Analyse

Comment Ducati s'est fait dépasser sur le marché des transferts

Alors que Yamaha et Suzuki ont choisi de miser sur l'avenir pour tenter de contrer l'hégémonie de Honda et Marc Márquez sur le MotoGP, Ducati s'oriente vers un line-up basé sur ses pilotes actuels après 2020.

Maverick Vinales, Yamaha Factory Racing

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

En l'espace de trois jours, du 28 au 30 janvier, Yamaha a mitraillé ses annonces, définissant pierre après pierre les fondations de son line-up futur, grâce auquel le constructeur d'Iwata entend retrouver un rôle de protagoniste dans le championnat. Il y eut d'abord le renouvellement inattendu de Maverick Viñales, puis l'annonce de la promotion de Fabio Quartararo au sein de la structure officielle en vue de 2021 et le détail des plans concernant Valentino Rossi et l'acceptation qu'il pourrait, peut-être, raccrocher à la fin de la saison. Une dernière "bombe" est arrivée avec l'annonce du retour de Jorge Lorenzo comme pilote d'essais.

La marque aux trois diapasons a brisé toutes les chaînes qu'elle s'était imposées ces dernières années, tout en verrouillant pratiquement le marché des équipes d'usine tout en verrouillant pratiquement le marché des équipes d'usine jusque fin 2022. Le constructeur japonais a avancé ses pions avant Noël, en assurant le prolongement de Viñales, son pilote le plus rapide et le seul qui ait pu apporter des succès à Iwata au cours des deux dernières saisons, et en recrutant au sein de son équipe d'usine Quartararo, le diamant brut dont tout le monde parle, en qui certains voient même le véritable anti-Márquez. Les effets collatéraux des pièces placées par Yamaha ont été ressentis chez certains concurrents d'Iwata plus que chez d'autres, et au siège de Ducati on a encore du mal à se faire à cette idée.

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En renonçant à Rossi comme porte-étendard, le constructeur japonais montre qu'il fait tout son possible pour reconquérir les sommets, car le risque pris en "abandonnant" le numéro 46 est élevé. L'approche de Yamaha ces dernières années a en effet toujours donné l'impression que ses objectifs sportifs devaient être complétés par des intérêts commerciaux, ce qui est logique vu l'aura drainée par le Docteur. "La pire chose que les responsables d'une marque puissent faire est de prendre des décisions dont ils pensent qu'elles vont plus bénéficier à l'un de leurs pilotes, même si c'est quelque chose qu'il n'a pas demandé. Et c'est ce qui s'est passé ces dernières années", déclare un membre senior de Yamaha, qui préfère naturellement rester anonyme.

Cependant, quelque chose a changé cet hiver et cela n'est pas passé inaperçu dans les autres usines. "Notre grand rival est clairement Yamaha, qui a remporté sept des 18 derniers championnats", déclare le directeur de l'équipe Repsol Honda, Alberto Puig, dans un entretien avec Motorsport.com. Dans le cas du HRC, le renouvellement de Marc Márquez pour quatre ans et le recrutement de son frère Álex dessinent un horizon très bien structuré et prometteur. Suzuki, pour sa part, a déjà fait savoir à ses pilotes qu'ils seraient renouvelés pour les deux prochaines saisons, en vertu de la clause de performance de leurs contrats.

Le maintien d'Álex Rins, vainqueur de deux Grands Prix en 2019, pouvait être considéré comme acquis, néanmoins des structures se sont intéressées à Joan Mir avant de savoir que son avenir était entre les mains de Suzuki. Le constructeur d'Hamamatsu reste fidèle à sa philosophie en avançant pas à pas, une démarche qui lui a bien servi depuis son retour à la compétition en 2015, à l'exception de 2017 où l'équipe a raté le coche en sélectionnant son moteur. La compétitivité affichée par la GSX-RR, notamment aux mains de Rins, associée à la stabilité qui règne à l'intérieur du stand, explique le fait que Suzuki s'affirme comme une force en puissance et ses pilotes disputeront la première course, peu importe où et quand elle se tiendra, avec la ferme intention de jouer la gagne.

L'as Viñales est sorti du jeu de Ducati

En l'état actuel des choses, le constructeur qui semble être le plus à la traîne est Ducati, du moins en apparence, que ce soit en termes de chronos (ils laissaient fortement à désirer lors ses tests de Sepang) ou de recrutements qui auraient pu insuffler une dose raisonnable d'optimisme. Les responsables de Borgo Panigale ne cachent pas que l'annonce du renouvellement de Viñales chez Yamaha a été une douche froide.

Ainsi, lorsque Motorsport.com a demandé à Paolo Ciabatti dans quelle mesure Ducati basait sa future stratégie sur l'arrivée du pilote espagnol, la réponse du directeur sportif du constructeur n'a laissé que peu de doutes sur le fait que le #12 était bien dans les plans des Rouges pour 2021 : "Ducati pensait que Viñales pourrait être un pilote intéressant pour notre avenir, mais maintenant il n'est plus disponible. Compte tenu de cela, il est clair que nous avons une carte de moins à jouer. Il n'y a pas beaucoup d'options."

La relation entre Viñales et Yamaha a pris un tournant à 180° entre la dernière course de 2019, fin novembre, et les dix premiers jours de décembre. Avant cela, les déclarations du pilote de Roses ainsi que d'autres indicateurs semblaient le mener directement vers Borgo Panigale. Comme Motorsport.com a toutefois pu le découvrir, Ducati a bel et bien fait part au Catalan de son intérêt, cependant le manque de détermination alors affiché a coïncidé avec une proposition venue des bureaux japonais de Yamaha, dont les responsables ont réagi lorsqu'ils ont été informés par l'environnement le plus proche du pilote de son intention de changer d'air. Le nouvel accord a été conclu la première semaine de décembre lors d'une visite éclair de Viñales au Japon, alors que tout le monde se trouvait en vacances. Quand Ducati l'a découvert et a voulu réagir, il était trop tard.

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Il y a encore quelques semaines, Andrea Dovizioso semblait avoir fait son temps en tant que leader du constructeur italien, pourtant les derniers mouvements du marché des transferts font maintenant penser que l'union pourrait se prolonger. Le pilote italien fêtera le 23 mars ses 34 ans, lui qui a passé ces sept dernières années sur une Desmosedici. "Sur les cinq pilotes qui ont remporté un Grand Prix en 2019, nous en avons deux. Il est vrai que Dovi aura 34 ans, mais il a également terminé deuxième ces trois dernières années et a été le seul à pouvoir rivaliser avec Marc pour le titre", rappelle Ciabatti.

Le directeur sportif de Ducati Corse est par ailleurs conscient du peu d'alternatives qui s'offrent à lui. "Il y a Danilo [Petrucci], qui devrait constamment être dans le top cinq. Puis il y a Jack [Miller], qui est un immense talent, et Pecco [Bagnaia]. Et aussi Zarco, qui a un contrat avec nous. Nous devons chercher le meilleur dans ce qui est disponible", énumère le responsable, confirmant en quelque sorte l'impression que Ducati s'y est peut-être pris un peu tard et devra quoi qu'il arrive choisir parmi ses pilotes actuels.

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