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Édito - Zarco, une étoile dans nos yeux

Le Français ne fait plus rêver que ses fans de la première heure, il a conquis un public international et a su taper dans l'œil des hautes sphères de Yamaha. Et si ses débuts réussis lui déroulaient le tapis rouge vers la place la plus enviée ?

Deuxième place Johann Zarco, Monster Yamaha Tech 3

Deuxième place Johann Zarco, Monster Yamaha Tech 3

Gold and Goose / Motorsport Images

À l'heure où le rideau tombait sur la saison MotoGP, mi-novembre, le paddock de Valence n'était pas seulement tenu en haleine par le duel Márquez-Dovizioso, les deux hommes qui ont fait durer le suspense au championnat. Les spectateurs et les observateurs étaient aussi obnubilés par un troisième homme prêt à batailler pour ouvrir son compteur de victoires sans penser une seconde à s'écarter pour laisser les prétendants à la couronne se battre entre eux.

Qualifié en première ligne, c'est un Johann Zarco droit dans ses bottes qui évoquait ses ambitions sans sourciller à la veille de la course, et à l'extinction des feux il ne lui a fallu que quatre virages pour définitivement laisser les Ducati dans son échappement et aller jouer des coudes avec les Honda, dont celle du futur Champion du monde, à qui il a pris le leadership dans le quatrième tour. Le festival Zarco avait commencé.

Lorsqu'il s'est battu en tête cette année, le Français a su faire oublier son peu d'expérience de la catégorie reine autant que son statut de pilote indépendant et sa moto, plus ancienne que celles qui jouaient la gagne à ses côtés. Il tutoie les sommets grâce à un talent indéniable, affûté au fil des années, mais aussi grâce à une approche parfaitement mesurée. Méticuleux, le Cannois porte son attention là où c'est nécessaire en ayant en tête les cases à cocher pour avancer pas à pas vers l'objectif qu'il s'est fixé, et qui n'est assurément pas de faire de la figuration.

Une popularité au-delà de la France

Johann Zarco est comme ça, quand il a une ligne il s'y tient. C'est ainsi qu'il a choisi de se montrer patient dans l'antichambre du MotoGP avant d'intégrer la catégorie reine. D'autres auraient saisi la première opportunité venue, lui a voulu attendre de pouvoir faire le grand saut avec la bonne moto, au lieu de se précipiter, une approche qui a été claire dès le début des succès, à l'époque où il aurait pu se laisser griser. Début 2015, alors qu'il venait de remporter sa première victoire en Moto2 et n'avait pas encore atteint le statut de Champion du monde, Zarco nous assurait déjà sans trembler qu'il n'était pas question pour lui d'aller en MotoGP à tout prix. Maintenant qu'il avait goûté au plaisir de jouer la gagne, il n'avait qu'une envie, rester sur le sommet de la vague. Les motos pour jouer la gagne étaient rares en MotoGP ? Qu'importe, il lui fallait alors devenir un pilote rare et mériter la bonne moto qui lui permettrait de performer à la hauteur de ses attentes.

Deuxième place Johann Zarco, Monster Yamaha Tech 3

Ce choix s'avère aujourd'hui payant. Au terme de sa première saison en catégorie reine, un an après sa prise de contact avec la Yamaha, force est de constater que l'on est allé bien au-delà du premier impact suscité par sa signature chez Tech3, les espoirs placés en lui ayant grimpé de manière exponentielle avec ses performances. Le fait de passer du Moto2 au MotoGP a représenté un premier cap majeur dans l'attention qui lui est portée, aidé en cela par un premier Grand Prix détonnant dont il a mené les premiers tours. Le deuxième échelon a été franchi sur le Grand Prix de France, où un public record était tout acquis à sa cause et l'a vu monter sur le podium pour la première fois.

Observateur attentif de la sphère MotoGP dans son ensemble sans se cantonner à sa stricte performance personnelle, Zarco a découvert avec curiosité qu'il suscitait l'enthousiasme au-delà du circuit Bugatti. En Italie, en Espagne, les spectateurs férus de belles bagarres étaient conquis et le lui ont montré. "Je le sens quand je suis dans le paddock, les gens qui m'appellent, qui me demandent des autographes, des photos… Ça a changé, ça n'est pas seulement en France. J'ai été étonné que ça le soit autant dans les autres pays, mais on se rend compte que cette catégorie MotoGP et le fait de donner l'espoir de gagner, ça rend fan beaucoup de personnes", observe-t-il.

Ce cap-là est franchi, sa popularité dépasse le cercle franco-français. Pour le public et les observateurs, il ne s'agit plus uniquement de prendre plaisir à voir un pilote français, compétitif, au sein d'une équipe française, en position de premier outsider du championnat. Il ne s'agit plus d'attendre un successeur à Régis Laconi, dernier vainqueur tricolore en catégorie reine. Non, il s'agit aujourd'hui d'un futur Champion MotoGP en puissance qui éclot et qui abat les frontières.

Se protéger et foncer

Et voilà le pilote cannois face à un autre apprentissage, celui de la gestion des sollicitations médiatiques et des fans, une forme de pression qui s'est faite particulièrement forte à Valence après quelques semaines de déplacements lointains qui avaient atténué la fréquence des demandes. "Je reste bien dans ma bulle. Beaucoup de gens m'appellent, mais là je ne m'arrête pas quitte à ce qu'on se dise 'Pour qui il se prend, il ne s'arrête pas', je pense qu'ils peuvent comprendre que le peu de temps que je peux m'arrêter, après je ne peux plus bouger. [Il faut] penser à se protéger et foncer."

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Se protéger et foncer, la seule recette qui vaille. Johann Zarco sait compartimenter sa dépense d'énergie. Les sollicitations ? Elles sont dirigées vers son coach, qui opère le nécessaire travail de filtre. Les questions techniques ? Il s'en remet avec confiance à son équipe. Les débats sur le matériel dont il dispose ou devrait disposer à l'avenir ? Très peu pour lui, il laisse cela aux médias, qui ont (avons) bien plus d'énergie à dépenser sur ce sujet. Lui ne pense qu'à une chose : sa performance de pilote.

Accéder au MotoGP était une étape à ne pas manquer et c'est désormais chose faite. Néanmoins l'ascension de Johann Zarco ne s'arrête pas là. Il lui faut à présent trouver la clé pour ne plus être qu'un fauteur de troubles aux avant-postes mais pour s'imposer à son tour. Le numéro 5 ne se laisse pas impressionner face aux grands noms du championnat, qu'il observe avec délectation pour s'imprégner de tout ce qui peut l'enrichir. Il sait aussi saisir ses opportunités : "Quand tu sens que tu peux le faire, donne-toi tes chances", c'est aussi simple que ça pour lui !

La suite, il y travaille depuis déjà plusieurs mois. Pour aller au-delà de ses coups d'éclats, aller au bout et mettre la main sur la coupe de vainqueur, la gestion de l'énergie a constitué l'un des points de progression centraux dans sa première saison. Il a cherché à régler au mieux sa moto et à se préparer correctement pour mieux délivrer son effort sur ce point, et semblait penser après les premiers essais d'intersaison que la version 2017 de la Yamaha qu'il a testée pourrait lui apporter un coup de pouce supplémentaire en ce sens.

Candidat à la succession de Rossi ?

À Valence, à l'heure de clore sa première saison, il est une nouvelle fois passé tout près de la victoire, mais ne regrettait pas d'avoir manqué la première marche, car l'essentiel est ailleurs : il a le niveau pour y arriver et ce n'est désormais plus qu'une question de temps, et de peu de temps. "Premier ou deuxième, la qualité de la course était top", jugeait-il, ravi, tout en promettant : "Ce n'est que partie remise." Johann Zarco n'est pas homme à regretter de ne pas avoir encore gagné (en une saison à peine, ce serait un comble !), il retient plutôt le fait qu'il est déjà en position de le faire et le considère comme un gain de temps dans son parcours. Son adaptation à la catégorie aura été ultra rapide, de quoi mettre des étoiles dans les yeux des passionnés, et il a maintenant les capacités pour aller au-delà, peut-être même très au-delà.

Johann Zarco, Monster Yamaha Tech 3, Valentino Rossi, Yamaha Factory Racing

Bien sûr, une saison c'est bien trop peu pour tirer des plans sur la comète. Bien sûr, on ignore à ce jour comment prendront place les pièces du puzzle MotoGP en 2019, saison où l'échiquier pourrait être renouvelé compte tenu des nombreux contrats arrivant à échéance dans un an. Mais on a bien envie de rêver…

Et serait-ce d'ailleurs vraiment si utopique d'imaginer que Johann Zarco puisse confirmer la saison prochaine ses débuts éclatants en MotoGP ? Serait-ce irréaliste d'imaginer qu'il pourrait ensuite saisir l'opportunité d'un éventuel départ à la retraite de Valentino Rossi pour faire sienne l'une des places les plus enviées du plateau au sein de l'équipe officielle Yamaha ? À en juger par ses performances, par la récurrence de ses apparitions aux avant-postes, par son pouvoir d'attraction aussi, certainement pas. Et Lin Jarvis, le patron des Bleus, l'a bien compris, lui qui faisait savoir récemment dans les colonnes de La Gazzetta dello Sport que Yamaha pensait à lui à l'heure d'envisager, logiquement, l'après Rossi. "Nous serons prêts", anticipait-il en évoquant une possible retraite du Docteur l'an prochain, "et il est certain que Zarco sera l'un des candidats. Il m'a impressionné en piste et en dehors. Il n'était le premier choix d'aucune équipe, mais beaucoup s'intéressent désormais à lui." Sa première victoire, Zarco la tient et elle est donc morale. Désormais il a tout pour ne pas être qu'un météore.

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