Analyse

L'armada Ducati, une menace pour l'équilibre du MotoGP en 2022

Voir Ducati aligner huit machines sur la grille MotoGP n'est pas un fait inédit, puisque la marque l'a déjà fait entre 2016 et 2018. Mais le niveau de la Desmosedici est impressionnant et l'implication de la firme de Borgo Panigale dans ses alliances bien plus importante qu'elle le fut par le passé, or cela pourrait avoir pour effet de déséquilibrer la catégorie reine.

Marco Bezzecchi, VR46 Racing Team, Luca Marini, VR46 Racing Team, Jorge Martin, Pramac Racing, Johann Zarco, Pramac Racing, Francesco Bagnaia, Ducati Team, Jack Miller, Ducati Team, Enea Bastianini, Gresini Racing, Fabio Di Giannantonio, Gresini Racing

Marco Bezzecchi, VR46 Racing Team, Luca Marini, VR46 Racing Team, Jorge Martin, Pramac Racing, Johann Zarco, Pramac Racing, Francesco Bagnaia, Ducati Team, Jack Miller, Ducati Team, Enea Bastianini, Gresini Racing, Fabio Di Giannantonio, Gresini Racing

Ducati Corse

Depuis sa première apparition en Grand Prix, avec Loris Capirossi et Troy Bayliss en 2003, Ducati a peu à peu renforcé sa présence sur la grille MotoGP. En 2006, la marque est passée à quatre machines, avec le team Pramac d'Antin comme premier client. Une cinquième Ducati a rejoint la grille en 2009, confiée à Sete Gibernau via l'équipe du Grupo Francisco Hernando. En 2011, année de l'arrivée de Valentino Rossi, ce nombre est passé à six : les deux motos officielles, deux chez Pramac, une pour le team Aspar et une pour Cardion AB. Puis ce furent huit motos en 2016, avec désormais deux machines pour chacun des trois teams satellites et clients (Pramac, Aspar et Avintia).

À l'époque, la formule utilisée pour répartir les motos était assez simple. Sur la base du budget et du rendement que pouvait soutenir l'usine, les équipes qui investissaient le plus et avaient les liens les plus étroits avec Borgo Panigale recevaient les motos les plus avancées. Celles qui investissaient moins devaient se contenter de machines datant de la saison précédente, voire de deux ans auparavant.

Ducati a commencé à modifier ce principe en 2018, en offrant à Danilo Petrucci, alors pilote Pramac, une Desmosedici identique à celles de Jorge Lorenzo et Andrea Dovizioso. Malgré la perte de deux machines en 2019, ce fonctionnement a été maintenu et le constructeur italien a également pris en charge les contrats des pilotes Pramac, Jack Miller et le rookie Pecco Bagnaia. En 2020, le nombre de motos d'usine est passé à quatre, concernant désormais les deux pilotes Pramac. Dans le même temps, Ducati a également recruté Johann Zarco et lui a trouvé une place chez Avintia, en prenant en charge une partie de son salaire et la gestion de sa moto, une Desmosedici version 2019.

En 2021, lorsque le Français a rejoint le team Pramac aux côtés de Jorge Martín, tous deux ont conservé les machines de dernière génération désormais fournies à l'équipe italienne, ainsi qu'un contrat direct avec la marque. Enea Bastianini a lui aussi bénéficié d'un accord avec Ducati, mais il a dû se contenter d'une moto de 2019 chez Avintia, améliorée au fil de l'année. À l'inverse, Luca Marini a bénéficié d'une moto de 2020 mais a couru sous contrat avec VR46.

Durant ces quatre dernières années, Ducati a donc peu à peu pris en charge presque tous les contrats des pilotes courant avec son matériel, une démarche qui a permis notamment d'équilibrer son bilan financier. Car de 2018 à 2021, la marque est passée d'un gain de deux millions pour chaque prototype de la saison précédente aligné par une équipe cliente − un million si la moto avait deux ans − à la prise en charge des coûts des motos en question.

Jack Miller leads a train of Ducati riders during the 2021 Valencia MotoGP

Trois Ducati prêtes à verrouiller le podium au Grand Prix de Valence 2021

Les lignes de dépense liées aux contrats des pilotes officiels ont grandement évolué par rapport aux saisons 2017 et 2018, où les salaires de Lorenzo et Dovizioso atteignaient 20 millions d'euros à eux seuls. Actuellement, Miller, Bagnaia, Zarco, Martín et Bastianini tournent autour de trois millions, auxquels s'ajoutent une somme identique versée sous forme de primes liées aux résultats. Désormais, l'argent ne va pas aux pilotes, mais est injecté dans les motos et leur développement.

La moto la plus affûtée

Cette nouvelle politique mise en place par le constructeur italien a commencé à porter ses fruits, car bien qu'elle n'ait pas remporté le titre en 2021, la Desmosedici est devenue, aux dires de la majorité du paddock, la machine la plus équilibrée et la plus affûtée sur la grille. Elle le doit, selon ses propres représentants, à la force du développement collectif. Résultat, c'est la moto qui a accumulé le plus grand nombre de victoires l'année dernière (sept), plus que Yamaha qui s'est pourtant emparé du titre pilotes avec Fabio Quartararo.

"Je le pense", répondait Jack Miller après les essais d'intersaison de Jerez, en novembre, lorsqu'il lui a été demandé s'il envisageait que la Ducati de 2022 puisse dominer la prochaine saison. "Avec la GP21, qui était globalement la même moto [que la GP20], nous avons été en mesure d'être très dominants à la fin de la saison. Pas dans mon cas en particulier, mais avec Pecco et d'autres aussi, nous étions là chaque week-end, donc je pense que si nous pouvons progresser, nous aurons une bonne chance."

Vainqueur quatre fois en six courses à la fin de la saison 2021, dont il a obtenu la place de vice-Champion du monde, Pecco Bagnaia est allé encore plus loin dans ses prévisions. "J'espère que la moto de l'année prochaine sera simplement meilleure que celle-ci. Celle-ci est déjà parfaite à l'heure actuelle", déclarait-il avant d'entamer le test de Jerez. Et après cette séance, qu'il a dominée, il était séduit.

"Au test de Jerez, notre chrono avec la nouvelle moto était incroyable parce que je l'ai fait avec un réservoir plein et des pneus medium", a-t-il expliqué à Motorsport.com. "J'ai bien commencé, j'ai beaucoup travaillé durant ces deux jours et, le deuxième jour, c'était déjà OK : elle était déjà utilisable en course. Si la course avait eu lieu le lendemain, j'aurais commencé avec cette moto. Les ingénieurs Ducati ont donc fait un travail incroyable avec la moto de [2022] et je suis sûr qu'en Malaisie [à la reprise des tests, ndlr], on découvrira de nouvelles surprises, c'est certain."

Ducati a donc déjà aligné huit machines par le passé, mais la grande différence cette année tient dans le niveau de performance atteint. Il y a six ans, les Desmosedici qui peuplaient la grille ne dominaient pas le plateau et seules deux d'entre elles étaient des motos d'usine. La politique de l'époque était plus orientée vers le business, mais pas dans l'intérêt général, alors que la mutualisation des efforts dernièrement a permis au package de grandement progresser. En 2022, il y aura cinq motos "full factory" (Bagnaia, Miller, Martín, Zarco et Marini) et trois machines dans la spécification de 2021 (Bastianini, Di Giannantonio et Bezzecchi).

"La Ducati est la moto la plus compétitive du championnat, et on est tous d'accord là-dessus", admet Aleix Espargaró. "Tous les pilotes sont très rapides sur cette moto. En étant romantique, j'aimerais que tous les constructeurs aient quatre motos. C'était l'idée de la Dorna, mais pour une raison ou une autre, cela ne s'est pas produit et Ducati a conservé cette part de marché."

The likes of Aprilia and Suzuki are totally outnumbered, with only two bikes each

Aprilia et Suzuki n'ont toujours que deux motos sur la grille

Si Aleix Espargaró peut se montrer défaitiste alors qu'Aprilia n'aligne toujours que deux machines, celui qui doit le plus s'inquiéter de la croissance de Ducati aujourd'hui, c'est Fabio Quartararo. Car, cette année, le Français va devoir défendre sa couronne face à une armée toute puissante de machines rouges, qui lui ont déjà prouvé leur force groupée en fin de saison dernière.

Le Français a vu Ducati passer un cap après la pause estivale. "Clairement, c'est à ce moment-là qu'on voit qu'ils ont fait un grand step", observait-il en marge du dernier Grand Prix, à Valence, disant n'être "pas totalement confiant" et attendre des améliorations sur sa Yamaha. "Ils ont fait d'énormes progrès. Je suis plus inquiet pour l'an prochain mais c'est une chose que je ne dois pas trop avoir à l'esprit maintenant. Je laisse ça à Yamaha. Ils savent ce qu'ils ont à faire pour progresser l'an prochain."

Son prédécesseur au championnat, Joan Mir, estime pour sa part que huit motos sur une grille de 24, cela fait beaucoup d'adversaires à combattre, surtout au vu de l'énorme potentiel de la Ducati. "Il n'y a que pour Ducati que c'est bon. Honnêtement, je pense que c'est trop", a-t-il récemment déclaré. "Si quelqu'un se bat pour le titre [face à] Ducati et qu'il doit se frotter à huit motos, c'est monstrueux. Il y a toujours une Ducati devant et cela montre leur potentiel."

Pol Espargaró, qui court sous les couleurs de Honda, est du même avis. "C'est très négatif. Je ne parle pas du championnat, mais de moi, de mes intérêts", analyse-t-il. "Les Ducati marchent très bien, et si elles sont capables d'évoluer aussi bien qu'elles l'ont fait [en 2021], ce sera mauvais pour nous. Tout au long de l'année, de nombreuses Ducati se sont battues pour la victoire, et [cette année] il y en aura deux de plus."

Iker Lecuona se montre bien plus pragmatique, une position sûrement influencée par le fait qu'il n'aura pas à affronter la légion de Ducati en 2022 puisqu'il rejoint le WorldSBK… "La seule chose qui est certaine, c'est que si Ducati a huit motos sur la grille, c'est parce qu'ils sont les seuls à l'avoir voulu ou à avoir pu le faire", observe-t-il. "Suzuki et Aprilia n'ont que deux motos : s'ils avaient voulu ces places, ils les auraient eues. Si ces huit Ducati conditionnent le championnat, c'est parce que les autres leur auront permis de le faire."

Dans la même veine, Alberto Puig, team manager de Repsol Honda, expliquait récemment à Motorsport.com : "Il ne faut pas anticiper, il faut voir qui gagne et combien. Ducati a une moto que tout le monde dit fantastique, mais ils n'ont pas gagné de titre depuis Stoner, et c'était il y a longtemps. Quatorze ans, pour être exact..."

Will having eight Ducatis on the 2022 grid be a key advantage that many expect in MotoGP?

Avoir huit motos sur la grille 2022 sera-t-il un avantage décisif pour Ducati ?

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