Interview

Comment Marc Márquez affronte le plus grand défi de sa carrière

Dans une interview exclusive accordée à Motorsport.com, Marc Márquez se confie sur les défis auxquels il est confronté depuis sa blessure, sa volonté de retrouver le sommet et la domination actuelle de Fabio Quartararo.

Marc Marquez, Repsol Honda Team

Marc Marquez, Repsol Honda Team

Repsol Media

Au Grand Prix d'Espagne 2020, manche d'ouverture d'une saison retardée par la pandémie de COVID-19, Marc Márquez est tombé lourdement et s'est fracturé le bras droit. Opéré le lendemain, le champion espagnol a tenté un comeback dès le week-end suivant, une énorme erreur puisque la plaque posée sur l'os a été fragilisée, puis s'est brisée dans un accident domestique quelques jours plus tard, nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale.

La convalescence a été plus longue que prévu et a finalement laissé Márquez sur la touche toute l'année. Au mois de décembre, une troisième opération, très risquée puisqu'elle impliquait une greffe osseuse, a été pratiquée et une infection a été détectée, faisant planer le doute sur la capacité de l'homme fort des saisons précédentes à faire son retour.

Et pourtant, Márquez a bel et bien retrouvé sa Honda au GP du Portugal en avril dernier et il a immédiatement été le meilleur représentant de la marque avec la septième place sous le drapeau à damier, un résultat après lequel il a manifesté plus d'émotions que dans les autres moments forts de sa carrière. La victoire au Sachsenring, un circuit qui sollicite peu son bras diminué, l'a rapproché du niveau qu'on lui connaît, mais la route reste longue et le processus est plus lent que prévu.

Néanmoins, comme il l'explique dans cette interview exclusive accordée à Motorsport.com, Marc Márquez a confiance dans sa capacité à retrouver le sommet, à condition que sa condition physique le lui permette. Le sextuple Champion du MotoGP se confie également sur la domination de Fabio Quartararo, la situation chez Honda et la responsabilité qui est la sienne chez Honda.

À Portimão, j'avais l'impression qu'absolument tout le monde était content de te revoir, et ce n'est pas très habituel...

C'était évidemment mieux que les gens soient heureux, mais ça ne m'inquiétait pas vraiment parce que j'avais assez à faire de mon côté. Mais oui, l'accueil a été très chaleureux, de la part des autres équipes, des dirigeants et des autres pilotes.

Quel est le pilote qui t'as le plus surpris pour le moment ?

Je dirais Fabio [Quartararo], surtout après ce qui lui est arrivé l'an dernier, quand il semblait un peu perdu. Mais cette saison, il a immédiatement renversé la situation.

Et de qui attendais-tu un peu plus ?

Je ne veux pas donner de noms parce qu'il faudrait aussi que je donne le mien.

L'an dernier, tu as expliqué l'inconstance de Quartararo en mentionnant son manque d'expérience de la pression, d'être une référence et de mener le championnat. Penses-tu qu'il a progressé dans ces domaines ?

C'est tout un ensemble. Il y a la technique, la confiance, mais l'expérience joue évidemment un rôle important. Jusqu'à l'an dernier, il n'avait pas joué le championnat, ni en Moto3 ni en Moto2. Maintenant, il a l'expérience, il a été dans la position de remporter le championnat et il n'y est pas parvenu. Et il gère bien ça [maintenant].

C'est une spirale positive : plus on a confiance, meilleurs sont les résultats, et cela donne encore plus de motivation, ce qui aide aussi. Maintenant, il sait que peu importe qu'une année se passe bien, comme 2019 pour lui, ça ne veut pas dire que la suivante sera identique.

Je l'ai appris en 2015, quand je sortais de l'une de mes meilleures saisons en MotoGP [avec 13 victoires en 18 courses] et que ça ne s'est pas du tout bien passé. Et on en a conscience, on le voit arriver aux autres, mais tant qu'on ne l'a pas vécu, on ne l'a pas compris.

Marc Marquez, Repsol Honda Team, Fabio Quartararo, Yamaha Factory Racing

Avant la première course de Spielberg, tu as dit que tu avais pu reprendre une "vie normale" pendant tes vacances. As-tu été déçu de ton niveau physique en piste ?

Je ressortais de l'été avec de très grosses attentes parce que je m'étais bien entraîné chez moi et que je me sentais vraiment bien, mais nous sommes probablement arrivés sur le pire circuit pour le bras droit, parce qu'il y a beaucoup de virages dans cette direction et de très gros freinages. Et évidemment, plus les attentes sont élevées, plus les frustrations sont fortes quand on n'atteint pas son objectif.

Comment gères-tu cette frustration ?

Évidemment, dans le premier relais j'avais du mal à croire que mon épaule puisse encore me gêner autant. Mais quand j'ai dépassé ça, je suis vite revenu à ma réalité et ça m'a permis de travailler avec la même mentalité.

Comment expliquerais-tu aux gens les limites que ton bras te pose en ce moment ?

C'est facile : quand on a soif et qu'on prend un verre d'eau, on ne réfléchis pas à comment le saisir, on le fait mécaniquement. Bien, je dois penser à comment positionner mon bras quand j'aborde un freinage, pour éviter la douleur, et ça conditionne mon virage.

Évidemment, c'est une chose que j'ai intégrée et je me sens mieux au fur et à mesure que le week-end avance, parce que ça devient de plus en plus naturel. Mais je ne peux pas rouler par instinct. À part ça, il y a toujours des imprévus, des moments qui créent un inconfort. Peu importe qu'on ne veuille pas y penser, ça revient.

Marc Marquez, Repsol Honda Team

Tu parles toujours de ta condition physique et de la moto comme un ensemble. Que penses-tu que le Marc Márquez d'avant la blessure pourrait faire avec la Honda actuelle ?

Je pense que le Marc d'avant la blessure se battrait pour le titre avec cette moto. Je ne gagnerais peut-être pas autant qu'en 2019 [12 succès], mais je pourrais jouer le championnat et être sur le podium très régulièrement. Je pense que c'est pour une raison simple : j'ai beaucoup mieux piloté sur les pistes où je n'ai pas ressenti de limite physique, ou quand elle était plus faible. Mais je ne peux pas tout compenser, la moto doit m'aider et ce n'est pas le cas, pour moi comme pour les autres pilotes. Ni pour moi, ni les autres pilotes Honda.

Cela signifie-t-il que Honda doit changer la philosophie de sa moto ?

Mon intention est de redevenir le Marc que j'étais avant. Pour moi il est évident que tant que j'ai une bonne condition physique, je peux redevenir ce pilote. Je ne sais pas si ça sera suffisant pour gagner des titres. Je pense que je pourrai me battre pour ça, mais je ne sais pas si je gagnerai, parce que mes rivaux ont aussi progressé.

Maintenant, ma condition physique me permet de piloter une moto, mais pas de faire des choses magiques. Si j'étais loin derrière les autres pilotes, la marque se dirait qu'il y a un problème. Mais je suis devant malgré deux courses manquées. Et soyons clairs, ce n'est pas du tout mon objectif.

Que s'est-il passé dans le HRC l'an passé ?

À titre personnel, c'était une année perdue, personnellement et professionnellement. Pour Honda, quand on prend en compte qu'ils devaient faire rouler un débutant [son frère Álex], que [Cal] Crutchlow était en fin de carrière, c'était aussi une année perdue dans l'évolution de la moto.

Dans quelle mesure limites-tu ta prise de risque en piste ? Je dis ça parce qu'on te voit moins faire les sauvetages pour lesquels tu étais connu.

Je prends les mêmes risques, mais c'est vrai qu'en ce moment je n'ai pas la confiance pour arriver à ces situations extrêmes qui menaient aux sauvetages. Je n'ai pas encore ce contrôle. Chaque frayeur me fait perdre en confiance.

Marc Marquez, Repsol Honda Team

Depuis ton retour au Portugal, on a vu un pilote qui partage plus ses émotions, qui laisse plus exprimer ses sentiments qu'avant. As-tu moins de poids sur tes épaules ?

Ce n'est pas que j'ai moins de poids sur les épaules, parce que c'est naturel pour moi. Il y a des émotions que je préfère exprimer en privé, avec mon équipe, dans le garage. Mais il y a des émotions que je ne peux pas contrôler, par exemple les moments de joie. À l'inverse, si je suis en colère, j'essaie de ne pas le montrer.

En 2020, tu as signé le plus gros contrat de l'histoire du championnat, pour une durée de quatre ans et avec un salaire de plus de 20 millions d'euros par an. Puis le COVID est arrivé, avec des mesures d'économie, et tu as manqué la saison. Est-ce que ce contrat te pèse ?

Quand on signe un contrat de quatre ans avec une marque comme Honda, avec ces sommes engagées, on sent une implication. Mais je la sentais déjà au début du projet. Ce n'est pas une responsabilité que je ressens en piste, mais je la sens évidemment.

Ce qui est bien, c'est que j'ai suffisamment de confiance pour parler avec Honda, ce que j'ai fait l'an dernier. Je n'ai pas roulé de l'année, donc je leur ai dit de me payer la somme qu'ils voulaient. Je n'ai pas fait ma part. Mais c'est naturel s'il y a une confiance dans l'équipe. Je suis chez Honda depuis longtemps et la relation est bonne, que ce soit avec Alberto [Puig, le team manager] et le reste du staff japonais. Je me suis toujours senti très respecté.

Rejoignez la communauté Motorsport

Commentez cet article
Article précédent Pedrosa a "encore plus d'estime" pour Rossi après son retour en wild-card
Article suivant Suzuki veut trouver un successeur à Brivio pour 2022

Meilleurs commentaires

Il n'y a pas de commentaire pour le moment. Souhaitez-vous en écrire un ?

Abonnez-vous gratuitement

  • Accédez rapidement à vos articles favoris

  • Gérez les alertes sur les infos de dernière minute et vos pilotes préférés

  • Donnez votre avis en commentant l'article

Motorsport Prime

Découvrez du contenu premium
S'abonner

Édition

France