Chaleur, pneus, stratégie : des pilotes Ducati en difficulté

Aucune Ducati sur les deux premières lignes de la grille de départ : le constat est amer à l'issue des qualifications, alors que deux Yamaha ont affiché une vitesse record et que les GP19 ont, au contraire, vu leurs performances régresser.

Danilo Petrucci, Ducati Team

Photo de: MotoGP

À Assen, ce week-end, la planète MotoGP semble tourner à l'envers. Alors que l'adhérence offerte par la piste a été grandement réduite par la forte chaleur qui s'est développée au cours de la journée d'hier, deux Yamaha ont survolé les débats, semblant soudain faire fi d'un manque de grip qui depuis plusieurs années tend plutôt à les paralyser. Ces difficultés ont cette fois semblé se transférer vers le clan Ducati, dont les pilotes ont eu toutes les difficultés à se mettre en valeur en qualifications.

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"Normalement on voit cela avec les Yamaha : quand il fait chaud ils perdent [du temps]. Peut-être ont-ils fait quelque chose de différent sur la moto. En tout cas, leurs temps ont été très, très rapides", constate Piero Taramasso, responsable deux roues pour Michelin Motorsport. "Normalement on est habitués à voir des écarts très serrés parmi les dix premiers et là on voit de gros écarts. Je pense que Quartararo et Viñales ont vraiment fait un très bon tour, parce que si on les enlève tous les deux, les autres sont très proches."

S'il est le mieux placé des représentants de Borgo Panigale sur la grille de départ, Danilo Petrucci, septième, est apparu en grande difficulté dès les EL4 à la mi-journée, alors que le thermomètre enregistrait 46°C au sol. Auteur d'un chrono de 1'33"9, il était bien loin du tour bouclé le matin même en 1'32"5, sous le précédent record, loin également de celui qu'il réalisait vendredi après-midi en 1'32"9. Sa situation ne s'est pas arrangée en qualifications, puisqu'il a dû se contenter d'un chrono de 1'33"2, dans l'incapacité de se mêler à la bagarre pour les meilleures places.

"Le problème a commencé en EL4", confirme-t-il. "[Samedi] matin j'ai trouvé ce qui est peut-être la meilleure moto que j'aie eue de toute ma vie, et ce dès le début. J'ai même réutilisé le pneu avec lequel je suis tombé [vendredi] matin. Il était resté 20 minutes dans le gravier, au froid, et pourtant j'ai réussi à rouler en 1'33 avec. Ensuite, on a monté un nouveau train de pneus et j'ai battu le record dès mon premier tour. On a donc décidé d'annuler ma deuxième tentative en EL3 parce que c'était suffisant. L'après-midi, le problème est qu'il y avait environ 20°C de plus au sol et la situation a été l'une des pires de toute la saison. À partir des EL4, la situation a été très, très difficile."

"Je ne m'y attendais pas, parce que le matin dès que j'ai pris la piste, je me suis dit 'Qu'est-ce que c'est génial de piloter cette moto à Assen !'" admet-il. "Je me suis vraiment amusé et ça s'est vu dans les résultats. L'après-midi, la situation était vraiment difficile. J'ai perdu l'avant deux fois, au virage 6 où l'on passe en cinquième, notamment dans mon tour rapide en qualifs. Je me disais que la chaleur allait nous gêner un peu, mais je n'imaginais pas qu'on allait s'évaporer comme ça. En ce qui me concerne, je n'ai pas réussi à faire de deuxième tentative, parce qu'à chaque fois que j'essayais d'en faire un peu plus, la moto était vraiment instable."

Le pneu soft, point clé de la contre-performance pour Miller

Au guidon de la GP19 du team Pramac, Jack Miller s'est lui aussi montré plus lent en qualifications (1'33"3) que le matin en EL3 (1'32"9). Pour lui, la raison est très claire. "Le fait que le pneu soft ne fonctionne pas l'après-midi. C'est un point clé", répond-il sans l'ombre d'un doute. "L'après-midi, on n'a rien pu faire pour essayer de gérer cela. C'était problématique d'essayer de faire tourner la moto en bas de la ligne droite de retour, dans le virage 12. Il y avait un peu de vent de côté et ça semblait faire rebondir un peu l'avant, si bien que je devais réduire les gaz, et sacrifier de la vitesse au bout de la ligne droite."

Jack Miller, Pramac Racing

"On n'est pas les seuls à avoir du mal avec le pneu soft. Dovi semble avoir eu quelques soucis et [vendredi] il disait la même chose, il avait du mal à faire un temps avec le pneu soft. Il était très confiant dans son rythme de course, mais n'arrivait juste pas à faire un temps", souligne le pilote australien, qui observe aussi la – très relative – mauvaise qualification de Marc Márquez. "Ce ne sont pas seulement les Ducati, il y a quelques autres motos aussi, comme Marc. Il a semblé avoir du mal, il n'a pas réussi à se placer en première ligne. Il manquait un peu de vitesse par rapport à Fabio et Maverick. […] Dans les changements de directions, j'essaye de sortir les coudes, les jambes, je fais tout ce que je peux. Eux, ils restent au milieu de la selle, ils bougent juste le guidon et ça change de direction pour eux. Ils peuvent donc continuer comme ça, ça semble fonctionner ce week-end !"

Le grip ? Non, le passage de courbe, selon Dovizioso

Comme l'évoque Miller, la situation du leader des troupes, Andrea Dovizioso, n'est en rien meilleure. Habituellement loquace, c'est un Dovizioso avare de ses mots, le visage fermé, qui avance dans ce week-end, en proie à de grandes difficultés. Puisqu'il est coutumier d'une préparation axée sur la course sans se perdre dans la chasse au chrono, ses classements n'alertaient pas, même s'il n'occupait que la huitième place après les EL3, et concédait plus de huit dixièmes à Quartararo en EL4 où il avait choisi de travailler en pneus usés. Il a cependant enchaîné avec une séance qualificative fantôme, au terme de laquelle il a dû se contenter du 11e temps, à 1"6 du poleman.

À l'inverse de ses comparses, toutefois, le pilote italien ne pointe pas le manque de grip, mais plutôt le point faible immuable de la Ducati sur lequel il pousse la direction technique à œuvrer : "Non, [le problème] ça n'est pas le grip, c'est surtout le passage de courbe. Le grip a un effet là-dessus, mais le problème est toujours le même."

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"Les changements de direction à grande vitesse, ça n'est pas ce qu'il y a de mieux pour nous, et puis chaque virage est très long. Selon le grip qu'il y a en piste, on peut être plus ou moins rapides ou lents. En qualifs, j'aurais pu faire un bon temps mais j'ai fait une erreur. C'est négatif, parce que c'est une mauvaise position", admet-il, estimant toutefois qu'un manque de performance globale dans ces conditions pèse bien plus que cette faute. "Notre rythme n'est pas trop mauvais, mais il est clair qu'on ne peut pas être contents. L'après-midi, mon temps n'était pas mauvais, mais pas aussi bon que les plus rapides. Pour toutes les Ducati, la vitesse n'est pas la même que celle de nos adversaires, alors [je suis] un peu déçu."

Andrea Dovizioso, Ducati Team

Danilo Petrucci rejoint son coéquipier en estimant que la configuration de la piste pèse dans cette performance globale, en limitant les Ducati lorsque l'adhérence brute se dégrade. "Il y a peu de grip en piste. Quand il y en a et qu'il fait frais, je pense qu'on est vraiment les plus rapides. Quand il baisse et que mécaniquement on n'arrive pas appuyer sur les roues, avant comme arrière, ni à freiner ou à accélérer fort, alors les motos qui arrivent à emmener plus de vitesse dans le virage sont un peu meilleures. Ils arrivent en tout cas à piloter leur moto et au vu des résultats ils ont beaucoup moins de mal que nous", observe-t-il. "Sur une piste comme celle-ci, [on est en difficulté], sans une ligne droite dans laquelle on pourrait au moins se défendre, comme c'était le cas à Barcelone : la situation samedi et dimanche était vraiment terrible en termes de grip, mais au moins on avait des armes pour se défendre ; ici, il n'y en a pas et on doit donc se battre avec ce qu'on a."

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Pour Piero Taramasso, la stratégie peut aussi avoir pesé sur ce bilan négatif, rejoignant en cela l'aveu de Márquez quant à son propre cas. "Il est vrai que [vendredi] et [samedi] matin Ducati était dans le coup et [samedi] après-midi ils étaient un peu loin. À l'inverse, Suzuki on ne les a pas vus au sommet [vendredi] et [samedi] matin, et ils l'étaient [samedi] après-midi. […] Ça n'est pas habituel, c'est très étrange. Je crois aussi que Dovi n'a jamais pu avoir de piste dégagée, il s'est plaint d'être tout le temps suivi ou bien de gens qui ralentissaient. Et puis il a attendu un peu avant d'y aller et il a donc perdu du temps. Dans certains cas, je crois que ça n'est pas qu'un problème de pneus, mais aussi la stratégie qui n'était pas bonne."

S'il est un point sur lequel tous s'accordent c'est qu'il leur faudra faire de la résistance en course. La tournure qu'elle prendra pour eux dépendra à la fois des conditions, alors que l'on annonce une légère baisse des températures, du départ et des places qu'ils parviendront à récupérer, du rythme qu'imprimeront les leaders, et de la durée de vie de pneus, dernier grand point d'interrogation qui, cette fois, concernera bel et bien tout le monde.

Le top 10 des qualifications :

P. # Pilote Moto Écart
1 20 France Fabio Quartararo Yamaha  
2 12 Spain Maverick Viñales Yamaha 0.140
3 42 Spain Álex Rins Suzuki 0.441
4 93 Spain Marc Márquez Honda 0.714
5 36 Spain Joan Mir Suzuki 1.068
6 35 United Kingdom Cal Crutchlow Honda 1.211
7 9 Italy Danilo Petrucci Ducati 1.265
8 30 Japan Takaaki Nakagami Honda 1.278
9 21 Italy Franco Morbidelli Yamaha 1.297
10 43 Australia Jack Miller Ducati 1.306

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