Il y a 40 ans disparaissait Steve McQueen

Le 7 novembre 1980, Steve McQueen nous quittait. Celui que la France découvrit dans le rôle du chasseur de primes Josh Randall, de la série télé "Au nom de la loi", était aussi et avant tout un passionné de sports mécaniques.

Steve McQueen pendant le tournage du film Le Mans

Photo de: Rainer W. Schlegelmilch

Décédé il y a tout juste quarante ans d'un cancer du poumon, Steve McQueen avait contracté bien plus tôt que celle du métier d'acteur une passion beaucoup plus forte encore pour la vitesse, les engins à deux ou quatre roues et les sports mécaniques. Orphelin de père dès l'âge de six ans, le futur auteur du film Le Mans a été confié par sa mère au frère de celle-ci, qui l'a élevé comme son fils. C'est de ce dernier qu'il reçut, à l'âge de trois ans, un tricycle jaune au guidon duquel il alla rivaliser avec les autres gamins sur les aires de jeu du coin. "C'est là qu'est née ma passion de la course", a plus tard déclaré McQueen, cité par Marshall Terrill dans la biographie que celui-ci lui a consacrée : Steve McQueen - Portrait of an American rebel.

Ce n'est que bien plus tard, après avoir pas mal bourlingué – y compris avec un passage par les Marines – et alors que sa carrière d'acteur en était à ses balbutiements, que Steve McQueen a pu assouvir sa passion des belles mécaniques. "Il voulait tout savoir sur les motos, les voitures", relata un de ses amis auquel, alors qu'il était lui-même propriétaire d'une Jaguar bien cabossée, il emprunta un jour sa Porsche. "Sur les routes des collines de Laurel Canyon [le berceau de la musique folk, en Californie], il a alors réalisé qu'il pouvait négocier les virages à une vitesse beaucoup plus élevée. Du coup, il s'est lui aussi acheté une Porsche et s'est débarrassé de la Jaguar."

Cette même année 1959, McQueen disputa sa première course à Santa Barbara, au volant de sa Porsche. "La pire chose qui pouvait arriver s'est produite : j'ai gagné", raconta-t-il plus tard. "C'est là que je suis devenu vraiment accro." C'est aussi cette année-là, alors qu'il commençait à se faire un nom grâce à la série Au nom de la loi mais rêvait encore d'un rôle important au cinéma, qu'il rencontra un certain Stirling Moss en Californie. S'il n'a jamais vraiment eu d'idole, McQueen confessa un jour que Moss était pour lui l'exception qui confirmait la règle.

Stirling Moss pour professeur

Les deux hommes se croisèrent une nouvelle fois, cette fois en Angleterre, en 1961. McQueen, qui s'était enfin vu confier un rôle plus important l'année précédente dans Les sept mercenaires – même si ce n'était qu'un second rôle aux côtés de Yul Brynner – s'y trouvait pour le tournage du film L'homme qui aimait la guerre. "Steve et sa femme habitaient une drôle de petite maison près d'Hollywood quand je l'ai connu", s'est souvenu plus tard le quadruple vice-Champion du monde de Formule 1. "Il courait alors en amateur. Quand je l'ai revu, il était sous les feux de la rampe. Il avait une Jaguar Type D, entre autres, et une maison fantastique."

Steve McQueen, Peter Revson, Porsche 908/02

C'est Moss qui conseilla à McQueen de s'engager dans une course de Formule Cooper à Brands Hatch. Ce qu'il fit. Et ce qui ne fut pas sans poser de problème vis-à-vis des producteurs du film en cours de tournage, qui firent tout pour l'en empêcher. "Ils ne pouvaient pas m'arrêter, mais ils m'ont menacé de poursuites", témoigna un jour le principal intéressé. "J'ai beaucoup appris quand j'ai couru en Europe. À Brands Hatch, lors des essais, je suivais Stirling qui m'indiquait avec ses doigts quel rapport je devais utiliser. Il pilotait d'une main et je m'accrochais à lui comme si ma vie en dépendait."

Plus de peur que de mal

Tandis que le tournage touchait à sa fin, McQueen évita de justesse une catastrophe – pour lui et pour le film – lors d'un accident, toujours à Brands Hatch, au volant d'une des voitures de l'école de pilotage de John Cooper. Un reporter qui assista à la scène la décrivit ensuite en ces termes : "Dans une descente, après avoir quitté la piste, McQueen a fait un superbe job en propulsant la Cooper entre une série de poteaux et de panneaux en métal qui auraient pu la détruire. Il a contrôlé la glissade jusqu'à l'instant final, s'est mis en tête-à-queue pour taper sous un bon angle, et la Cooper est partie en toupie, tournant et rebondissant dans tous les sens – mais par miracle, elle ne s'est pas retournée."

McQueen en fut quitte pour quelques coupures et une grosse frayeur. C'est alors que Cooper lui fit une proposition dont il fut très fier : celle de devenir membre de la prestigieuse British Motor Corporation et de courir comme pilote professionnel en Europe. Il se retrouvait face à la décision la plus difficile de toute sa carrière.

Steve McQueen

"Ils m'ont donné un week-end pour faire mon choix", dit-il un jour en évoquant cette période. "J'ai passé deux journées entières en sueur, à essayer de savoir si je voulais devenir pilote professionnel et gagner ma vie sur la piste, ou si je voulais continuer à être acteur. Ce fut une décision très difficile à prendre car je ne savais pas si j'étais un acteur qui courait ou un pilote qui faisait l'acteur. Mais je devais aussi prendre en compte Neile [son épouse] et nos deux enfants, et c'est ce qui a fait la différence. J'ai décliné la proposition. Mais j'ai été tout près de laisser tomber ma carrière d'acteur. Je n'avais rien fait de vraiment important ni impressionnant à l'écran, et j'étais fatigué d'attendre le grand rôle, celui qui m'aurait permis de percer."

La passion de la course assouvie sur grand écran

En 1961, Steve McQueen avait renoncé à une possible carrière de pilote professionnel pour rester dans le monde du cinéma. Une décision qui avait dû être un crève-cœur pour lui, qui déclarait quelques années plus tôt en interview, alors qu'il prenait part à des compétitions de dirt track : "Dans les studios, tout le monde attend après moi. Ils me poudrent le nez et me disent ce qu'ils croient être ce que j'ai envie d'entendre. Et au bout d'un moment, vous êtes convaincu d'être un super humain. Mais quand vous courez à moto, le gars sur la moto d'à côté ne prend pas soin de vous. Et s'il vous bat, ça veut dire qu'il est meilleur que vous. Et il n'a pas peur de vous dire que vous êtes un pouilleux."

Tout en continuant à courir dès qu'il en avait l'occasion, c'est donc par le biais du cinéma que McQueen, devenu star internationale et acteur le mieux payé d'Hollywood, allait tout faire pour exprimer sa passion de la vitesse et de la course. Son projet de film tourné dans le monde de la Formule 1, Day of a Champion, tomba à l'eau quand le réalisateur John Frankenheimer et l'acteur James Garner, son ami auquel il en voulut beaucoup, le prirent de vitesse avec Grand Prix.

Steve McQueen

Ce n'est pas lui qui réalisa les scènes de cascade ou de poursuites pour lesquelles il est le plus connu aujourd'hui. Mais il participa activement à l'organisation du saut à moto par-dessus des barbelés dans La grande évasion. En revanche, il ne voulut, dans un premier temps, pas entendre parler du film Bullitt. Parce qu'il ne voulait pas jouer le rôle d'un "flic", et parce qu'il était déjà immergé dans son nouveau projet de film sur la course automobile...

Une fois décidé, l'acteur s'impliqua énormément dans Bullitt, notamment dans la fameuse scène de poursuite qui fut tournée en dernier et dans laquelle il voulait cette fois être lui-même au volant. Hélas, ses quatre tentatives se soldèrent par autant d'échecs, puisqu'il se mettait en travers et venait emboutir d'autres voitures. "Sortez-le moi de là", réagit le cascadeur engagé pour superviser les scènes d'action, Carrie Lofton, qui déclara pas la suite : "Steve était un bon pilote, mais il y a une différence entre être un bon pilote et un bon cascadeur." Il fallut quatre jours à l'équipe du film pour se "débarrasser" de l'acteur vedette dans la réalisation de cette scène, non sans avoir usé d'un drôle de stratagème : avec la complicité de sa femme, Neile, l'heure de réveil donnée à McQueen le jour fatidique – six heures du matin – était bien plus tardive que la vraie et quand la star arriva sur les lieux du tournage, la séquence était en boîte...

Direction... Le Mans

McQueen n'avait donc pas renoncé à son grand film sur la course qu'il voulait tellement inégalable que "personne n'en ferait jamais plus", et jeta son dévolu sur les 24 Heures du Mans. Pensant prendre part lui-même à l'édition 1970 dans le cadre de laquelle serait tourné le film, il participa à des courses de clubs ainsi qu'aux 12 Heures de Sebring avec Peter Revson sur une Porsche 908 3.0-litres. Ils ne s'inclinèrent que de justesse mais lors de la cérémonie d'après-course, le public n'avait d'yeux que pour McQueen et non pour Mario Andretti, pourtant magistral vainqueur...

Steve McQueen, Porsche 908/2

En raison d'un problème d'assurances notamment, McQueen dut se rendre à l'évidence et ne prit pas le volant dans la Sarthe, supervisant en revanche les prises de vue. La suite est connue : le tournage vira au cauchemar avec plusieurs accidents, dont un des suites duquel le pilote David Piper fut amputé d'une jambe. Et un autre pour McQueen lui-même au volant d'un onéreux proto, alors qu'il avait loué la piste – également à grands frais – pour tourner des raccords. John Sturges, avec lequel il avait travaillé sur Les sept mercenaires et La grande évasion, finit par quitter le navire – lassé d'entendre la star refuser l'histoire d'amour que le réalisateur voulait imposer parallèlement à l'autre histoire, celle de McQueen : la course. Et rien que la course.

Le film fut terminé avec deux mois de retard et un million et demi de dollars de dépassement de budget. La critique fut sévère, le Time l'appelant "Petit Prix" en référence à Grand Prix. McQueen en sortit exsangue. Il y avait laissé son mariage, sa société de production et une partie de sa fortune. "Ce fut un vrai bain de sang, ce film", déclara-t-il des années plus tard, "la chose la plus dangereuse que j'ai jamais faite. Manque de chance, nous n'avions pas de script. Je me suis trompé. On ne peut pas avoir raison tout le temps."

Herbert Linge, Jonathan Williams, Solar Productions Porsche 908/02 avec une caméra pour le tournage du film Le Mans, de Steve McQueen

Pour les passionnés de sport automobile, Le Mans est pourtant considéré comme la référence du genre. Peut-être parce qu'il est à l'image de ce que Steve McQueen voulait qu'il soit. Il y a bien un scénario, mais c'est celui de la course. Et la seule scène un tant soit peu sentimentale est celle où Michael Delaney, le personnage qu'il incarne, explique à une jeune femme, avec laquelle on pourrait deviner le début du commencement d'une romance, qu'arrêter de courir est simplement impossible pour lui... "Pour Steve, la course avait une dignité et il n'était pas sûr qu'être acteur puisse être mis sur le même plan", déclara après sa mort un écrivain proche de l'acteur qui avait lui-même affirmé, à l'époque des compétitions de dirt track : "La course me permet de garder mon équilibre. Quand je suis sur cette bécane, je me dis à moi-même : voilà où j'ai envie d'être. Voilà ce que je veux faire.”

Retour sur l'édition 1970 des 24 Heures du Mans

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