La controverse autour du flag-to-flag, un débat stérile en MotoGP

Si la plupart des pilotes MotoGP jugent "dangereux" le protocole appliqué lors des courses flag-to-flag, ils soulignent également le peu de marge de manœuvre dont dispose le championnat pour faire mieux.

Flag to flag bike swap

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Dimanche, Le Mans a accueilli la première course flag-to-flag en quatre ans, et force est de constater que le spectacle n'a pas déçu les partisans de ce format spectaculaire. La voie des stands a soudain eu le tournis au début du sixième tour, lorsque pratiquement tous les pilotes y sont passés pour changer de moto, troquant une machine réglée pour le sec pour une autre adaptée à la piste désormais mouillée. Une minute et 23 secondes se sont écoulées entre le moment où le premier d'entre eux est entré dans la voie des stands et le moment où le dernier a repris la piste.

Comme bien souvent dans ce genre de cas, on a pu assister à des scènes surprenantes. Il faut dire que, sur les 22 pilotes qui participaient au Grand Prix de France, 11 n'avaient jamais eu à pratiquer ce changement de moto en pleine course, ce qui peut expliquer une certaine confusion pour certains d'entre eux.

Fabio Quartararo, par exemple, s'est mélangé les pinceaux devant le stand Yamaha, descendant de sa moto devant les mécaniciens de Maverick Viñales, ce qui lui a coûté un peu de temps et lui a valu une pénalité. Quant à Joan Mir, qui est tombé juste avant de pouvoir rejoindre la pitlane, il a quitté les lieux de sa chute en courant au lieu de récupérer sa moto pour rejoindre le stand Suzuki, enfreignant là aussi le règlement.

Lui aussi tombé, Franco Morbidelli est pour sa part descendu de la civière sur laquelle il avait été placé pour tenter coûte que coûte de remonter en selle et de revenir au stand lorsqu'il a senti la pluie, mais c'est à la poussette − aidé notamment par son team manager − qu'il a été ramené jusqu'au stand Petronas SRT, évité au passage de justesse par Maverick Viñales ou encore Jack Miller, futur vainqueur. Miller quant à lui a écopé d'une double pénalité pour avoir dépassé la vitesse limite autorisée dans la pitlane, tout comme son coéquipier, Pecco Bagnaia.

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Après la course, de nombreux pilotes ont donné leur avis sur la méthode mise en place par les organisateurs pour faire face aux conditions météo délicates observées dimanche, et la plupart d'entre eux se sont montrés catégoriques : le flag-to-flag est une pratique dangereuse. Mais pas tant parce qu'ils affluent tous dans la pitlane et doivent descendre d'une moto pour sauter sur l'autre en un minimum de temps, mais surtout au vu du temps qu'ils doivent passer sur un bitume mouillé lorsque leurs motos sont toujours équipées de pneus slicks.

Seul pilote de la grille actuelle à avoir été présent en 2005 lorsque cette règle a été introduite, Valentino Rossi fait partie de ceux aux yeux desquelles elle ne trouve pas grâce, et ce en dépit du fait qu'elle lui a valu sa dernière victoire. "Personnellement, je n'aime pas les courses flag-to-flag parce qu'elles sont plus dangereuses… Plus qu'une question de stress, c'est une question de difficulté. Et c'est plus dangereux parce qu'il faut rouler en pneus slicks sur le mouillé ou l'inverse", a-t-il expliqué.

"Si on est en piste en pneus pluie et que ça sèche, ça n'est pas très dangereux", a-t-il précisé. "C'est avec les slicks que c'est dangereux. Ce sont des pneus lisses et qui ne soutiennent pas l'eau, et ce sont des gommes beaucoup plus rigides, alors quand il y a un peu d'eau au sol ça devient assez dangereux. Ça dépend de combien il pleut. S'il pleut peu et que les slicks sont chaud, on peut facilement rentrer au stand. Par contre s'il pleut beaucoup et que c'est le déluge, il faut rentrer au stand tout doucement, doucement, doucement. Quand il y a déjà de l'eau au sol, le pneu étant déjà slick il ne décharge pas, on peut facilement partir en aquaplaning et n'avoir aucun grip."

"Les gens ne peuvent pas imaginer à quel point il est dangereux de piloter une MotoGP en pneus slick dans des conditions humides. On peut tomber même quand la moto est droite, et je n'aime pas ça. Je ne pense pas que ce soit bon pour notre sport", a renchéri Pol Espargaró. Pour autant, le pilote Honda a concédé qu'il y avait bien peu de marge de manœuvre pour modifier les règles sur ce point, le recours au drapeau rouge comme en Moto2 ou en Moto3 étant peu réaliste : "Nous sommes un peu pieds et poings liés. Nous dépendons d'un programme de télévision qui fixe toutes les directives, il faut donc faire un flag-to-flag car on ne peut pas trop retarder la course."

Moins critique que ses aînés, Álex Márquez découvrait ce format au Mans et, pour lui, la clé se trouve dans l'adaptation et l'anticipation afin de prendre la meilleure décision en fonction du moment et des conditions de piste. "Il est clair que c'est plus risqué qu'une course normale, mais il est encore plus risqué de décider de monter des pneus slicks en qualifs alors que la piste est encore à moitié mouillée", a pointé le jeune pilote espagnol. "Dans le tour avant de rentrer, on prend beaucoup de risques, mais on est ici pour faire le show et ces courses permettent de voir qui s'est le mieux adapté à chaque moment."

Ces dernières années, la méthodologie imposée pour les changements de moto a été affinée afin d'essayer de rendre la manœuvre aussi sûre que possible. À la suite de l'incident impliquant Álvaro Bautista lors du Grand Prix d'Argentine 2016, où il a renversé un de ses mécaniciens en glissant sur le sol humide devant son stand, tout le personnel autorisé à se trouver dans la pitlane est tenu de porter un casque. Des marquages ont également été placés au sol pour indiquer où chaque pilote doit se positionner à l'entrée de son box. Il est par ailleurs interdit de sauter d'une moto à l'autre sans poser le pied au sol, et il a été défini où il laisser une moto et comment partir avec la seconde. Tout un tas de mises à jour et de précisions visant donc à maximiser la sécurité d'une phase qui reste, quoi qu'il arrive, délicate.

Loris Capirossi, représentant de la Dorna auprès de la direction de course, juge pour sa part qu'il n'y aurait pas plus sûr que la règle actuelle. "Ces dernières années, nous avons étudié toutes les formules possibles, et nous pensons que la méthode actuelle de flag-to-flag est la plus adaptée et la plus sûre. Dans les Grands Prix comme celui du Mans, tous les pilotes entrent en même temps et il est normal que les moins expérimentés fassent des erreurs", estime l'ancien pilote, dont la dernière victoire, obtenue à Motegi en 2007, a justement coïncidé avec une course flag-to-flag. "Nous ne pouvons pas créer une infrastructure que l'on ne puisse pas tester ensuite pendant trois ans. Pour moi, le règlement est bien tel qu'il est."

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