La lourde tâche qui attend Livio Suppo chez Suzuki
Plus d'un an après le départ de Davide Brivio, Suzuki accueille enfin un nouveau team manager en la personne de Livio Suppo. Fort de son expérience, l'Italien relève un défi de taille en intégrant une équipe qui doit se relever d'une saison 2021 compliquée après son titre de l'année précédente.
Après quatre ans d'absence, Livio Suppo va faire son retour dans le paddock MotoGP. Il prend la place de team manager chez Suzuki, vacante depuis plus d'un an, tout en sachant que le premier choix a toujours été que Davide Brivio se succède à lui-même après son passage par la F1. Finalement reconduit par Alpine, l'ancien responsable de l'équipe japonaise ne reviendra pas et c'est donc son compatriote qui prend le relais à quelques jours du début du championnat.
Sa mission s'annonce complexe, car il lui faut à présent redonner de l'unité à une équipe désorientée par les récentes errances et par la déconnexion qui s'est mise en place avec sa direction, tout en accompagnant le retour à des performances de premier plan et en convaincant les pilotes de prolonger leur contrat.
Si quelqu'un peut réussir à relever un défi de cette envergure, c'est bien le dirigeant italien, qui rejoint la marque Hamamatsu fort d'une longue expérience en MotoGP. Son CV porte notamment la trace du titre pilotes de Ducati, toujours le seul à ce jour, remporté en 2007 par Casey Stoner, puis de cinq autres victoires au championnat pilotes fêtées avec Honda entre 2011 et 2017.
Il formait alors un binôme assez particulier avec Shuhei Nakamoto, directeur du HRC, avant que le constructeur décide de le relever de ses fonctions fin 2017, une décision qui l'a lui-même surpris, pour le remplacer par Alberto Puig. Depuis, le Turinois s'est concentré sur un projet personnel dans le domaine des vélos électriques, mais son intention a toujours été de revenir dans le paddock MotoGP. L'opportunité est désormais arrivée, et c'est avec le sentiment de n'avoir pas une seconde à perdre qu'il revêt les couleurs de Suzuki.
Si le COVID-19 le lui permet, Livio Suppo sera au Qatar la semaine prochaine pour l'ouverture du championnat. Il devra alors s'attaquer à la multitude de dossiers que Shinichi Sahara a délaissés ces derniers mois. Comme il l'a lui-même admis chaque fois que la question lui a été posée, le Japonais a été complètement dépassé par le départ de Davide Brivio et le rôle de team manager qu'il a alors assumé par intérim. Cela est dû en grande partie au fait qu'il ait sous-estimé les tâches incombant à ce poste et qu'il s'est dans un premier temps estimé en mesure de les gérer en parallèle de la part technique essentielle à son propre rôle de chef de projet.
Au-delà de la responsabilité personnelle qu'il a assumée, on se souvient que pour faire face au départ tardif de Brivio, en janvier 2021, un comité avait été monté afin que la gestion globale de l'équipe soit partagée entre sept dirigeants. Un fonctionnement atypique qui avait pour vocation de discuter en groupe de "toutes les questions relatives à la direction de l'équipe", mais qui s'est révélé trop éloigné de la réalité de ce poste-clé qui a tout simplement fait défaut dans la dynamique quotidienne.
Dès qu'il s'est rendu compte de son erreur, Sahara a eu pour principal souhait de faire revenir Brivio. Celui-ci a toutefois été confirmé par Alpine la semaine dernière, même s'il est transféré à un poste différent, et quelques jours plus tard, Suzuki annonce donc l'arrivée de Suppo. Celui-ci est pleinement conscient qu'il n'était pas le premier choix pour ce rôle, même si son nom figurait sur la liste des candidats. Dans ce contexte, le nouveau team manager peut s'attendre à quelques semaines mouvementées, mais qui définiront aussi très probablement le ton qu'il donnera à son rôle et la voie qu'il suivra chez Suzuki.
Mission numéro un : former le line-up 2023
L'une des principales questions dont devra s'occuper Livio Suppo en urgence, c'est la configuration de l'équipe pour la saison prochaine, sachant que les contrats de Joan Mir et d'Álex Rins arriveront à échéance à la fin de la saison. Shinichi Sahara n'a pas caché son intention de conserver les deux pilotes. "Suzuki veut garder à la fois Joan et Álex, et nous le leur avons dit à tous les deux", a-t-il notamment déclaré à Motorsport.com cet hiver. Sans perspective tangible, les deux Espagnols se sont cependant tous deux dit ouverts à la négociation avec la concurrence, et ce encore très récemment.
La prolongation de Mir, en particulier, est fondamentale, tant sur le plan strictement sportif que sur le plan émotionnel, car cela réaffirmerait les ambitions d'une équipe qui, ces derniers temps, a commencé à douter de la solidité de son projet et des aspirations de la marque en MotoGP. Reste à savoir comment le Majorquin accueillera l'arrivée de son nouveau patron, ayant prévenu que ce choix serait un élément important dans sa réflexion. Rins, quant à lui, n'a pas caché depuis plusieurs mois que Brivio lui manquait, et qu'il aurait aimé le voir revenir.
Álex Rins dans son stand
Parallèlement à ces négociations qui lui reviendront, Suppo devra faire remonter le moral d'une équipe qui, durant le dernier tiers de l'année, s'est sentie abandonnée par son responsable, accaparé par les questions techniques au point d'avoir négligé une gestion humaine qui, à l'époque de Brivio, s'était révélée essentielle dans le succès sportif et l'harmonie régnant chez Suzuki. Un succès qui s'est érodé la saison dernière, Suzuki n'ayant pas été en mesure de remporter la moindre course après avoir décroché les titres pilotes et équipes en 2020. Joan Mir n'a pas caché sa frustration face à un développement trop lent, Hamamatsu se faisant dépasser par la concurrence. Avec la fin du gel, les espoirs d'un rebond sont importants, mais la GSX-RR 2022 s'est construite dans ce contexte d'une équipe insatisfaite et à la gestion instable, et tout reste à prouver avec la reprise des courses.
"J'ai confiance dans le fait que Livio correspond très bien à ce poste", assure Shinichi Sahara, "car il a beaucoup d'expérience et une grande passion pour la victoire. Il comprend comment les équipes fonctionnent et sait que l'ambiance au sein d'une équipe est importante lorsqu'il s'agit d'être compétitif de manière constante pendant une saison. Certains des membres de notre team ont déjà fait l'expérience de travailler avec lui, et je le connais depuis longtemps car cela fait de nombreuses années qu'il est dans le paddock."
"Nous avons déjà vu des signes prometteurs et des améliorations dans nos performances pendant les essais hivernaux, et je crois que le fait que Livio nous rejoigne va renforcer notre équipe et nous permettre de devenir encore plus forts", pressent-il.
Tout cela devra se mettre en place alors que le championnat débute, et dans le contexte d'une structure à la dynamique très particulière, puisque toute décision d'importance doit transiter par la direction générale du groupe, au Japon, où l'empressement n'est pas vraiment le maître-mot. Les premiers pas de Livio Suppo seront assurément suivis de près par la direction japonaise alors qu'il s'efforcera de convaincre de sa capacité à occuper le rôle de team manager aussi bien que le faisait son prédécesseur et cherchera à enfin faire oublier son souvenir.
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