Interview

Poncharal : toujours le même feu après l'émotion des premières victoires

Les teams indépendants ont prouvé en 2020 leur capacité à se battre pour la victoire et même pour le titre en MotoGP, et Tech3 a été l'un des acteurs forts de cette saison riche en émotions. Hervé Poncharal s'en remet à peine qu'il repart avidement en quête de nouveaux succès.

Hervé Poncharal, Red Bull KTM Tech 3

Hervé Poncharal, Red Bull KTM Tech 3

Gold and Goose / Motorsport Images

Mêlées la saison dernière à la lutte pour les meilleurs résultats et victorieuses à armes égales contre les machines d'usine, les équipes satellites ont même mené jusqu'à un stade très avancé du championnat une lutte acharnée pour le titre. Hervé Poncharal en sait quelque chose, car cette édition 2020 restera à jamais gravée dans les souvenirs les plus marquants de son parcours à la tête de l'équipe Tech3, qui a pu se hisser par deux fois sur la plus haute marche du podium avec Miguel Oliveira.

Si le Portugais a désormais rejoint Brad Binder dans l'équipe d'usine de KTM, le patron français est bien décidé à le challenger, ainsi que l'ensemble des autres pilotes, avec son nouveau top pilote, Danilo Petrucci, ou son "jeune lion", Iker Lecuona. Avec une grille qui ne subira cette année que de minimes évolutions techniques, Hervé Poncharal a bien le droit de nourrir les plus grands espoirs. C'est avec son éternelle passion qu'il annonçait ses ambitions aux médias en marge de la présentation officielle KTM il y a quelques jours. Extraits.

Pensez-vous qu'un team satellite peut gagner le titre MotoGP ?

Franchement, oui. Pratiquement tous les teams indépendants ont à présent du matériel identique, le même soutien et la même rapidité de développement [que les équipes officielles]. Sauf le respect que j'ai pour notre équipe d'usine, nous avons pu voir l'année dernière que nous avons gagné plus de courses qu'eux. Si vous regardez ce qui s'est passé à Jerez 2 et Spielberg 1, nous aurions pu être très proches d'être la KTM la mieux placée au championnat. Et si vous regardez Yamaha, leur équipe indépendante a clairement été en 2020 la mieux placée [de leur groupe]. Je pense donc que, sur le papier, une équipe indépendante a la possibilité de gagner des courses − ça, nous avons pu le voir l'année dernière − et même de se battre pour le championnat. J'en suis pratiquement sûr.

2020 a été une saison folle, Joan Mir a été un champion incroyable, mais c'est sorti de nulle part. Je crois vraiment qu'une équipe indépendante peut gagner le championnat grâce au règlement technique, grâce au niveau des pilotes que nous avons et grâce au fait que chaque constructeur impliqué en MotoGP croit dans ses opérations satellites.

Une équipe indépendante a la possibilité de gagner des courses et même de se battre pour le championnat. J'en suis pratiquement sûr.

Hervé Poncharal

Qu'est-ce que les victoires acquises en 2020 par Tech3 changent pour cette année ?

Franchement, ça ne change pas grand-chose. Je pense que 2020 a été un très bon championnat en général et un très bon championnat pour KTM et pour Tech3, mais nous repartons de zéro. La grille est incroyablement compétitive − les motos, les pilotes − et bien malin qui peut dire qui va gagner la première manche et qui sera Champion du monde en 2021 ! Je pense que c'est très ouvert, ça peut être un pilote Ducati, KTM, Yamaha, Suzuki… Pratiquement tout le monde peut gagner des courses et ils sont nombreux à pouvoir gagner le championnat. 2020 a été une année incroyable, nous avons des souvenirs inoubliables. Notre première victoire en MotoGP, c'est quelque chose que nous n'oublierons jamais, et particulièrement avec KTM, car l'émotion est encore plus grande, mais nous verrons.

Nous avons un nouveau pilote star, Danilo Petrucci, qui n'a pas encore enfourché la KTM et nous devons attendre de voir comment il se sentira sur cette moto et quelles pourront être ses performances. Il y a un gros point d'interrogation, même si nous croyons que le potentiel de Danilo est très grand et qu'il sera vite rapide avec la moto. Et nous avons Iker [Lecuona], qui devrait se développer. Quand on se souvient d'où il partait et où il a fini sa saison, je pense que nous pouvons aussi être assez ambitieux.

Nous avons donc de l'ambition, mais pas plus de pression que quand nous avons commencé 2020. Et je pense même que, quand on a fait ce que nous avons fait en 2020, on a encore moins de pression. Quand on court après une première victoire, que l'on veut démontrer que KTM peut gagner et dire au management de KTM "merci d'avoir eu confiance en nous, nous méritons votre confiance", alors une fois que l'on a obtenu ces résultats, on a un poids en moins sur les épaules. Maintenant, nous repartons de zéro. Et c'est ce que nous adorons dans ce sport, que rien ne soit écrit à l'avance.

Qu'est-ce que ça vous a fait de remporter deux victoires après tant d'années ?

Quand on rêve de quelque chose, de quelque chose de grand, et que ça devient presque une obsession, une fois qu'on l'atteint enfin, c'est comme la chanson de Led Zeppelin : "Stairway to Heaven" ! Nous avons eu un grand escalier à gravir mais nous sommes finalement au paradis, et je crois que plus on a attendu, mieux c'est ! Nous avons attendu très longtemps. Franchement, je pensais que ça n'arriverait jamais car nous sommes là depuis de très nombreuses années. J'étais prêt à me dire : "OK, nous avons fait des deuxièmes ou troisièmes places, nous avons été le meilleur team indépendant pendant plusieurs saisons, nous avons eu un bon palmarès, mais nous n'avons jamais gagné de courses". Mais quand j'ai vu Lucio [Cecchinello, patron du team LCR] gagner des courses il y a quelques années, honnêtement j'étais un peu jaloux, je me disais qu'il gagnait des courses avec mon ancien pilote [Cal Crutchlow] et que moi je ne l'avais pas fait.

Mais la pire sensation, même si j'étais très heureux pour KTM, c'est quand j'ai vu Brad [Binder] gagner en République tchèque. Je me suis dit qu'on aurait pu écrire l'Histoire, rapporter cette toute première victoire à Stefan Pierer et Hubert Trunkenpolz [PDG de KTM et membre du directoire, ndlr], qui nous ont tellement aidés, or on ne l'a pas fait. J'étais assez amer et triste, et puis heureusement, quelques jours plus tard, nous avons gagné une course en Autriche, devant le management de KTM et de Red Bull, sur leur piste maison, et j'ai été tout simplement soulagé. Ce que j'ai dit en Autriche, c'est qu'avec des jours comme ça, on aime la vie, on aime son job, on aime tout le monde ! On oublie l'effort fourni et on se sent juste très léger. On a l'impression de pouvoir voler ! C'est la sensation que j'ai eue.

Quelles sont vos attentes avec Danilo Petrucci cette année ?

J'aime toujours être humble. Je n'aime pas les messieurs je-sais-tout, ceux qui pensent être les meilleurs au monde. Alors, OK, nous avons gagné deux courses, mais nous repartons de zéro. Nous sommes une équipe parmi les 11 sur la grille de départ, je pense que tout le monde a des chances assez similaires. Tout ce que je sais c'est que nous avons la passion, le feu en nous, nous travaillons avec un constructeur incroyable. Leur slogan est "Ready to race" ("prêts à courir"), ce qui est très vrai.

Danilo nous rejoint et c'est un gars incroyable, plein de joie et de passion, et il est prêt à relever le défi. J'ai aussi un jeune lion espagnol, qui a très envie de montrer ce qu'il peut faire. Nous savons que notre moto a déjà gagné trois courses, c'est un fait. Nous sommes sur la grille de départ, tout repart à zéro et nous sommes tous au même niveau. Avançons, poussons, restons concentré et travaillons ensemble dans une bonne ambiance.

C'est ce que je veux apporter à Danilo : je veux lui montrer qu'il est désiré, bien soutenu, nous sommes derrière lui. Il est très important d'agir comme une famille, comme un groupe uni qui aime travailler ensemble. On parle toujours des pilotes, qui sont nos héros, nos guerriers, mais derrière il y a un gros groupe et le pilote peut ressentir si ce groupe est uni ou pas. Je pense que quand Danilo est allé en Autriche [chez KTM], il a pu le ressentir et j'espère qu'il le ressentira aussi quand il sera avec nous au Qatar.

Qu'avez-vous pensé du déclin de Quartararo l'année dernière après qu'il a mené le championnat pendant si longtemps ? Était-ce juste une question de manque d'expérience ?

C'est une question difficile, et honnêtement je n'ai pas la réponse. Je pense que les personnes qui sont très proches de lui dans le travail n'auraient pas elles-mêmes de véritable réponse si vous leur posiez la question. Je n'ai pas travaillé avec lui, et quand on est une équipe KTM on n'a pas tellement accès à une équipe Yamaha, alors je ne sais pas. Ce qui est sûr, c'est qu'après sa deuxième victoire consécutive à Jerez, je me suis dit : "Wow ! Fabio est clairement LE favori". Parce que, ces deux courses, il ne les a pas gagnées, il y a juste détruit [la concurrence]. Alors je me disais qu'il avait de grandes chances de finir au moins dans le top 3 du championnat. Mais il s'est passé plusieurs choses qui l'ont dérangé, je ne sais pas si c'est technique ou psychologique. Honnêtement, je n'en ai pas la moindre idée. Tout ce que je sais, c'est que Fabio est l'un des pilotes les plus rapides de la grille, il est très jeune, il a une grande marge de progression. Mais nous allons essayer de le battre à chaque course en 2021 !

Il sera compliqué de battre Miguel Oliveira, et pas seulement à Portimão, partout.

Hervé Poncharal

L'an dernier vous avez fêté une splendide victoire à Portimão avec Miguel Oliveira : comment allez-vous faire pour le battre dans trois courses sur le même circuit ?

Ce sera compliqué. Déjà, nous connaissons les réglages alors nous allons essayer de les adapter à Danilo. Mais il sera compliqué de le battre, et pas seulement à Portimão, il sera compliqué de le battre aussi au Qatar et partout. Nous avons fait deux saisons avec lui, nous connaissons son très grand potentiel, et à mon avis il va encore progresser et se bonifier. Mais, quand on a célébré la victoire à Portimão, je lui ai dit : "À partir de la prochaine course, tu le sais, tu seras notre adversaire et on n'aura de cesse que de te battre, toi comme les autres". C'est la vie d'une équipe de course, ça se passe comme ça, et nous allons donc essayer de battre tout le monde et Miguel aussi.

Ça va être difficile de le battre. Comment on va faire ? Je ne sais pas. Mais ça n'est pas parce qu'il a fait un week-end exceptionnel à Portimão en 2020 qu'il va faire le même week-end en 2021. Et c'est aussi ce qui est l'intérêt : on a vu qu'en 2020, quand deux courses se suivaient sur le même circuit, bien souvent le scénario n'était pas le même alors que c'étaient les mêmes pilotes, sur les mêmes motos, sur le même théâtre. Entre novembre 2020 et avril 2021, beaucoup de choses ont changé. Et n'oubliez pas : Guy Coulon n'est plus aux manettes, ça va peut-être nous aider à le battre !

La prochaine victoire de Tech3 arrivera-t-elle en Moto3 ou en MotoGP ?

Difficile… On avait un Graal, un rêve, qui était de gagner en MotoGP, et c'est fait. Si jamais on pouvait gagner en Moto3 ce serait fabuleux. On a gagné en Moto2, on a gagné en MotoGP... Je ne dis pas que c'est ce dont j'ai le plus envie. Mais, allez, on va dire que la prochaine victoire de Tech3, ce sera en Moto3 !

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