Dovizioso : Jorge ne m'a pas gêné, j'étais à la limite

L.B., Cheste – C'est un Andrea Dovizioso souriant et détendu qui s'est présenté à la presse ce dimanche, dans l'enceinte du circuit Ricardo Tormo. Battu mais nullement abattu, le vice-Champion du monde 2017 savoure les applaudissements nourris qui lui sont adressés et se dit fier d'avoir été celui qui a mis Marc Márquez à l'épreuve jusqu'à la dernière course de l'année.

Mais une question est sur toutes les lèvres : a-t-il été gêné par Jorge Lorenzo ? Une interrogation naturelle après avoir vu les deux Ducati officielles rouler roue dans roue quasiment jusqu'à leur chute survenue à 30 secondes d'écart, dans le 25e des 30 tours. Roue dans roue, mais étonnamment c'est le numéro 99 qui était en tête alors que Dovizioso était contraint de gagner pour avoir un minimum d'espoir d'être titré. Et, surtout, les messages transmis par le stand et le muret Ducati à Lorenzo et ignorés par celui-ci interrogent dans un tel contexte.

Alors que le Majorquin explique de son côté avoir délibérément choisi de rester devant et d'aider ainsi son coéquipier, Dovizioso suggère lui aussi que leur course en binôme lui a donné un petit coup de pouce. Mais il assure surtout qu'un ordre inversé n'aurait pas changé la donne, expliquant à maintes reprises par un geste explicite qu'il était bel et bien à la limite.

"Je n'ai pas été gêné par Jorge. Durant les premiers tours de la course, j'étais un peu plus rapide dans une partie du circuit mais plus lent dans une autre partie", explique-t-il, indiquant avoir été en décalage avec la performance de son coéquipier. "Tout le week-end je perdais énormément au T4 et, même si j'ai progressé en course, je n'étais de toute façon pas aussi rapide. C'était un peu une caractéristique de son style de pilotage mais aussi du carénage."

"Je n'ai pas réussi à le passer dans les premiers tours, mais ensuite il a commencé à tourner vite, de façon régulière, il pilotait très bien. Au final il m'a aidé à piloter de façon plus fluide, ce que je n'arrivais pas à faire pendant le week-end. J'aurais donc pu être un peu plus rapide en début de course, mais c'était peu de chose comparé à combien j'ai réussi à rester régulier jusqu'à mon erreur."

Le tout pour le tout

Longtemps positionnés aux quatrième et cinquième rangs, les pilotes Ducati ont gardé le trio de tête en ligne de mire, jusqu'au moment où Márquez a commis une erreur qui l'a fait rétrograder en cinquième position. Il restait alors sept tours pour tenter le tout pour le tout, néanmoins sitôt passé à l'attaque Dovizioso s'est fait piéger.

"Márquez a été intelligent, ça a été une course de vitesse et cela nous a mis un peu en crise, parce qu'on n'avait pas de vitesse. Il nous manquait quelques dixièmes. Marc et Zarco ont imprimé un super rythme et le groupe s'est effilé, on est resté à cinq. À partir de là, on devait tenir bon jusqu'au bout. Jorge et moi avons essayé, mais on n'avait pas les cartes pour nous immiscer parmi les autres. On n'était pas très loin, mais même si cela parait peu de l'extérieur, de l'intérieur on était finis."

"J'ai dû utiliser un peu trop d'énergie, trop de gomme. Au moment où Marc a fait son erreur j'avais perdu plus ou moins une seconde sur les deux premiers et là je me suis dit : 'Allez, je m'en fiche de finir troisième, le podium ne m'intéresse pas. Même si Marc n'est pas tombé, après son erreur il va se calmer et maintenant je veux essayer de gagner'. J'ai essayé, seulement j'ai trop forcé dans le freinage où j'étais fort, j'ai voulu exagérer, mais le pneu avait un peu chuté, la moto est allée de travers et je n'ai pas réussi à ralentir comme sur tous les autres tours."

Ducati indique avoir adressé à Jorge Lorenzo des "suggestions" plutôt que des "consignes", et il ne faut pas compter sur Andrea Dovizioso pour mettre de l'huile sur le feu. Aussi, à ceux qui regrettent qu'il n'ait pas eu la possibilité de tenter sa chance en ayant la voie libre, l'Italien objecte qu'il n'avait de toute façon pas le niveau pour viser la victoire.

"On était vraiment à la limite", assure le pilote italien. "Je n'avais pas de jus et c'est la raison pour laquelle je suis tombé et je n'ai pas réussi à rester avec les premiers. Oui, Jorge aurait pu me faire passer et il ne l'a pas fait, mais je ne le vois pas comme quelque chose qui a conditionné le résultat. Malheureusement. J'aimerais pouvoir dire le contraire mais on n'avait rien de plus que ce qu'on a montré. Au final, j'ai eu 24 tours pour faire quelque chose et je n'avais vraiment pas la vitesse. À part les premiers tours, où j'aurais pu faire quelque chose de plus, ensuite je suis resté là en serrant les dents. De l'extérieur on a du mal à voir ça, c'est normal. À quel point quelqu'un est à la limite, combien de fois il perd l'avant… ça ne se voit pratiquement jamais, ce sont de petits détails."

Sa chute dans le virage 8 a donc définitivement scellé le championnat à cinq tours de l'arrivée et Andrea Dovizioso se classe deuxième, pour la première fois depuis son arrivée en MotoGP en 2008. "J'adresse beaucoup de compliments à Marc et à son équipe, parce qu'ils ont été plus forts", salue-t-il, soulignant : "Aujourd'hui on n'a pas perdu, on a fait durer le championnat jusqu'à la dernière course." Et avec le sourire, bien sûr.