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De trop neuve à crainte : 4 ans d'évolution de la KTM vus par Espargaró

Pour Pol Espargaró, la KTM a su conserver son caractère, pourtant si atypique, au fil des années, et malgré tout passer de la machine très incomplète qu'elle était lorsqu'il l'a découverte à l'une des motos les plus en vue de la saison 2020.

Pol Espargaro, Red Bull KTM Factory Racing

Pol Espargaro, Red Bull KTM Factory Racing

KTM

En piste pour la première fois le 29 octobre 2015, la RC16 façonnée dans les ateliers de KTM en Autriche a multiplié les essais durant un an avant de faire ses débuts en course, au Grand Prix de Valence 2016. C'est alors le pilote d'essais Mika Kallio qui était aux manettes, lui qui avait déjà bouclé la majeure partie des kilomètres engrangés par la nouvelle MotoGP au fil des mois, épaulé par Alex Hofmann, Randy de Puniet, Karel Abraham et Tom Lüthi.

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Le 15 novembre 2016, deux jours après cette première course marquée à l'époque par les soucis de jeunesse de la RC16, c'était au tour de Pol Espargaró et de Bradley Smith, nommés titulaires, de découvrir leur nouveau bolide. Une machine détonante dans le paysage MotoGP, avec son cadre en acier là où les autres constructeurs privilégient l'aluminium, et ses fourches WP, la marque maison du groupe. Une machine qui, pour le pilote espagnol, est restée fidèle à ce qu'elle était jusqu'à aujourd'hui.

"La première fois que j'ai enfourché la KTM, à Valence, je m'en souviendrai toute ma vie ! J'ai vu la moto et elle était… nouvelle ! Ça se voyait ! Le carénage n'était pas vraiment le bon, ça se voyait, et même certaines formes de la moto, mais j'ai pris la piste et j'ai ensuite fait mon premier tour", se souvient Pol Espargaró. "Beaucoup de choses ne fonctionnaient pas, comme sur une moto complètement neuve, qui était partie de zéro, mais j'ai vu quel était le caractère de la moto. Son caractère n'a jamais changé, du premier tour que j'ai fait à Valence jusqu'à aujourd'hui, elle a gardé cet ADN d'une année sur l'autre et pendant ces quatre années."

Pol Espargaro, Red Bull KTM Factory Racing

Pol Espargaró au test de Valence, en novembre 2016

"La première chose que je me suis dite c'est que je pouvais appliquer mon style de pilotage et que ça fonctionnait. C'était ce sur quoi je me concentrais le plus, parce que par le passé j'avais été chez un autre constructeur et quoi que je fasse sur la moto, c'est la moto qui choisissait la trajectoire, elle qui disait quoi faire, l'électronique qui disait comment ouvrir les gaz, les relâcher, freiner, etc. À la fin du tour, c'était comme si le pilote n'avait pas contribué à faire le chrono", pointe le pilote espagnol, resté trois ans dans le clan Yamaha au sein du team Tech3 au préalable.

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"Mais quand je suis monté sur la KTM, plus je poussais, plus je faisais un effort, plus je prenais des risques, et plus le chrono s'abaissait, et c'est quelque chose que j'ai vraiment apprécié. Quand je suis rentré au stand, j'ai vu que le team attendait mon commentaire, et j'étais très heureux grâce à cela. Certes, il y avait beaucoup de problèmes, mais j'ai vu l'ADN de la moto et les visages des gars, et même si le projet et la moto étaient très nouveaux, je me suis vraiment amusé sur ce premier run."

En 2019, la concurrence est devenue nerveuse

Après l'apéritif que représentait le Grand Prix de Valence 2016, le programme KTM s'est véritablement lancé en 2017. Le verdict a d'abord été rude, avec deux RC16 positionnées dernières sur la grille de départ de la première manche, puis hors des points et à plus de 30 secondes du vainqueur en course. Les progrès ont toutefois été notables et continus depuis lors. Premier point au deuxième Grand Prix, premier top 10 à la mi-saison, premier podium au dernier Grand Prix de la saison 2018, puis des moissons de plus en plus importantes bien que le top 5 soit longtemps resté inaccessible après ce premier trophée.

Et puis est arrivée la saison 2019, la troisième du programme. "2019, c'est l'année où les gens ont clairement commencé à dire 'Quoi ? Mais comment faites-vous cela ? D'où ça vient ?' À de nombreux endroits, on s'est montrés rapides. À Misano, on est parti parmi les premières places sur la grille, au Mans on a fini sixièmes à quelques secondes du premier… À ce moment-là les gens ont commencé à être surpris et nerveux, en se demandant comment il était possible qu'une moto faite de tubes en acier et avec des suspensions WP, une moto au concept différent, puisse fonctionner. Que ce soit bon ou mauvais, ça fonctionne et ils obtiennent ces résultats !" s'amuse Espargaró.

"Beaucoup de gens étaient venus me voir et m'avaient dit 'Allez, tu vas faire quelques bons tours comme tu l'as fait en 2018, de bonnes courses sur le mouillé, mais sur le sec, oublie ! Quand les motos iront au maximum, tu seras lent.' Mais en 2019 on s'est mis à être bons et les gens ont commencé à devenir nerveux. Pendant que les mécaniciens faisaient chauffer les motos dehors, on voyait des Japonais qui venaient voir… Et quand on voit des personnes d'autres constructeurs − peu importe qu'il s'agisse de Japonais de Yamaha, Honda ou Suzuki, ou d'Italiens de Ducati − qui viennent voir la moto, on voit leurs visages et on sait qu'on fait du bon boulot et que la moto fonctionne. Sauf qu'ils regardaient mais ne pouvaient rien copier, car nous sommes uniques ! Et ça a donné encore plus d'ampleur à nos résultats."

Bien qu'il ne soit resté que quelques mois, Johann Zarco a été le premier à placer la KTM en première ligne sur la grille de départ, sous la pluie de Brno. Puis Pol Espargaró a connu la même réussite trois courses plus tard, cette fois sur le sec. À la fin de la saison, l'Espagnol avait marqué 100 points, soit le double des années précédentes. Le succès n'était désormais plus très loin.

"En 2019, c'est là qu'on a commencé à être réguliers, rapides, où un coéquipier fort a rejoint l'équipe et nous a montré que la moto était à un bon niveau. Et puis j'étais super motivé chaque week-end. C'est l'année où l'on a commencé à voir la lumière et à croire que, OK, on y était. [Les autres] ne sont pas des héros, ils n'ont pas une moto incroyable, meilleure que la nôtre, on est au même niveau et maintenant on va rivaliser avec eux. Ça a été le point de départ."

Pol Espargaro, Red Bull KTM Factory Racing

Pol Espargaró sixième au Grand Prix de France 2019

"La plus grande réussite c'est cette année tout entière", retient toutefois Espargaró à l'issue de la quatrième saison du programme et au moment où il quitte KTM après les trois premières victoires et les trois premières pole positions du constructeur. "Ce n'est pas juste un résultat. Ce n'est pas juste le fait qu'aujourd'hui, les gens veulent venir ici − car avant on était ceux qu'on montrait du doigt [il fait un signe vers le bas et le côté, ndlr] : 'Ouais, ceux-là, gardez-les de côté…', mais maintenant, les gens veulent venir ici. C'est l'atmosphère dans le stand, les sensations qu'on a [eues] cette année. La sensation de puissance en arrivant sur les circuits, de pouvoir tout réussir. C'est la meilleure récompense après ces quatre années, cette sensation de puissance et de force. Quand les gens vous voient et se disent que vous êtes l'homme à battre."

Tous les membres de l'équipe peuvent garder la tête haute quand ils marchent dans le paddock alors que par le passé il fallait parfois qu'ils se cachent parce que les résultats n'arrivaient pas.

Pol Espargaró

"Et de même que je me suis senti fort, tous les membres de l'équipe se sont eux aussi sentis forts. Ils peuvent garder la tête haute quand ils marchent dans le paddock alors que par le passé il fallait parfois qu'ils se cachent parce que les résultats n'arrivaient pas. Maintenant, ils sont tous respectés dans le paddock pour leur travail et leurs efforts incessants. C'est quelque chose dont je suis très fier."

Lui qui a expliqué s'être senti devenir un homme et un pilote plus complet grâce aux responsabilités que lui a confiées KTM, Pol Espargaró ne tarit pas d'éloges sur les hommes qui mènent ce programme, ceux qui ont cru dès le départ dans la réussite d'un projet pourtant techniquement atypique.

"Sans cette façon de penser ou de faire, je suis sûr à 100% qu'on ne serait pas en lutte pour la victoire et le championnat. Leur manière de penser est dure mais réaliste", explique le pilote catalan. "Ça commence en particulier avec les patrons, Stefan Pierer, Pit Beirer, Mike Leitner… Ces gars ont quelque chose de spécial. À chaque fois que j'y pense, je finis toujours par me dire qu'ils sont des requins ! Ils voient quelque chose à l'avenir que les autres ne peuvent pas voir. Et il y a quatre ans, ils ont vu ce projet gagner comme on le fait aujourd'hui, ils étaient les seuls. Et c'est parce qu'ils avaient tellement confiance dans ce projet que l'on obtient ces résultats, c'est grâce à eux."

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