Analyse

Comment expliquer que la Honda ne soit plus la moto d'un seul pilote ?

Depuis deux Grands Prix, Álex Márquez a été là où on ne l'attendait pas, comblant le vide laissé par son frère au guidon d'une machine que l'on disait pourtant trop compliquée à dompter par les autres pilotes Honda. Est-ce uniquement le fruit de la progression du rookie ?

Alex Marquez, Repsol Honda Team

Motogp.com

Alors que Honda a pâti lourdement de l'absence de Marc Márquez depuis le début du championnat, on pensait que l'absence du champion serait encore plus douloureuse au Grand Prix d'Aragón, épreuve dont il était le roi incontesté depuis quatre ans. Mais, surprise, un autre Márquez a mené la RC213V dans la lutte pour la victoire lors de la première des deux épreuves organisées sur le MotorLand ! La moto japonaise ne serait-elle plus domptable par un seul et unique pilote ?

Le #93 blessé dès le premier Grand Prix et vite contraint d'accepter la plus longue convalescence de sa carrière, Honda a plongé dans les bas-fonds des classements. Depuis 1982, la marque n'avait pas connu plus faible campagne, sans aucune victoire ni même aucun podium jusqu'à la neuvième manche de la saison. Appelé à faire ses débuts dans la catégorie reine à une place inconfortable, Álex Márquez voyait alors se braquer sur lui des projecteurs acerbes, engendrant les critiques faciles à l'encontre d'un jeune pilote qui devait à la fois découvrir la catégorie reine et apprendre une moto qui s'est taillée la réputation de ne correspondre qu'à un seul homme, huit fois Champion du monde.

Pourtant, le jeune frère de la star du championnat a vu son année opérer un tournant au mois de septembre, lors d'une journée de test organisée à Misano. Un châssis différent, un nouvel amortisseur, quelques retouches apportées à l'électronique et un empattement allongé afin de mieux s'adapter à sa grande taille (1,79m)… Le déclic a été immédiat : 17e au premier Grand Prix disputé sur la côte adriatique, il était septième une semaine plus tard, après ce test, avec une amélioration de 17 secondes de son temps de course. Takaaki Nakagami, qui avait immanquablement fait figure de premier pilote Honda depuis le début de la saison, n'avait plus qu'une seconde d'avance sur l'Espagnol, contre 12 une semaine plus tôt.

Pour la première fois également, le plus jeune des frères Márquez a bouclé une séance en tête, celle du warm-up, de quoi sans doute renforcer sa confiance. La plus grande confirmation de ses progrès est toutefois arrivée lors des courses du Mans et d'Aragón, où il a décroché ses premiers podiums dans la catégorie mais aussi les premiers de Honda cette année.

Alors, qu'est-ce qui a changé pour que cette moto que l'on disait impossible à piloter pour un rookie lui permette de faire ce qu'il voulait au point de se battre pour la victoire sur le MotorLand Aragón ? "Je ne peux pas dire que la moto se soit améliorée dans un domaine en particulier, car je pense qu'elle a progressé à tous les niveaux. On était 14e ou 15e, alors pour en arriver à la deuxième place il faut tout améliorer", décrit le jeune pilote. "Au test de Misano, nous avons essayé de petites choses qui m'ont donné un peu plus de confiance. Nous avons aussi suivi un peu plus la voie empruntée par Marc en termes de réglages et j'ai plus de feeling sur l'avant et des sensations un peu meilleures avec la moto, ce qui est toujours bien. Peut-être que la moto est un peu plus critique quand il fait froid, comme vendredi matin où je suis tombé au virage 2, mais je ressens plus le pneu avant et on a beaucoup amélioré le passage de courbe et le grip. On travaille de la bonne manière, dans la bonne direction."

Alex Marquez, Repsol Honda Team

Selon Cal Crutchlow, qui n'a de cesse de tempérer les curiosités au sujet du nouvel amortisseur, les résultats d'Álex Márquez sont principalement dus au talent d'un pilote, certes, discret mais double Champion du monde. "Dans une certaine mesure, nous avons tous le même [talent]. C'est juste qu'il pilote très bien, c'est aussi simple que ça", juge le pilote anglais. "Il n'y a pas eu de miracle, pas de gros changements. Oui, nous avons le nouvel amortisseur, mais ils travaillent tout le temps. Nous avons un petit quelque chose sur l'électronique, mais les réglages de la moto sont plus ou moins ceux que j'utilisais il y a trois ans. L'empattement et ce genre de choses, c'est un peu toujours la même chose. Ils apportent surtout des choses sur l'électronique, ceci ou cela, et oui, nous avons un nouvel amortisseur qui semble meilleur dans certaines conditions, mais si Álex est performant, c'est parce qu'il pilote super bien."

Ramon Aurín, ingénieur de piste expérimenté après avoir travaillé avec Nicky Hayden, Andrea Dovizioso, Dani Pedrosa ou encore Jorge Lorenzo, et désormais associé à Álex Márquez dans le stand Repsol Honda, partage dans une certaine mesure l'admiration du pilote LCR pour ce qu'a réussi à réaliser l'Espagnol. "Álex a très bien géré la course à Alcañiz. En fin de compte, il s'agit d'un double Champion du monde. Il a du talent et de l'expérience", juge le technicien auprès de Motorsport.com.

Toutefois, il tient également à souligner le travail accompli par le HRC afin de faciliter la vie du rookie : "L'amélioration est venue en partie du fait que nous avons trouvé quelques petites choses lors du test de Misano, de nouvelles pièces qui ont fonctionné. Le HRC a beaucoup aidé. L'avantage d'être dans une équipe d'usine est que l'on vous soutient de toutes les manières possibles et que l'on essaie de vous apporter ce dont vous avez besoin afin d'accélérer votre développement. C'est un des avantages qu'Álex a eus."

L'autre clé, selon Aurín, c'est la méthodologie de travail appliquée dans le stand : "Je n'ai pas travaillé directement avec Marc, mais je l'ai vu dans le stand et Álex est de la même école. Ils sont très organisés, très bien préparés, et ils aiment avoir une structure pour chaque séance. Quand il faut faire des changements sur la moto, ils sont très clairs : ça marche ou ça ne marche pas. Cette clarté aide beaucoup. Franchement, c'est très facile de travailler avec lui."

Alex Marquez, Repsol Honda Team, Marc Marquez, Repsol Honda Team

Pour Stefan Bradl, pilote d'essais du HRC et remplaçant de Marc Márquez en course pendant sa convalescence, le test de Misano a clairement marqué un tournant pour son voisin de stand. "Álex utilise le nouveau set-up depuis Misano, et petit à petit il gagne en vitesse. Désormais il comprend très bien la moto, alors chapeau à lui", a salué l'Allemand dimanche.

"Honda a connu quelques mois difficiles, et sans Marc la situation est plus difficile", a-t-il admis. "Mais nous avons gardé la tête haute et continué à travailler, et il semble que nous ayons trouvé la voie à suivre. Nous l'avons déjà vu au Mans, puis Álex l'a prouvé en Aragón, où son rythme s'est révélé très bon", a souligné Bradl, lui-même auteur de son meilleur résultat au Mans, alors qu'en Aragón c'est Crutchlow que l'on a vu revenir aux avant-postes en qualifications avant qu'un souci technique ne gâche sa course.

"Nous testons beaucoup de choses et nous trouvons une direction à suivre dans le travail", a ajouté Bradl. "Maintenant, Álex suit sa propre voie. Quand on a un pilote comme Marc, c'est normal qu'il trace le chemin. Mais je suis heureux pour Álex, car ça n'a pas été facile pour lui."

Je commence à comprendre pourquoi tout le monde dit que la Honda est une moto difficile.

Álex Márquez

La Honda serait-elle donc devenue une moto qui convient à l'ensemble des pilotes du groupe ? Pour Álex Márquez lui-même, la RC213V a bel et bien un caractère à part, le tout étant de s'y adapter. "Je commence à comprendre pourquoi tout le monde dit que la Honda est une moto difficile. Je pense que c'est une moto difficile, car il faut être fort à tous les niveaux", décrivait-il dimanche à sa descente du podium.

"Avec la Honda, il faut être fort à tous les niveaux : en termes de freinages, de vitesse de passage mais aussi d'accélération. C'est très exigeant pour le pilote, parce qu'il faut tout le temps être à la limite et si on essaye de se détendre un peu on perd une seconde, alors qu'avec une autre moto on perd peut-être deux dixièmes. C'est la raison pour laquelle elle est si difficile, exigeante et physique pour le pilote. Mais je commence à prendre du plaisir, je commence à avoir la moto bien en main et c'est pour cela que les choses viennent plus facilement. Je commence à la comprendre un peu mieux, surtout l'avant de la moto."

"Mon style est différent de celui de Marc. Je suis plus grand, plus doux sur la moto, plus doux avec les pneus à certains endroits. Nous avons des problèmes différents, mais je peux aider Honda à faire en sorte que la moto soit plus complète. Avec Nakagami, nous essayons de faire en sorte que ce ne soit pas une année perdue pour eux", souligne le rookie, ajoutant : "Nous devons briser le mythe selon lequel la Honda serait une moto difficile à piloter."

Futur coéquipier de Takaaki Nakagami chez LCR, Álex Márquez semble bien décidé à faire en sorte qu'à l'avenir la RC213V soit bien plus que la moto de Marc Márquez…

Rejoignez la communauté Motorsport

Commentez cet article
Article précédent Honda écarte la rumeur d'une troisième opération pour Marc Márquez
Article suivant Viñales croit dur comme fer au titre si Yamaha suit son approche

Meilleurs commentaires

Il n'y a pas de commentaire pour le moment. Souhaitez-vous en écrire un ?

Abonnez-vous gratuitement

  • Accédez rapidement à vos articles favoris

  • Gérez les alertes sur les infos de dernière minute et vos pilotes préférés

  • Donnez votre avis en commentant l'article

Motorsport Prime

Découvrez du contenu premium
S'abonner

Édition

France