Ducati a enfin trouvé un successeur à Stoner

Quinze ans après le sacre de Casey Stoner, Ducati renoue avec le titre pilotes dans la catégorie MotoGP grâce à la victoire de Pecco Bagnaia. Un succès qui s'accompagne d'un immense soulagement pour le constructeur, dont le retour au sommet aura été plus long qu'espéré.

Francesco Bagnaia, Ducati Team, est le Champion du monde 2022

L.B., Valence − C'est le soulagement pour Gigi Dall'Igna et ses troupes : 15 ans après la première couronne remportée par Casey Stoner, un pilote Ducati est à nouveau Champion du monde dans la catégorie MotoGP.

Pecco Bagnaia a réussi là où Andrea Dovizioso, dont il salue volontiers la valeur du travail, a échoué en devant se contenter par trois fois de la deuxième place face à Marc Márquez. Le pilote turinois n'aura mis qu'un peu plus d'un an pour passer d'une première victoire à ce sacre, après s'être incliné la saison dernière pour 26 points face à Fabio Quartararo.

Arrivé en MotoGP en 2003, Ducati a connu son premier succès dès sa sixième course, à Barcelone, sous l'impulsion de Loris Capirossi. L'Italien a porté les espoirs de la marque dans ses premières saisons dans la catégorie reine, jusqu'à atteindre la troisième place du championnat en 2006, à seulement 23 points de Nicky Hayden.

C'est l'année suivante que Ducati a atteint le sommet, avec l'arrivée de Casey Stoner aux côtés de Capirossi. Vainqueur dès sa première course chez les Rouges, l'Australien a survolé la saison et offert au constructeur son premier titre des pilotes, accompagné des couronnes des constructeurs et des équipes. Stoner a continué à porter haut les couleurs de Ducati dans les saisons qui ont suivi mais sans rééditer ce titre, qu'il n'allait finalement retrouver qu'avec Honda en 2011.

Une fois Stoner parti, la courbe de résultats de Ducati a dangereusement baissé, jusqu'à laisser la marque en manque de victoire pendant sept ans. La saison 2011 était pourtant plus qu'attendue avec l'arrivée de Valentino Rossi, déjà nonuple Champion du monde et en quête d'un dixième titre sur la moto italienne. En deux saisons, le #46 n'a décroché que trois podiums, ce qui a mené à son retour chez Yamaha et à une révolution interne chez Ducati, avec le départ de Filippo Preziosi, père de la Desmosedici, le recrutement de Gigi Dall'Igna fin 2013, instigateur d'une nouvelle philosophie, puis l'arrivée d'Andrea Dovizioso.

La machine s'est peu à peu relancée avec cette équipe remaniée et une Desmosedici devenue pionnière en matière de développement aérodynamique. En 2016, un premier succès était rapporté par Andrea Iannone, en Autriche, avant que son coéquipier n'affirme son leadership en s'imposant à Sepang, puis en réalisant trois saisons des plus solides dans la foulée. Devenu le meilleur adversaire d'un Marc Márquez pourtant exemplaire, Dovizioso allait néanmoins devoir se contenter de la médaille d'argent à trois reprises, même si en 2017 il a pu repousser l'échéance à la toute dernière course. Jorge Lorenzo a lui aussi rejoint l'équipe, espérant réussir un nouveau challenge dans sa carrière, mais après des débuts difficiles, sa première victoire allait intervenir quand la séparation était déjà inéluctable, après seulement 24 courses pourtant.

Malgré l'enthousiasme passager qui avait accompagné l'arrivée de Lorenzo, jusqu'au bout Dovizioso est resté le leader du clan, récompensé de ses efforts par 14 victoires. Des divergences de points de vue et l'usure d'une union de huit ans ont cependant fini par conduire au divorce et Ducati a choisi de renouveler son line-up en 2021 en le rajeunissant. C'est là que Pecco Bagnaia, jusqu'alors membre du team Pramac, a pu accéder à l'équipe d'usine, aux côtés de Jack Miller.

La suite, on la connaît, la Desmosedici n'a cessé de s'affûter et, lancée sur son excellente dynamique, elle s'est montrée de plus en plus aux avant-postes en profitant d'une armada qui correspond désormais au tiers du plateau. La marque n'a plus manqué la première ligne depuis 40 Grands Prix (une série entamée au GP de Valence 2020) et le podium depuis 26 courses, soit depuis le GP d'Aragón 2021 qui a vu Bagnaia gagner pour la première fois. Rien que cette année, les compteurs sont explosés avec 12 victoires, 32 places occupées sur le podium et 16 pole positions en 20 Grands Prix.

Malgré cette domination évidente, et les sept victoires et dix podiums de Bagnaia, meilleur performeur de la saison, il aura fallu attendre l'issue de la dernière course pour que les responsables Ducati soient enfin libérés du poids de ces 15 ans d'attente. "Heureusement que c'est fini", souffle Paolo Ciabatti, le directeur sportif. "La tension n'a cessé d'augmenter cette semaine. Nous savions qu'il aurait fallu un miracle pour Quartararo, mais c'est un pilote fort, il l'a démontré aujourd'hui, et en course il ne faut jamais dire jamais."

Francesco Bagnaia, Ducati Team, fête son titre mondial avec son équipe

Pecco Bagnaia accueilli dans le parc fermé par Cristian Gabarrini, son chef mécanicien, qui fut aussi celui de Casey Stoner

Si Fabio Quartararo fait assurément un beau perdant, les vainqueurs ne boudent pas leur plaisir, et le brouhaha qui émane du stand rouge ainsi que l'odeur du Prosecco qui a investi le moindre recoin de la salle de conférence de presse, où son team est venu fêter Bagnaia à la surprise générale et comme il se doit, le confirment aisément. Ce jour est tout bonnement historique pour ces hommes et femmes, et les célébrations sont à la hauteur de l'attente.

"C'est une journée fantastique pour tout le monde chez Ducati ! Ducati Corse a mené son travail fermement et résolument pour obtenir ce deuxième titre MotoGP des pilotes qui fait éclater de joie nos cœurs aujourd'hui", commente Claudio Domenicali, PDG de Ducati. "Nous l'avons poursuivi longtemps, mais aujourd'hui l'équipe est plus forte qu'elle ne l'a jamais été et ce résultat est extrêmement important pour ôter cette pression et être plus concentré que jamais afin de faire bien dans le futur. Je crois vraiment que cela peut être le début d'un parcours très positif pour Ducati."

"Quand je suis arrivé chez Ducati, c'était un grand défi, compliqué. Aujourd'hui je peux dire que nous avons fait du bon travail", réagit Gigi Dall'Igna auprès de GPOne, plus sobre que ses mécaniciens dans les festivités. "C'était le rêve auquel je m'attendais et la raison pour laquelle je suis venu chez Ducati, c'est donc une grande satisfaction. Dans mes plans, je pensais gagner le championnat plus tôt, mais le MotoGP est une catégorie très difficile et il faut du temps."

Un triomphe européen signe de l'époque

À l'époque du sacre de Stoner, Ducati était la première marque européenne titrée dans la catégorie reine depuis MV Agusta en 1973. Si les constructeurs japonais ont repris l'avantage par la suite, le groupe de Borgo Panigale retrouve aujourd'hui les sommets alors que la hiérarchie s'inverse depuis le début de la pandémie en 2020, avec une nette progression des performances des trois marques européennes (Ducati donc, mais aussi Aprilia et KTM) et le recul des constructeurs nippons (Yamaha, Suzuki et surtout Honda).

Le groupe italien avait déjà matérialisé ses récents progrès par le titre constructeurs ces deux dernières années, ainsi que celui des équipes en 2021. Mais cette fois, c'est le trophée le plus glorieux, celui qui semblait indéfiniment se dérober depuis 15 ans, qui revient en Italie. Avec deux titres pilotes à son palmarès désormais, Ducati laisse Suzuki seul avec un unique sacre décroché depuis la fin de l'ère 500cc et la création du MotoGP, alors que Honda garde la mainmise en l'ayant remporté dix fois, devant Yamaha et ses huit couronnes. Comme en 2007, Ducati réalise même le triplé au championnat en sortant également vainqueur dans le classement des marques et celui des équipes, avec sa structure officielle.

"Pour nous, il est important d'avoir réussi à gagner aussi le titre pilotes, qui nous échappait depuis 2007, même si c'est désormais un MotoGP différent, avec beaucoup de pilotes et de marques compétitifs. Cela veut dire beaucoup, surtout pour toutes les personnes qui travaillent quotidiennement à Bologne, au département course", salue Paolo Ciabatti.

"Chiffres en main, Pecco et la moto ont confirmé qu'ils forment un formidable binôme, en ayant bouclé pas moins de 189 tours en tête au cours de la saison. Nous avons chez nous le pilote du futur. Maintenant, on va faire baisser les battements cardiaques parce que nous ne sommes plus très jeunes et essayer de savourer ce succès !"

Le sacre de Pecco Bagnaia :

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