Interview
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Safety Car : Une règle "à l'encontre des valeurs qui ont fait venir Toyota"

Directeur technique de Toyota, Pascal Vasselon déplore l'évolution de la procédure de voiture de sécurité aux 24 Heures du Mans. Selon lui, elle expose au risque d'une "course d'attente" contraire à l'esprit de l'épreuve sarthoise, qu'il juge en quête d'un "spectacle à l'américaine"

La voiture de sécurité devant une Peugeot et une Toyota

Après une Journée Test mitigée en piste, Toyota travaille sur plusieurs axes pour progresser en performance avant les essais qualificatifs de mercredi. Ce mardi à la mi-journée, le directeur technique Pascal Vasselon a aussi pris le temps de s'exprimer sur plusieurs sujets devant la presse. Lorsque nous l'avons invité à donner son avis sur le changement de la procédure de voiture de sécurité aux 24 Heures du Mans, le Français a lourdement insisté sur l'esprit d'une règle qui ne lui plaît clairement pas.

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Pascal, quel regard portez-vous sur la nouvelle procédure de Safety Car et sur les deux essais qui ont eu lieu dimanche lors de la Journée Test ?  

Clairement, la nouvelle règle du Safety Car ne nous semble pas correspondre à l’esprit du Mans. Très, très clairement. Quand on se réfère à ce qui a fait la grandeur du Mans, c’est justement tout l’opposé de ce genre d’artifice qui fait que, si on n’est pas bons en pitstop, qu’on fait une erreur en stratégie, ce n’est pas grave car le Safety Car va tout remettre ensemble. Cette nouvelle règle nous pose problème parce qu’elle vient à l’encontre des valeurs qui nous ont fait venir au Mans et, plus largement, c’est contradictoire pour nous avec l’image du Mans, [celle] qu’a toujours portée Le Mans. Ça peut paraître anecdotique de changer les règles du Safety Car mais c’est en fait très, très sérieux : ça va changer la façon dont les équipes vont aborder la course.

On peut dire qu’il n’y en aura peut-être pas, mais la probabilité qu’il n’y ait pas de Safety Car est proche de zéro. Donc à un moment donné, une fois au moins, deux fois, trois fois, il y aura des reset. Dans ce cas-là, qu’est-ce que l’on fait ? On ne prend pas de risque. Il n’y a aucune incitation à partir en sprint, aucune incitation à faire des arrêts au stand très rapides au risque de faire une bêtise. Tout peut être détendu sachant qu’il va y avoir un reset à un moment donné. C’est quelque chose d’assez sérieux au niveau de l’état d’esprit : c’est un large pas vers l’américanisation du Mans et notre opinion est que Le Mans ne devrait pas s’américaniser. Ou alors, ce n’est plus Le Mans.  

En avez-vous discuté avec les instances ?  

Oui, bien entendu. Je pense qu’ils n’ont aucun doute sur la position de Toyota à ce niveau-là. 

Qu’ont-ils répondu et quels sont leurs arguments ?  

Je crois qu’ils veulent du spectacle, et un spectacle à l’américaine. Il est clair que l’on s’écarte de l’esprit du Mans.  

La Toyota au stand lors de la Journée Test.

La Toyota au stand lors de la Journée Test.

À partir du moment où ce changement n’est pas dans l’esprit qui vous convient mais qu’il existe, comment l’intégrez-vous dans votre approche stratégique ?  

On l’intègre totalement dans nos stratégies de course. On a beaucoup étudié la procédure elle-même, mais au-delà de la procédure, il y a l’impact sur la gestion de la course dans la première partie.

Cela veut dire que l'on peut s'attendre à voir une course d'attente ?

Une course d'attente, tout à fait. Comme à Daytona, vous avez du spectacle dans les deux dernières heures, et le reste du temps les voitures s’arrangent juste pour rester dans le tour du leader et il n’y a pas de course pendant 22 heures. On va faire un pas dans cette direction. Alors que ces dernières années, Le Mans était un sprint de 24 heures, justement parce qu’il était possible, avec les trois Safety Car, d’avoir une certaine neutralité sur la course. Les voitures qui voulaient gagner n’avaient pas de répit, mais maintenant on s’est écarté de ça. Ce qui est impacté, c’est la gestion du risque. D’une certaine manière, ça va donc aider la fiabilité mais surtout réduire le risque d’accident.  

Est-ce que votre position sur le Safety Car est partagée par vos homologues dans la catégorie Hypercar ?  

Je sais qu’il y a d’autres équipes qui ont la même position que nous. Je pense qu’il y en a quelques-uns que la course à l’américaine ne rebute pas. Je pense que les avis sont partagés là-dessus. Le nôtre s’exprime réellement en référence à l’esprit historique du Mans. Après, on peut vouloir changer les choses, le monde évolue, mais pour nous ce n’est pas une des choses qui devraient évoluer. Sur les principes fondamentaux de ce qui fait que l’on gagne ou l’on perd au Mans, nous pensons que ça ne devrait pas évoluer parce que ce sont des valeurs intemporelles.  

La Toyota #8 en piste lors de la Journée Test.

La Toyota #8 en piste lors de la Journée Test.

Est-ce que pour vous il existe un système qui serait meilleur ?

On y a beaucoup réfléchi et on a fait des propositions. Six Safety Car, c’est meilleur ! C’est très facile : pour que le Safety Car interfère le moins possible avec la course, il faut partager le circuit en tronçons aussi courts que possible. Effectivement, six Safety Car c’est nettement mieux car ça neutralise beaucoup mieux la course, mais c’est évidemment très compliqué au niveau logistique.

Ce qui marche très, très bien, c’est le Full Course Yellow, ou le Virtual Safety Car. C’est une avancée claire en termes de gestion de course d’avoir implémenté le VSC en Formule 1, c’est la façon de ralentir en gelant les positions et en n’interférant pas avec le déroulé précédent de la course. Ça, c’est parfait. Le problème, c’est que parfois, en fonction des interventions qu’il y a à faire sur la piste, il n’est pas possible d’avoir un flux continue de voitures. Dans ce cas-là, un Safety Car devient intéressant car il regroupe les voitures et vous avez des périodes où un camion peut reculer, par exemple.

Le Full Course Yellow existe, mais on justifie le Safety Car par le fait que parfois, il est nécessaire d’interrompre le flux de voitures. Notre conclusion, c’est que nous considérons les trois Safety Car comme la solution optimale pour assurer la neutralité sportive et la nécessité d’avoir des périodes sans voiture

Est-ce qu’on peut aller jusqu’à craindre de voir la décision de déployer ou non la voiture de sécurité en fonction du classement ou du déroulement de la course ?

C’est une question à poser au... [Il s'interrompt]

Mais est-ce que c’est une crainte que vous pouvez avoir ?

Clairement, oui, bien sûr

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