Jorge Lorenzo a-t-il déjà perdu toute chance de titre ?

Après les neuf premières manches, les chiffres parlent clairement en faveur de Marc Márquez, qui compte 48 points d'avance sur son plus proche poursuivant, Jorge Lorenzo, et 59 sur Valentino Rossi. Le pilote Honda pourrait s'offrir le luxe d'enregistrer un premier score vierge, cette semaine en Autriche : il conserverait malgré tout la tête du championnat.

Mais sa position paraît encore plus impressionnante si l'on replace cette situation dans le contexte historique. Partons de 1993, année où a été mis en place le barème de points actuellement utilisé en MotoGP. Depuis, le plus grand déficit de points récupéré par un pilote sur la voie du titre mondial est à mettre à l'actif de Márquez, justement, qui dans sa première saison s'est fait distancer de 30 longueurs par Dani Pedrosa au cours des six premières manches, avant de refaire son retard et d'aller coiffer la couronne.

L'an dernier, Jorge Lorenzo a récupéré un retard qui avait culminé à 29 points avant de battre Valentino Rossi dans la course au titre. De même pour Mick Doohan sur Daryl Beattie, en 1995, après deux abandons du pilote Honda sur la première moitié de saison.

Ces trois exemples sont les seuls qui ont vu un déficit dépassant la valeur d'une victoire être comblé par un pilote qui sera ensuite titré. Nous ne compterons donc pas Valentino Rossi, qui a certes récupéré son retard sur Nicky Hayden en 2006, mais sans parvenir à finalement l'emporter.

Les plus grands retards comblés par un champion 500cc/MotoGP* :

Saison	Champion	Retard max	Sur	Après
2013	Marc Márquez	30 points	Dani Pedrosa	6 courses sur 18
1995	Mick Doohan	29 points	Daryl Beattie	5 courses sur 13
2015	Jorge Lorenzo	29 points	Valentino Rossi	3 courses sur 18
1998	Mick Doohan	25 points	Max Biaggi	1 course sur 14
2011	Casey Stoner	24 points	Jorge Lorenzo	3 courses sur 18
1999	Alex Crivillé	21 points	Kenny Roberts Jr	2 courses sur 16

^{* depuis 1993}

Les plus larges avances à neuf courses de la fin :

Il est également intéressant de noter que, depuis 1993, il n'existe que trois exemples d'un pilote ayant affiché à neuf courses de la fin une marge plus importante que celle dont dispose actuellement Márquez.

C'était son propre cas il y a deux ans : après avoir remporté chacune des neuf premières courses sur un total de 18 (et il y ajoutera même une 10e victoire de suite!), il comptait 77 points d'avance sur son plus proche poursuivant, Dani Pedrosa.

C'est au Docteur que revient l'apanage de la plus large avance affichée à neuf Grands Prix du tomber de rideau : on était en 2005 et il comptait 79 unités de marge sur Marco Melandri. Trois ans plus tôt, Rossi s'était déjà constitué un matelas de 62 points sur Tohru Ukawa, alors que sept courses avaient été disputées et qu'il en restait neuf.

Les plus larges avances à neuf courses de la fin* :

Saison	Leader	Avance	Sur	Après
2005	Valentino Rossi	79 points	Marco Melandri	8 courses sur 17
2014	Marc Márquez	77 points	Dani Pedrosa	9 courses sur 18
2010	Jorge Lorenzo	72 points	Dani Pedrosa	9 courses sur 18
2002	Valentino Rossi	62 points	Tohru Ukawa	7 courses sur 16
2016	Marc Márquez	48 points	Jorge Lorenzo	9 courses sur 18
1997	Mick Doohan	43 points	Alex Crivillé	6 courses sur 15
2006	Nicky Hayden	42 points	Dani Pedrosa	8 courses sur 17
1996	Mick Doohan	40 points	Luca Cadalora	6 courses sur 15

^{* depuis 1993}

Il n'existe que trois autres cas - Rossi en 2003, Crivillé en 1999 et Roberts en 2000 - où un pilote a compté 25 points d'avance ou plus alors qu'il restait neuf manches à disputer, et tous trois ont alors remporté le titre.

En résumé, depuis 1993, tout pilote comptant plus d'une victoire d'avance au championnat à ce stade de la saison a bel et bien coiffé la couronne. Nicky Hayden a failli faire exception, lui qui comptait 42 longueurs d'avance (sur Pedrosa) à neuf manches de la fin et qui s'est présenté au départ du dernier Grand Prix avec huit points à combler (sur Rossi), ce qu'il est finalement parvenu à faire.

Combien de points peuvent se rattraper en neuf courses ?

Jusqu'ici, les statistiques ne parlent pas franchement en faveur de Jorge Lorenzo et de ses 48 points de déficit. Le Majorquin pourrait toutefois trouver un peu de réconfort dans l'étude des retards déjà comblés par le passé en l'espace de neuf courses - soit le temps qu'il lui reste avant le verdict final du championnat.

Le Majorquin lui-même compte un record personnel impressionnant, avec 215 points marqués en 2010 grâce à sept victoires et deux deuxièmes places entre Jerez et Brno, soit à peine 10 points de moins que le maximum possible. Rappelons toutefois que cette période coïncidait avec l'absence - historique - de Rossi sur quatre courses, pour cause de blessure, et ce alors que Pedrosa (Honda) et Stoner (Ducati) peinaient à rivaliser avec la dominante Yamaha de cette année-là.

L'an dernier, Lorenzo a engrangé 187 points sur les neuf courses allant de Jerez à Silverstone (cinq victoires, une deuxième place, une troisième et deux quatrièmes). Sur la même période, Márquez - en abandonnant trois fois - a cumulé 123 points, soit 64 de moins que le Majorquin : si ce scénario devait se répéter cette année, Lorenzo battrait son compatriote au championnat !

Márquez sait pertinemment qu'il lui faut rester prudent malgré l'avance engrangée à ce stade du championnat, et il cite souvent ses deux chutes consécutives de Misano et Aragón 2014 comme preuves que la roue peut vite tourner. Dans un autre contexte, sa saison 2015 le conforte dans ce raisonnement puisqu'il a marqué 128 points sur la seconde moitié, contre 137 l'année précédente.

Quoi qu'il en soit, si le pilote Honda devait ajouter 128 points à son capital d'ici Valence, Lorenzo devrait en marquer 176 pour l'égaler. Le pilote Yamaha n'a réussi à empocher autant de points sur les neuf dernières manches qu'à une seule reprise, avec 193 unités à son compteur en 2013, époque à laquelle la concurrence était quelque peu différente...

... Et s'il fallait une raison de plus pour se montrer prudent, il suffirait de rappeler que les deux Espagnols doivent également compter sur Valentino Rossi dans leur quête du Graal. Pour l'un comme l'autre des pilotes Yamaha, le retard cumulé paraît difficile à combler, mais que serait la compétition si les défis les plus impossibles n'étaient pas, parfois, réalisables ?

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