Interview

Joan Mir, un Champion du monde bousculé mais pas résigné

Joan Mir croit en ses chances de conserver son titre en MotoGP, malgré une première moitié de saison en dessous de ses attentes. Motorsport.com a pu échanger avec le pilote Suzuki sur ses chances au championnat, le départ de Davide Brivio et la célébrité apportée par son sacre mondial en 2020.

Le 3ᵉ Joan Mir, Team Suzuki MotoGP

Le 3ᵉ Joan Mir, Team Suzuki MotoGP

Gold and Goose / Motorsport Images

La saison 2020 a vu Joan Mir décrocher le titre mondial grâce à sa constance, le pilote Suzuki enchaînant les podiums face à des adversaires incapables de se montrer aussi réguliers au premier plan. La situation est bien différente cette année : après les neuf premières manches au programme, le Majorquin occupe la quatrième place du championnat, deux rangs plus bas qu'au même stade en 2020. Mais c'est surtout son déficit sur le leader Fabio Quartararo qui a évolué, son retard étant de 55 points durant cette pause estivale, contre dix après le même nombre de courses l'an passé.

Souvent à la peine en qualifications avec une Suzuki en manque de puissance, le gel du développement des moteurs imposé cette année n'ayant pas permis de progrès dans ce domaine, Joan Mir n'a jamais accroché les deux premières lignes cette année et il se retrouve contraint à des remontées en course. Cela se fait avec moins d'aisance que dans la seconde partie de la saison 2020, la concurrence ayant selon lui réussi à faire de plus gros progrès que son équipe durant l'intersaison, ce qui s'illustre avec la régularité de Quartararo, en mesure de jouer le podium à chaque week-end de course.

Le Majorquin croit néanmoins en ses chances de décrocher un deuxième titre consécutif et compte sur un bond en avant dans la seconde moitié de la saison grâce à plusieurs nouveautés sur sa RS-GP, en particulier le holeshot device arrière qu'il appelle de ses vœux depuis de longs mois. Au cours de l'interview qu'il a accordée à Motorsport.com durant le week-end d'Assen, Mir a également évoqué l'approche du développement par Suzuki, le départ de Davide Brivio fin 2020 et le statut qui est le sien maintenant qu'il a rejoint le cercle des Champions du monde.

Quel est ton regard sur le déroulement de la saison jusqu'à présent ? Je suppose que cela ne s'est pas passé comme tu l'avais prévu après 2020...

Oui, ça n'a pas été si mauvais mais évidemment en dessous de nos attentes parce que j'espérais un peu plus après le potentiel que nous avions montré – la moto en particulier – l'an dernier, [je m'attendais] à être beaucoup plus performant. C'est la course, c'est vraiment imprévisible et c'est toujours difficile. Me concernant, je me donne toujours à 100%. [Le GP d'Allemagne] a probablement été le plus difficile à cause de pneus différents et d'autres choses différentes sur une piste qui aurait dû nous convenir. Je suis un peu déçu de l'Allemagne parce que j'espérais plus, je m'attendais à être beaucoup plus performant et nous étions un peu loin de nos rivaux. Mais la saison n'est pas terminée, Suzuki travaille dur pour apporter des choses qui fonctionneront mieux et des évolutions que je juge nécessaires sur la moto. Je pense qu'ils travaillent énormément.

Tu sens que la moto n'a pas progressé depuis 2020. Pour quelle raison ? Penses-tu que Suzuki a été touché plus durement que les autres marques par le gel du développement ?

Je pense que le gel du développement ne nous aide pas, mais il n'aggrave pas la situation car sans cela nous aurions pu améliorer le moteur mais les autres [aussi]. Donc je pense que ça vient plus du fait qu'ils ont réussi à plus améliorer leur moto cet hiver. Je pense que c'est le véritable problème. En temps normal, je partage la philosophie de Suzuki qui consiste à ne pas apporter de moto nouvelle. Dans les tests de pré-saison, on voit Honda, Yamaha, Ducati mais aussi Aprilia et KTM avec des motos différentes, or Suzuki n'a habituellement jamais de moto nouvelle. On essaie un nouveau châssis, un nouveau bras oscillant, un moteur... On essaie de progresser étape par étape. Normalement ça fonctionne, mais il faut apporter des nouveautés. Et je dois dire que je n'attendais pas de si gros progrès de la part des autres constructeurs. Je ne m'y attendais pas, et Suzuki non plus probablement. Ça complique probablement un peu les choses.

Il a été suggéré que l'équipe n'était peut-être pas aussi unie que l'an dernier. Le départ de Davide Brivio pour Alpine en F1 a-t-il eu un plus gros effet que prévu sur la saison 2021 de Suzuki ?

Je ne pense pas. C'est sûr que Davide faisait un superbe travail chez Suzuki. Mais je pense que c'est plus comme je l'ai dit : ils n'ont pas réussi à progresser, à faire des progrès techniques aussi importants que les autres. Ça ne signifie pas que Suzuki ne travaille pas – ils travaillent. Et ce n'est pas Davide qui concevait les évolutions. Donc je pense qu'il faut surtout qu'ils continuent à progresser parce que nous avons vu que les autres ont pu faire différemment.

Cela étant, Davide était doué pour faire le pont entre l'équipe de course et le Japon. Penses-tu que s'il était encore là, les nouveautés arriveraient plus vite, surtout le holeshot device à l'arrière ?

Je ne sais pas. Je pense que les Japonais savent très bien ce dont nous avons besoin et qu'ils font le maximum. Je ne crois pas [que les nouveautés arriveraient plus vite si Brivio était là], mais c'est sûr que ça aide de pousser. Je pense qu'ils le font.

Shinichi Sahara, responsable du projet MotoGP de Suzuki, a confié à Motorsport.com que Suzuki n'avait pas besoin d'un remplacement à Davide Brivio. Es-tu satisfait de cette situation ?

J'accorde une grande confiance à Sahara et sincèrement, s'il pense ça, il a raison. Il est celui qui décide de tout maintenant et il est au cœur du projet, il peut voir tous les problèmes. Évidemment, s'il dit ça c'est qu'il a des raisons de le dire.

Davide Brivio et Joan Mir

Davide Brivio et Joan Mir

Tu disputes ta première saison en tant que Champion du monde MotoGP. Ressens-tu une responsabilité supplémentaire ? Te sens-tu différent ?

Non, c'est la même chose tous les ans, on repart à zéro et il faut construire son championnat. Alors, oui, je suis l'un des leaders en MotoGP et les gens m'observent, regardent ce que je fais, regardent qui sont mes rivaux ou non. Et puis, certains pilotes me suivent, et c'est la principale différence. Mais à part ça, quand je suis en piste, je ne me dis pas "OK, je suis le champion". Je fais très bien la part des choses. J'essaie de construire mon championnat, c'est une nouvelle année et je ne me vois pas comme le champion. Oui, à la fin de la saison dernière je disais "J'ai gagné en 2020, on verra en 2021" mais ce n'est pas une chose que j'ai constamment à l'esprit. Ce ne serait pas vraiment productif, puisque si on est champion et qu'on n'attaque pas, on ne le redevient jamais.

Il y a une chose qui semble avoir changé, c'est ton exposition médiatique. Tu disais après Barcelone que tu avais l'impression d'être le méchant à cause de cela. Sens-tu que tes propos ont plus d'influence maintenant que tu es Champion du monde ?

[Rires] C'est également l'inconvénient [d'être champion], parce que je ne suis pas vraiment fait pour les médias. Je n'aime pas la célébrité, je n'aime pas tout ça. J'aime juste piloter des motos, faire mon travail, rentrer chez moi pour m'entraîner, revenir ici et essayer de gagner à nouveau. Je n'aime pas aller à Monaco voir la Formule 1 ou ce genre de choses. Enfin, évidemment que j'aimerais y aller, mais je préfère faire les choses à ma façon et que ma vie reste assez privée. J'ai un caractère assez différent et disons que je n'ai pas besoin des médias. C'est une mentalité différente que les gens doivent respecter, tout le monde n'apprécie pas la célébrité.

C'est une approche assez rafraîchissante...

Oui, quand je pars m'entraîner et que les gens me reconnaissent, ça va parce que ça reste dans ce milieu. Mais si je vas dîner et que quelqu'un me reconnaît, certes ça fait partie du boulot et je l'assume, mais je n'en ai pas besoin.

Tu as dit juste après l'Allemagne que tes rivaux faisaient mieux que Suzuki. Parlais-tu des résultats ou les vois-tu meilleurs sous d'autres aspects ?

Je ne pense pas qu'ils fassent mieux que les années précédentes. OK, on peut être plus mature et apprendre de ces erreurs, mais je pense que ce qui compte, c'est le package que l'on a. L'an dernier, avec ce package, j'arrivais à être sur le podium à chaque course. Et cette année ce n'est pas le cas, donc peut-être qu'il arrive la même chose aux autres pilotes, et qu'en fournissant le même effort, ils peuvent être plus proches du podium alors que l'an dernier non. Ça ne veut pas dire qu'ils sont meilleurs. Évidemment, on progresse et on devient meilleur grâce aux erreurs commises, mais je ne pense pas qu'ils soient meilleurs que l'an dernier.

Penses-tu avoir une chance de revenir dans la course au titre ?

Oui, la deuxième partie de la saison sera essentielle. Il est important d'être aussi proches que possible maintenant, parce qu'avec des progrès – je pense que nous allons améliorer la moto – nous pourrons encore nous rapprocher d'eux. Donc pour moi, la stratégie est d'être aussi proche que possible, de faire aussi bien que possible [...] avec le package que nous avons et d'aborder la seconde partie de la saison comme un nouveau championnat, pour essayer de prendre des points. Je pense qu'on sera bons, je suis impatient. Je suis fort, l'équipe vise de bons résultats, c'est toujours important. J'ai la même volonté et, même s'il est sûr que ce sera difficile parce que tout le monde travaille dur, nous travaillons assez dur également.

Es-tu motivé quand tu vois ce que KTM a fait, avec un petit changement qui les a propulsés à l'avant ?

Oui, ce que nous avons vu chez KTM est une grosse motivation parce que ça montre qu'avec les mêmes efforts, Oliveira et Binder sont maintenant capables de se battre pour des victoires. C'est une chose qui nous fait un peu défaut. On part aussi avec un désavantage : tout le monde débute les courses avec un holeshot device que l'on a pas, donc nous avons un désavantage à l'accélération en ce moment. Quand on aura le même matériel et quand Suzuki commencera à apporter des choses pour qu'on soit plus rapides, alors on verra où l'on en sera. J'espère qu'on sera forts.

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