Glickenhaus : "On nous regarde comme on regardait Ferrari en 1960"

Son approche passionnée de la course, son projet Hypercar avec le rêve de gagner un jour les 24 Heures du Mans, son modèle visant à vendre des voitures pour pouvoir courir : l'étonnant Jim Glickenhaus a répondu à nos questions.

Romain Dumas, Glickenhaus 007 LMH

Romain Dumas, Glickenhaus 007 LMH

Motul

Nouveau venu en WEC et aux 24 Heures du Mans, Glickenhaus est un constructeur atypique. Devant l'opportunité de la nouvelle réglementation Hypercar, la petite structure américaine a saisi la balle au bond pour assouvir la passion de son fondateur.

Alors que la 007 LMH enchaîne les séances d'essais pour préparer son arrivée en compétition, Motorsport.com a rencontré Jim Glickenhaus. S'il s'est d'abord fait connaître dans l'industrie du septième art, l'entrepreneur né à New York ne fait pas son cinéma quand il évoque son rapport aux années 60 ! Une période qui a profondément influencé ses choix pour mener à bien son projet... Entretien.


Jim, concernant la voiture tout d'abord, êtes-vous satisfait des essais et du kilométrage accompli ?

Oui. La voiture est très forte. Elle fonctionne très bien. Il y a une grosse courbe d'apprentissage pour les pilotes, car ce n'est pas une LMP1. C'est plus ou moins une Super GT, une GT1 [comme en 1997] ou quelque chose comme ça. C'est intéressant : comment vont-ils équilibrer les performances entre la Toyota hybride, une vieille LMP1 Alpine, et puis les Porsche et les Audi quand ils arriveront avec leurs autos de l'IMSA ? Ça va être très intéressant.

Votre voiture paraît un peu plus étroite que la Toyota. Est-ce juste une impression visuelle ou bien n'avez-vous pas exploité la totalité des deux mètres de large ?

Je pense qu'elle donne juste l'impression d'être plus étroite. Elle est visuellement conçue pour avoir un look un peu plus rétro. Si vous voulez, elle ressemble un peu à la Lola T70.

Vous vouliez que son look se rapproche de celui d'une voiture des années 60. D'où vient votre passion pour cette période des 24 Heures du Mans ?

Je me souviens des années 60, lorsque la catégorie reine au Mans réunissait les Ford Mk IV, les Ferrari P330 P4, les Lola T70 et les Porsche 908. C'étaient des voitures magnifiques. C'est probablement parce que les gens de l'époque n'y connaissaient rien en aérodynamique. Donc ils les ont rendues belles, avec des courbes. Et c'est ce que nous essayons de faire.

Ben Anderson, Lola T70

La Lola T70, lors d'une rassemblement vintage en 2018.

En effet, l'arrière paraît particulièrement rétro.

Mais je pense que ça fonctionnera bien, et que les fans adoreront.

C'est vraiment complètement différent de ce que nous avons vu ces 25 dernières années…

Je pense que c'est la force de ce que nous faisons.

L'avant a un peu changé par rapport aux rendus visuels. Avez-vous dû retravailler les phares ?

Voici ce qui s'est passé : j'ai dessiné la voiture telle que je voulais qu'elle soit. Et quand nous sommes allés en soufflerie, Sauber [partenaire de Glickenhaus pour l'aéro] a respecté ça. Mais ils sont venus me voir et ils m'ont dit : "Regarde, il y a certaines choses qui doivent changer". Ce fut une bataille constante, mais je ne voulais pas être stupide et faire quelque chose qui ne soit pas aérodynamique. Nous avons donc essayé de trouver un compromis. Nous avons conservé certains des aspects esthétiques, et nous avons fait une voiture très efficace avec une chance de gagner.

Est-ce le problème habituel lorsque la conception rencontre la réalité ?

Exactement. C'est précisément ça.

 

Scuderia Cameron Glickenhaus, Glickenhaus 007 LMH

Scuderia Cameron Glickenhaus, Glickenhaus 007 LMH

Photo de: Scuderia Cameron Glickenhaus

Vous avez eu quelques soucis avec l'IMSA, notamment autour d'une clause disant que vous deviez être un constructeur "traditionnel". La situation a-t-elle évolué ?

Oui, absolument. Nous avons eu des discussions très productives avec l'IMSA et l'ACO par téléphone. Tout est oublié. En fait, ils ont présenté leurs excuses. Nous avons vraiment très envie de courir en IMSA à Daytona. Mais il y a une chose que j'ai dite au téléphone, à l'ACO comme à l'IMSA : tant que les fans ne seront pas persuadés qu'une voiture de l'IMSA peut gagner au Mans et qu'une Hypercar peut gagner à Daytona, ils n'y croiront pas. Ils m'ont répondu : "Non, non, nous comprenons, c'est ce que nous allons faire". Et j'ai répondu : "OK, génial. J'espère que c'est vrai".

Donc vous êtes autorisé à engager votre Hypercar en IMSA ?

Oui, l'Hypercar sera autorisée à courir en IMSA. Ce sera en 2023, mais je ne suis pas sûr.

L'IMSA dit vouloir évaluer les performances des LMH sur des circuits spécifiques de son championnat. Feriez-vous courir votre voiture hors compétition en 2022 en IMSA pour que ce soit possible ?

Nous voulons apporter notre aide et rendre les choses possibles. Mais il doit y avoir du bon sens économique afin que nous le fassions. Nous sommes une très petite entreprise. Cette année, nous allons produire 40 voitures. Pour l'année prochaine, nous essayons de monter à environ 80, et à terme nous aimerions vendre 300 voitures par an. Mais nous sommes une très petite entreprise, et pas une équipe de course traditionnelle.

Nous sommes un constructeur qui a une réelle passion pour la course. Et la course est une publicité pour vendre des voitures. Mais nous devons regarder la valeur relative. Le Nürburgring a une valeur fantastique pour nous. Si la 004 roule bien sur une course de 24 heures ou de six heures en VLN ou NLS, alors c'est une bonne chose pour que nos clients soient heureux. Le sont-ils si nous allons au Mans ? C'est certain. Mais pour être franc avec vous, est-ce qu'ils se préoccuperont de savoir que nous courons à Mid-Ohio ? Je ne sais pas s'ils en auront quelque chose à faire.

Vous nous rappelez un peu Ferrari, qui dans les années 50 et 60 construisait des voitures de route pour financer les courses. Est-ce ce que vous voulez devenir l'Enzo Ferrari du XXIe siècle ?

Je n'ai pas dit ça, mais beaucoup de gens et de clients viennent nous voir et nous disent qu'ils nous regardent comme on regardait Ferrari dans les années 50 et 60. Enzo Ferrari a fait des voitures de route de manière à pouvoir courir. C'est exactement là que nous en sommes. Aujourd'hui, je ne pense pas que l'entreprise Ferrari soit comme ça. C'est une entreprise totalement différente, et c'est très bien. Mais je trouve très étrange qu'une toute petite société comme la nôtre puissent concevoir, fabriquer et développer une Hypercar en partant de zéro.

Porsche et Audi vont globalement utiliser le même châssis, le même moteur, et disons 80% de la même carrosserie, puis mettre des marques différentes dessus. Ils prennent un châssis Oreca, Multimatic ou un autre, ils mettent leur logo dessus et ils viennent courir contre nous. Pour moi c'est fou, je ne comprends pas ça. […] Dieu merci, Ferrari n'a pas fait ça et va construire son Hypercar. Ce sera une Ferrari. Mais est-ce qu'une LMP2 avec le logo Porsche dessus et un moteur commun à Audi et Porsche, c'est la même chose qu'une Porsche 917 ? Je ne le crois pas. Les voitures de l'IMSA sont en gros des châssis monotypes. Je ne sais pas, c'est une époque étrange.

La Ferrari 330 P4 aux 24 Heures du Mans en 1967.

La Ferrari 330 P4 aux 24 Heures du Mans en 1967.

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