Portrait

Le 20 août 1978, Kenny Roberts se révèle au monde

Le 20 août 1978, Kenneth Leroy Roberts devient le premier Américain à remporter la couronne mondiale, dès sa première saison.

Kenny Roberts, Yamaha

Photo de: Kenny Roberts

À l’image du King Elvis, les États-Unis ont également révélé une autre star du pays de l’Oncle Sam au surnom similaire de King Kenny Roberts. Débarqué en Grands Prix sans réellement le vouloir, Roberts colle alors parfaitement au mythe américain du cowboy descendu de son cheval.

Le Championnat du monde n’intéresse pourtant pas vraiment le Californien. Lui qui est dévoué au dirt track souhaite en priorité que son employeur, Yamaha USA, lui fournisse une moto compétitive pour espérer remporter un autre titre Grand National sur sa terre natale, face aux toutes puissantes Harley-Davidson. Un des facteurs déclencheurs qui pousse le natif de Modesto à tenter l’expérience est le commentaire provocateur de Barry Sheene qui clame que Roberts ne représente pas une véritable menace. Les deux hommes avaient déjà croisé le fer lors du Trophée Transatlantique opposant les USA au Royaume-Uni, où Sheene fut pourtant dominé par Kenny lui-même.

Son chef d’équipe et mentor, Kel Carruthers, Champion du monde 250cc en 1969, représente lui aussi un élément décisif dans ce début de carrière internationale, lui qui pousse celui qui allait devenir le King à traverser l’Atlantique et à attaquer de front cette saison 1978.

Un style révolutionnaire

Sur ses Yamaha aux légendaires couleurs jaune, noir et blanc de l’importateur américain, Kenny, déjà âgé de 27 ans, s’attaque à des circuits pour la plupart inconnus, avec un style tranchant nettement avec la norme de pilotage alors en vigueur.

Avant cela, Roberts avait déjà fait ses armes sur les circuits de vitesse, l’objectif du titre Grand National passait en effet par marquer des points en dirt track sur des pistes ovales d’un mile ou d’un demi-mile, en short track, en TT (variante incluant des virages variés et des bosses où les motos décollent), et bien sûr l’asphalte des circuits. Si Roberts y va de tout son talent pour laisser la moto trouver son équilibre sur la terre battue, il se retrouve hors de son élément sur le bitume.

L’élaboration de ce qui va devenir son style de pilotage, il la puise de son observation de Jarno Saarinen sur la piste de Daytona lors de l’épreuve de 1973, ce qui l’incite à adopter imiter le Finlandais dans sa façon de déplacer son poids vers l’intérieur de la courbe. Il pousse l’exercice plus loin ensuite en ouvrant sa jambe, pointant son articulation vers le sol. C’est en cherchant un meilleur feeling avec sa moto qu’il invente ce qui est un incontournable de nos jours : le genou collé au tarmac, symbole du pilote en mode attaque.

L’époque en est à ses balbutiements et les équipementiers fournissent des combinaisons rudimentaires. Les matières plastiques placées stratégiquement sur l’extérieur du genou causent trop de friction et font rapidement place au ruban adhésif. King Kenny peut ainsi se servir de son genou pour évaluer l’inclinaison, comme aussi rattraper la moto en cas de glissade. L’épaisseur des couches d’adhésif laisse finalement la place aux fameux sliders en particulier grâce à Dainese - déjà l’équipementier de Roberts - qui a influencé la conception des combinaisons par la suite. Roberts était également chaussé par Alpinestars dont le métier se limitait alors à la fabrication de bottes.

C’est donc un Américain se déhanchant avec style sur sa Yamaha jaune, qui prend d’assaut un Championnat du monde qui ne l’intéresse pas plus que ça en 1978. "Je serais heureux d’être chez moi et de rouler en dirt track", continue de lancer Kenny avec son accent à couper au couteau, lui qui s’apprête pourtant à changer le visage des GP de bien des façons. 

Le vainqueur Kenny Roberts, Yamaha

 

Les lignes coulées, constantes et fluides ne sont pas un but à atteindre pour Roberts. Foncer vers le point de corde, freiner et faire pivoter sa monture de manière abrupte, avant de ressortir avec la poignée de gaz ouverte en grand, n’est certes pas aussi gracieux, mais le résultat est au rendez-vous. Et le chrono parle, donnant raison à celui que l'on surnomme également le Nain Jaune, en cette époque où les motos sont équipées de moteurs performants installés dans des châssis plutôt flexibles, et de pneumatiques encore loin d’une adhérence à la hauteur de la puissance. Pour l’Américain, une moto qui glisse, qui bouge sous lui et se tortille est un appel à ses réflexes acquis sur la terre, chercher la façon d’exploiter la puissance à son maximum et le plus longtemps possible étant ce qui l’a façonné dès ses premiers tours de roue.

De rookie victorieux à pilier du championnat

Lors du premier GP de cette saison 1978, au Venezuela, sa Yamaha casse au départ. Il se reprend un mois plus tard avec une deuxième place en Espagne, à Jarama, et signe son premier triomphe dès la troisième manche disputée sur le tracé de Salzburgring en Autriche, avant de répéter cette performance en France (Nogaro) et en Italie (Mugello). Neuf podiums, dont quatre victoires, lui permettent de décrocher le titre au Nürburgring ce fameux 20 août 1978, et bien sûr de devenir le meilleur débutant sur cette même saison !

Kenny Roberts s’assure une destinée tout aussi glorieuse les deux années suivantes, se servant de son charisme pour améliorer la condition des pilotes sur le plan de la sécurité. Il mène la fronde du boycott et menace de former un championnat parallèle, la World Series, qui fut tout proche de prendre son envol à l’aube des années 80. La parole du Californien est finalement écoutée et prise au sérieux par les instances, qui abondent dans son sens.

De sa naissance sur la scène internationale en 1978, Kenny se trace ensuite un parcours inédit avec 3 titres et 24 victoires, et termine sa carrière de pilote en laissant la place à l’autre relève américaine du nom de Freddie Spencer. Le duel entre les deux hommes est épique tout au long de l’année 83 - qu’il a annoncée comme son dernier combat -, Spencer lui ravissant une 4e couronne potentielle.

L’aura du King continue de perpétuer l’empreinte des États-Unis sur la scène des Grands Prix dans les années qui suivent son retrait, tant du côté des pilotes dont il devient le team manager - à l'image de Wayne Rainey et John Kocinski -, mais aussi à travers sa propre descendance. Kenny Jr est titré en 2000 et l’influence paternelle est allée jusqu’à prendre en charge la conception du châssis (!) de la Suzuki du fiston, à travers son équipe créée quelques années auparavant.

Devenu une des vraies légendes grâce à la marque indélébile qu’il a laissée sur ce sport, Kenny Roberts continue d’inspirer les générations d’aujourd’hui tels que Márquez ou encore Rossi, tous allant s’entraîner sur les pistes de terre à la première occasion. Aujourd'hui, il reçoit toujours quelques pilotes dans son ranch de Modesto pour leur inculquer les bases et secrets du pilotage sur terre. Jorge Lorenzo en est le plus fidèle depuis ses débuts en MotoGP et consulte toujours le King pour des conseils tactiques.

L’influence et la légende se perpétuent donc jusque dans les courses d’aujourd’hui, preuve que le Nain Jaune a tout d’un géant.

Avec Rodolphe Coiscaud

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