Kubica : "Je suis au Mans parce que je n'ai pas gagné l'an dernier"

Un an après avoir perdu les 24 Heures du Mans dans le dernier tour, Robert Kubica et Louis Delétraz sont de retour en Sarthe afin de prendre leur revanche, mais chez Prema.

#9 Prema Orlen Team Oreca 07 - Gibson LMP2 - Robert Kubica, Louis Deletraz, Lorenzo Colombo

Photo de: Prema Powerteam

B.V., Le Mans - Le dénouement des 24 Heures du Mans 2016 est bien connu, la Toyota #5 de tête s'étant immobilisée à un tour de l'arrivée, mais celui de la dernière édition en date n'a pas grand-chose à lui envier en termes de coups de théâtre, du moins dans la catégorie LMP2. En août dernier, c'est dans la toute dernière boucle que l'Oreca #41 du Team WRT, pilotée par Yifei Ye et partagée avec Robert Kubica et Louis Delétraz, était tombée en panne, en raison d'une défaillance d'un capteur qui avait créé un court-circuit.

Dix mois plus tard, Kubica et Delétraz font équipe aux côtés du rookie Lorenzo Colombo chez Prema Orlen Team pour l'édition 2022 de la classique mancelle, mais le souvenir de cette rare mésaventure reste gravé dans leur mémoire, comme tous deux l'ont raconté à Motorsport.com.

"C'était assez horrible", se souvient Delétraz. "J'étais dans le garage, et c'est à ce moment-là que les commissaires du Mans sont venus vers nous avec les casquettes du podium, nous dire : 'Voilà, vous allez gagner la course, c'est le dernier tour, la procédure est telle, vous allez vous rendre là, le podium est à gauche…' Je n'étais pas très à l'aise avec ça ; Robert est parti à ce moment-là, parce qu'il ne voulait pas entendre qu'il avait gagné tant que la ligne n'était pas passée."

"Tout d'un coup on a vu la voiture arrêtée. C'était assez choquant. Je n'ai pas compris tout de suite, parce qu'on se demande comment c'est possible. C'est surréaliste. Je n'en connaissais pas la raison. Je suis parti du box, parce qu'à ce moment-là il y a tout le monde qui crie, il y a un côté du garage qui est heureux et l'autre côté du garage qui pleure, c'est horrible. À ce moment-là, je sais qu'à la radio ils ont parlé pendant dix minutes avec Yifei pour la redémarrer."

"Ce qu'il faut savoir, c’est que si on finissait le tour on était troisièmes, vu qu'on avait un tour d'avance sur les autres. Je pense qu'ils ont juste essayé de lui faire toutes les combinaisons possibles pour redémarrer cette voiture, mais ça n'a jamais marché. Pendant les trois semaines après Le Mans, je n'y ai pas cru. Chaque matin, je me levais et me disais : 'Mais comment est-ce possible qu'une telle chose se passe, dans le dernier tour des 24 Heures ?'."

#41 Team WRT Oreca 07 - Gibson LMP2, Robert Kubica, Louis Deletraz, Yifei Ye

La WRT #41 n'a pas pu surmonter le dernier écueil lors des 24 Heures du Mans 2021

S'il ne se rappelait pas cette histoire de casquettes, Kubica se souvient de la visite des organisateurs. "J'ai dit que ce n'était pas terminé", indique-t-il. "Je ne pensais pas à un abandon, mais on ne sait jamais. Notre position était très confortable, et la voiture roulait depuis 24 heures. La course n'avait pas été sans accroc, nous avions rencontré des problèmes, mais nous avons continué, et on ne se dit jamais qu'elle va nous lâcher dans les cinq dernières minutes. C'était une bonne leçon pour nous, une leçon dure."

"J'étais étonné de ma réaction et que ce soit si douloureux. Je suis arrivé à la conclusion que la raison pour laquelle j'ai réagi ainsi est que quand on fait un championnat de dix ou 20 courses, on prend en compte le fait que quelque chose peut mal tourner. Quand on vient au Mans une fois par an, surtout la première fois… D'un côté, cela montre que nous pouvons faire ce job et arriver là, mais en même temps – et c'est important – cela souligne la difficulté de cette course."

"Je sais qu'il pourrait ne pas y avoir de seconde chance pour moi, parce qu'il faut assembler tant de facteurs – et ils doivent bien fonctionner – que l'on ne sait pas si l'on se retrouvera un jour dans cette position à nouveau. Il y a quelque chose que j'ai dit à Louis : si on gagne, tu ne me reverras probablement pas ici. La raison pour laquelle je suis là est que je n'ai pas gagné l'an dernier. Franchement, Le Mans m'a donné des émotions à 360°."

Delétraz et Kubica se retrouvent désormais dans la Sarthe chez Prema, une écurie pour laquelle le Polonais a déjà couru... en F3 Euro Series, en 2003, bien que de son propre aveu, il ne s'en rappelle pas vraiment ! "Bien sûr, l'ADN de l'écurie, le cœur de l'écurie – Angelo, René et Grazia [la famille Rosin, ndlr] – est le même. René était bien plus jeune ! Il venait aux courses, mais il avait plutôt l'âge où il était spectateur et apprenait", souligne-t-il quant à l'écurie désormais dominatrice dans certaines formules de promotion.

#9 Prema Orlen Team Oreca 07 - Gibson LMP2 - Robert Kubica, Louis Deletraz, Lorenzo Colombo

Robert Kubica et Louis Delétraz au Mans

Et si ce n'était pas une condition indispensable, les deux hommes se sont bel et bien efforcés de concrétiser leur retour en tant qu'équipiers. "Non, ce n'est pas une coïncidence", confirme Delétraz. "Ça s'est très bien passé l'année dernière, on est devenus bons coéquipiers mais aussi bons amis. Je pense qu'on partage le même avis sur beaucoup de sujets. Ce qui est très intéressant, c'est que Robert a une carrière et une expérience qui est énorme. J'ai beaucoup appris avec lui. Je pense que comme j'ai une vision assez similaire du sport automobile à la sienne, c'est peut-être plus facile pour lui de travailler avec moi qu'avec certaines personnes. Du coup, ce n'était pas le but à 100% d'être ensemble, mais quand l'opportunité est venue, on l'a fait avec grand plaisir."

"Je pense que nous avions envie de travailler ensemble, mais évidemment, chacun essayait d'obtenir la meilleure opportunité pour lui-même", ajoute Kubica. "Au final, je suis content que nous nous soyons retrouvés au même endroit, et je suis content que nous continuions ce que nous faisions l'an dernier."

Bien qu'il ne soit pas particulièrement expérimenté en Endurance, Kubica fait office de vieux sage du haut de ses 37 ans, par rapport à Delétraz et Colombo, qui ont 25 ans et 20 ans respectivement. "Bien sûr, mon âge et mon expérience aident de certaines manières", admet l'ancien pilote de Formule 1. "J'ai un point de vue différent d'il y a 15 ans sur certaines choses. Moi aussi, j'ai eu 23, 22, 21 ans. L'approche de la course est relativement différente. Parfois, je dis des choses qu'ils ne comprennent pas vraiment, peut-être qu'ils ne les acceptent parfois pas, ils ne se rendent pas compte de ce que je dis. Et c'est normal : il y a 15 ans, je ne m'en serais pas rendu compte non plus."

"Le line-up est en quelque sorte une équipe de football : il faut avoir différents postes, différents rôles. Il y a un gardien, un défenseur, un milieu et un attaquant, et certes il faut couvrir sa propre position, mais tout le monde essaie de travailler dans la même direction. Si quelqu'un ne se sent pas à l'aise, il le dit. Quand on est jeune, on a tendance à cacher ses faiblesses. Avec mon expérience – ce n'est pas au sujet de mes coéquipiers, c'est général – je ne comprends pas pourquoi on a toujours tendance à penser que l'on est parfait et que tout est parfait. Tout le monde fait des erreurs, tout le monde connaît des jours avec et des jours sans. Mais cela vient avec l'expérience – pas seulement l'expérience de la course mais aussi l'expérience de la vie."

#9 Prema Orlen Team Oreca 07 - Gibson LMP2 de Robert Kubica, Louis Deletraz, Lorenzo Colombo

La Prema #9 en piste lors de la Journée Test

Prema est par ailleurs une toute nouvelle structure dans le monde de l'Endurance, avec des ingénieurs qui en sont issus et d'autres qui proviennent de la structure de Formule 2. "Ce mix-là doit bien entendu faire des erreurs pour apprendre, prendre du temps pour passer les étapes, mais il y a vraiment un gros potentiel derrière", juge Delétraz, saluant l'impact de l'ingénieur de course Jean-Philippe Sarrazin, arrivé chez Prema en novembre dernier après trois ans chez Algarve Pro Racing, mais aussi le talent de metteur au point de Kubica ainsi que le line-up "très solide" que permet de constituer le rapide pilote "amateur" qu'est Colombo.

Jusque-là, les résultats sont présents, avec deux victoires en ELMS ainsi qu'une quatrième et une septième place lors des deux premières manches du WEC. Lors de la Journée Test des 24 Heures du Mans, la Prema #9 était également dans le top 10 du LMP2, et la satisfaction était affichée malgré une hiérarchie plus qu'incertaine.

Qu'attendre, désormais, pour le reste de cette semaine ? Robert Kubica, malgré son ambition, ne se met pas la pression. "Je pense aborder cette course avec un immense respect non seulement pour cette épreuve mais aussi pour nos concurrents. J'essaie toujours de penser à ce que je dois faire et de me concentrer sur le fait d'être le meilleur possible. Si cela suffit, tant mieux. Si cela ne suffit pas, cela veut dire que quelqu'un a fait du meilleur travail. La priorité et l'objectif sont de rentrer à la maison en ayant fait du bon travail, et même s'il y a des choses que nous pouvons améliorer, en ayant fait une bonne performance", estime-t-il.

Cependant, il est impossible de ne pas voir l'édition 2022 sous le signe de la revanche. "C'est une des raisons pour lesquelles on est revenus ensemble avec Robert – on ne peut pas le faire avec Yifei parce qu'il n'est plus [catégorisé] Silver malheureusement – c'est parce qu'on a une revanche à prendre", annonce Delétraz. "Beaucoup de gens viennent vers moi et me disent : 'Ouais, mais pour nous, tu as gagné Le Mans' ; non, malheureusement je ne l'ai pas gagné. J'ai fait 23h58 en tête mais pas 24h. On revient pour gagner. Maintenant, il faut aussi penser qu'on a un championnat et que les points au Mans sont très importants, donc si on peut faire deuxième ou troisième ça ira aussi, mais je n'en serai pas content."

#9 Prema Orlen Team Oreca 07 Gibson LMP2 de Robert Kubica, Louis Deletraz, Lorenzo Colombo

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