Le manque de show et de dépassements en MotoGP à nouveau critiqué
L'épreuve de Misano a-t-elle représenté la norme du MotoGP actuel, avec très peu de dépassements possibles ? Les partisans d'une réduction de l'aéro ou de pistes larges et roulantes ont en tout cas regretté des courses peu spectaculaires.
La rareté des dépassements lors du Grand Prix de Saint-Marin a fait ressortir le débat sur un supposé manque de spectacle offert par le MotoGP actuel. Certains pilotes restent convaincus que la technologie d'aujourd'hui, avec des machines chargées d'appuis aérodynamiques, entre autres, contribue à un appauvrissement des combats en piste.
En course sprint comme dans l'épreuve principale, l'ordre d'arrivée a été le même avec une victoire de Jorge Martín devant Marco Bezzecchi et Pecco Bagnaia, déjà positionnés dans cet ordre sur la grille de départ. Dani Pedrosa, parti cinquième, s'est à chaque fois emparé de la quatrième place. Quant à Maverick Viñales, parti quatrième, il a grimpé d'un cran entre samedi et dimanche pour finir cinquième, à la faveur de la chute de Brad Binder.
Aux toutes premières places, on a pu observer le dépassement de Bezzecchi sur Bagnaia lors de chacune des deux courses, bien que sa manœuvre pendant le sprint ait été la conséquence d'une erreur du champion en titre. Et c'est à peu près tout ce qu'il s'est passé…
Il y a quatre ans, Marc Márquez avait terminé ce Grand Prix en bagarre contre Fabio Quartararo, un duel qui avait donné lieu à six dépassements pour la victoire. De longue date, l'Espagnol se montre très critique sur les différents éléments qui aujourd'hui pèsent sur la capacité à dépasser. Aussi, lorsqu'il lui a été demandé dimanche si ce week-end à Misano représentait ce qui est désormais la norme en MotoGP, il a répondu : "Ça n'est pas nouveau. Si c'est un grand circuit avec une longue ligne droite, alors avec l'aspiration il est possible de dépasser plus."
"Mais sur ce circuit, de deux choses l'une : soit on dépasse comme l'a fait Binder [samedi], où tout était au-delà de la limite mais c'était un très bon dépassement, que j'ai trouvé très impressionnant à voir parce que ce qu'il a fait est très difficile à faire ; soit il est impossible de dépasser."
"Par exemple, dans les trois derniers tours, je roulais en 1'33"0 et Marini arrivait en petits 1'32, voire 1'31"9. Je me suis juste défendu et il lui a été impossible de me dépasser. Mais au final, l'aérodynamique sera la règle jusqu'en 2027, donc il faut qu'on continue comme ça. Ils l'ont autorisé, alors tout le monde suit cette voie."
Autre grand défenseur d'un MotoGP plus spectaculaire, Luca Marini a en effet été l'un des plus limités dimanche, déplorant la tournure prise par les débuts de course. "Dès le premier tour, tout le monde pense à où doubler le pilote de devant et où bloquer le pilote de derrière", a résumé le pilote italien, qui regrettait une mauvaise qualification aux lourdes conséquences. "Maintenant les courses sont comme ça. On n'attaque plus, on bloque les autres et on essaie de doubler, parce que tout le monde est très fort, très rapide, avec le même rythme. Quand on est aux quatre premières places, on peut penser à bien rouler, faire ses chronos. Derrière, c'est plus la jungle."
Aleix Espargaró a klaxonné derrière Álex Márquez pendant une grande partie de la course, bloquant lui-même Johann Zarco.
Mal parti, Aleix Espargaró s'est également retrouvé dans cette "jungle" et a dû se contenter de la 12e place du Grand Prix. Il a en partie blâmé le tracé serré de Misano pour la difficulté à dépasser, faisant remarquer au passage que les MotoGP actuelles ne sont, selon lui, plus adaptées à ce type de circuit.
"Je pense que c'est dû au tracé. Cette piste est très petite, comme un circuit de karting, avec beaucoup de grip, et avec les MotoGP actuelles, avec toute l'électronique et les ailerons, c'est pratiquement impossible de dépasser", a-t-il estimé, prenant à son tour l'exemple de Marini pour illustrer son propos : "J'étais derrière Luca, qui pilotait extrêmement bien. Álex [Márquez], Zarco et les autres étaient beaucoup plus lents que nous, mais on n'arrivait pas à les passer. Luca était très, très rapide mais il n'avait pas la place pour dépasser, c'était impossible. Chaque fois qu'il a essayé de doubler, il a élargi. Sur une piste comme celle-ci, c'est très difficile."
"Il y a des circuits qui offrent peu d'adhérence, des circuits qui en ont beaucoup, des circuits comme l'Australie où on est tout le temps à 300 km/h ou bien de petits circuits comme celui-ci… Personnellement, et ce n'est que mon opinion, il faut qu'on coure partout. Je n'aime pas ce genre de piste parce qu'il n'y a pas de show, c'est très ennuyeux, très petit, mais il faut qu'on coure partout."
Lorsqu'il lui a été fait remarquer qu'il y avait plus de show il y a encore trois ou quatre ans à Misano, Espargaró a répondu : "Oui, c'est vrai, avec ce genre de moto on a besoin de tracés plus grands. Les motos ont beaucoup d'appui, elles tournent très vite, donc sur ces très petites pistes c'est impossible [de dépasser]."
Une performance à aller chercher ailleurs
Ce point de vue n'est pas unanime. Jorge Martín, auteur du doublé à Misano, ne le partage pas, par exemple, estimant plutôt que sur des pistes aussi serrées, les pilotes doivent simplement utiliser d'autres atouts pour pouvoir obtenir de bons résultats, à commencer par se montrer plus performant en qualifications.
"Je pense [qu'à Misano] c'est difficile de doubler mais il y a des endroits, comme on l'a vu avec Marco et Pecco, où l'on peut le faire. Quand la course est aussi rapide que la nôtre, c'est très difficile, parce qu'on est tous en file indienne. J'ai eu l'impression d'attaquer à chaque virage pendant 27 tours", a fait remarquer le pilote Pramac. "Si on ralentit la course, c'est sûr que ce sera plus facile de doubler. Il est clair que ce n'est pas la meilleure piste pour les dépassements, mais il y a des circuits sur lesquels il faut être très bon en qualifications pour être devant."
Jorge Martín n'a pas été inquiété à Misano, mais il a rappelé l'importance d'avant tout bien se qualifier.
Le développement aéro n'est pas le seul élément pointé du doigt régulièrement pour cette raréfaction des dépassements, les correcteurs d'assiette ainsi que les règles controversées sur la pression des pneus étant également cités régulièrement.
"Pour moi il y a aussi le nouveau règlement avec la pression à l'avant, qui ne nous permet pas de doubler", a ainsi souligné Pecco Bagnaia dimanche. "Quand on est [suffisamment] proche pour dépasser, la pression avant est trop élevée après quatre ou cinq tours, et on ne peut pas le tenter, sinon on prend trop de risques, on commence à beaucoup perdre l'avant et c'est risqué. Or, on n'a pas envie de ruiner sa propre course ou celle des autres. Le nouveau règlement pour la pression des pneus est un peu désastreux pour ces choses-là."
Pour d'autres, la critique n'a pas lieu d'être car ces difficultés à dépasser viendraient tout simplement d'un niveau de compétitivité plus équitable que jamais. "C'est sûr qu'il n'y a pas eu beaucoup de dépassements devant mais tout le week-end, les écarts ont été incroyables faibles", a rappelé Jack Miller. "C'est ce qui arrive quand les motos sont très performantes, que le niveau d'adhérence est si élevé et que le pneu ne se dégrade pas vraiment. On n'a pas beaucoup de gestion à faire."
"Malheureusement, on avait un rythme de course tellement proche que c'était difficile de faire quelque chose en plus pour doubler", a renchéri Marco Bezzecchi. "Il y a deux ou trois endroits où l'on peut tenter une manœuvre sur cette piste mais Jorge était rapide, Pecco était rapide, j'étais rapide. C'était difficile d'en faire plus pour faire la différence. Ce n'est pas une question de piste, c'est plus une question de rythme similaire.”
Avec Vincent Lalanne-Sicaud
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