reviendra certainement un jour, avec peut-être d'autres technologies."

Voir arriver d'autres constructeurs, c'est là tout le défi de l'ACO et de la FIA pour les années à venir. Une préoccupation légitime, et qui doit être traitée sans pour autant oublier les entités déjà engagées. Sur ce point, le gel de la réglementation LMP1 pour une année supplémentaire, soit jusqu'à fin 2018, a vraisemblablement été un signal clairement envoyé. Directeur technique de Toyota, Pascal Vasselon nous le confirmait lui-même en décembre, précisant qu'"avant de se préoccuper des possibles arrivants, il faut d'abord se préoccuper que les gens en place soient stables."

Il n'empêche qu'il faut voir au-delà, et la préparation des règles LMP1 pour 2019 est un dossier en cours, sans deadline fixée, mais que les organisateurs espèrent boucler avant la fin de l'année, voire avant. "Il y a plusieurs constructeurs qui sont intéressés et ce qui est important pour nous maintenant, c'est d'annoncer assez rapidement quel sera le règlement après 2019 pour pouvoir attirer ces constructeurs", ne cache pas Pierre Fillon. "On n'a pas de calendrier encore défini, car on n'est pas seuls et on travaille avec la FIA. L'idée serait de pouvoir annoncer ce nouveau règlement au cours de l'année 2017. L'idéal, ce serait aux 24 Heures du Mans, bien sûr."

Un atout séduction identifié

Quel que soit le cadre de la nouvelle réglementation, elle devra s'articuler autour d'une orientation claire en matière de réduction des coûts. Pour attirer de nouveaux constructeurs, l'Endurance a clairement une carte à jouer dans ce domaine. 

#9 Peugeot Sport Total Peugeot 908: Franck Montagny, Ricardo Zonta, Christian Klien, #1 Audi Sport North America Audi R10: Marco Werner, Frank Biela, Emanuele Pirro

Ford, BMW et Toyota ont successivement fait savoir ces derniers jours qu'un engagement en Formule 1 n'était pas à l'ordre du jour, y compris à l'horizon 2020, en raison des sommes trop importantes à engager dans un tel programme. Par ailleurs - sans juger la manière -, Peugeot a fixé des conditions strictes pour que le LMP1 puisse constituer de nouveau à ses yeux un motif d'intérêt : diviser les coûts par deux et pouvoir jouer la gagne sans hybridation. Un discours nuancé par une affirmation, en octobre dernier, selon laquelle il n'existe "aucun projet" pour Le Mans dans les cartons du Lion… Chez Toyota, qui participe logiquement aux groupes de travail, on réaffirme l'idée d'un développement contrôlé, par exemple sous forme de jetons. L'atout séduction est donc connu : réduction des coûts !

L'ACO le sait et en fait d'ailleurs clairement "l'objectif numéro un", constatant la manière dont les dépenses ont augmenté au cours de la dernière décennie, avant tout en raison d'une compétition féroce. "Aujourd'hui, on a des voitures très, très performantes, avec des technologies de très haut niveau", rappelle Pierre Fillon. "Plus les performances sont proches, plus on va aller chercher le petit détail qui va faire gagner, plus on fait monter les coûts. C'est probablement pour ça que les coûts ont fortement augmenté entre 2008-2009 et maintenant."

Là où l'équilibre est justement très délicat à trouver, c'est dans la manière d'élaborer une réglementation qui soit plus abordable mais qui ne vide pas la catégorie LMP1 de tout son sens et de ce qui a fait sa force ces dernières années : le lien qu'elle offre aux constructeurs entre la piste et la route. Or, avec une technologie hybride toujours plus présente, ou encore l'arrivée probable de l'hydrogène tel que cela a pu être évoqué l'an passé, on peut difficilement parler de technologies à bas coût.

"La priorité est de réduire les coûts de façon à offrir aux constructeurs un règlement qui garde évidemment le côté innovation technologique, pour que le championnat du monde ou les 24 Heures restent un laboratoire technologique, avec toujours ce lien entre la technologie de la course et celle de la voiture de route. Ça, il n'est pas question de le changer", réaffirme Pierre Fillon. "Mais il faut réduire les coûts de façon à ce que cette compétition soit abordable pour tous les constructeurs économiquement parlant."

À l'heure des technologies toujours plus vertes, il n'y a plus qu'à souhaiter que la phrase restée célèbre d'un ancien Président de la République puisse être reprise à son compte par le monde de l'Endurance : "On n'a pas de pétrole, mais on a des idées !" 

#6 Toyota Racing Toyota TS050 Hybrid: Stéphane Sarrazin, Mike Conway, Kamui Kobayashi

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