Márquez veut légiférer sur l'aérodynamique : "2027, c'est trop tard"
Marc Márquez ne comprend pas pourquoi le MotoGP veut attendre 2027 pour mieux encadrer l'aérodynamique, estimant que les ailerons nuisent de plus en plus aux dépassements.
Les appendices aérodynamiques ont pris une place prépondérante en MotoGP. Pour espérer briller, il est désormais nécessaire d'avoir imposants ailerons plaquant la moto au sol, mais plusieurs pilotes pointent également des effets négatifs, sur la montée en température du pneu avant et surtout les réactions de leur machine dans les duels. Quand un pilote se retrouve dans le sillage d'un rival, le comportement de sa moto peut devenir très difficile à prédire, ce qui complique les dépassements.
Chez Honda, on cherche naturellement à suivre la tendance et de gros ailerons rappelant ceux de Ducati et KTM sont apparus sur la moto japonaise à Silverstone, mais Marc Márquez préfèrerait un retour en arrière. Souvent opposé aux évolutions technologiques apparues ces dernières années, il espère une réaction des instances dirigeantes avant le prochain cycle règlementaire qui entrera en vigueur pour la saison 2027.
"Je l'ai déjà dit il y a deux, trois ou quatre ans", a déclaré l'Espagnol. "Mais certaines personnes sont opposées aux trucs aéro, d'autres y sont favorables. Et si vous dîtes quelque chose, on vous répond que vous ne pouvez pas vous adapter à cette aérodynamique. On peut s'adapter au final, mais dans le MotoGP actuel on dépend beaucoup plus de la moto qu'on a."
"Si on n'a pas d'aéro, si on n'a pas de traction… Il y a beaucoup de choses du côté technique et on en dépend beaucoup plus. Et alors il devient de plus en plus difficile d'attaquer et de dépasser des pilotes. Ça devient comme en Formule 1."
"La F1 va [maintenant] dans la direction opposée avec, semble-t-il, moins d'appui et moins d'effet aéro. Nous, on fait l'inverse, c'est chaque fois plus grand, plus grand, plus grand. Apparemment, ça va changer en 2027, mais c'est trop tard. Pff… Trois ans comme ça ! Le problème, c'est qu'on va avoir de plus en plus d'appui."
Pol Espargaró est lui aussi favorable à une évolution la plus rapide possible des règlements mais a conscience que l'unanimité nécessaire entre les différents acteurs a peu de chances d'être trouvée. "Le problème est toujours le même : on va à la MSMA [l'association des constructeurs], on demande aux constructeurs d'enlever les ailerons et il devrait y avoir un accord unanime [pour que ça passe]", a expliqué le pilote Tech3.
Les marques les plus à pointe dans l'aérodynamique refuseront probablement de renoncer à cet avantage, même si l'argument de la sécurité entre en compte : "Vous vous opposez aux constructeurs. Et puis c'est compliqué, parce que ces constructeurs investissent beaucoup d'efforts et d'argent dans ce sport, alors on pénalise aussi la force technologique des autres constructeurs, ou leur succès, et j'ai le sentiment que ça n'est pas juste."
"Oui, on est confrontés à des problèmes différents quand on pilote, mais les pilotes doivent aussi trouver les solutions sur la moto pour modifier leurs trajectoires ou améliorer la situation quand ils pilotent."
Un phénomène d'aspiration difficile à contrôler
L'aérodynamique a en effet contraint les pilotes à s'adapter à un comportement nouveau ces dernières années. Plus les pilotes sont nombreux devant lui, plus Pol Espargaró a du mal à contrôler sa moto en raison des perturbations aérodynamiques générées par les autres machines.
"C'est une des choses que j'ai senties à Silverstone. J'étais pas mal à l'arrière du groupe et dans la première chicane rapide, dans le premier secteur, j'ai eu du mal à faire tourner la moto. Il y a beaucoup de turbulences engendrées par les ailerons et je dois dire que c'est assez dangereux. Quand on est en tête de la course ou qu'on fait partie des cinq ou six premiers, on ne le sent pas tellement, mais si on est derrière, les turbulences qu'on y ressent sont incroyables."
Ce phénomène semble être à l'origine de l'abandon de Marco Bezzecchi au GP de Grande-Bretagne, après avoir été aspiré par Pecco Bagnaia devant lui. Marc Márquez a senti ce phénomène s'aggraver ces dernières années : "Au sujet de se faire aspirer aux points de freinage, j'ai piloté cette moto avec et sans ailerons, et il est vrai que c'est beaucoup plus critique avec les ailerons. Mais le MotoGP actuel est ainsi, et il faut qu'on s'adapte. Avant aussi, ça secouait, mais moins."
Son ancien coéquipier ressent le même phénomène d'aspiration, qui oblige à modifier son approche des duels, aussi bien dans la position de l'attaquant que de celui qui se défend. "Ça arrive normalement quand on freine", a expliqué Espargaró. "Ça m'est arrivé l'année dernière au Qatar quand Bastianini m'a passé et qu'il s'est échappé : c'est comme si quelqu'un vous poussait par derrière, vous arrêtez de freiner et vous élargissez."
"En MotoGP, particulièrement aujourd'hui, il est donc important qu'on dépasse et qu'on freine sur le côté. Il faut laisser de l'air propre au gars de derrière. Car il semble que si on bloque le passage, certes il ne va pas nous dépasser, mais ensuite quand on se détache de lui, l'autre gars voit sa vitesse augmenter assez vite. Il peut donc vous heurter de l'arrière."
"Je pense que c'est un gentlemen agreement [à avoir] parce que si vous coupez la trajectoire du pilote que vous dépassez, peut-être qu'il peut vous heurter. Alors maintenant, avec ces trucs aéro, il est important d'avoir toujours de l'air propre. Si on a de l'air sale, on est plus lent et ces turbulences deviennent assez piégeuses."
"C'est un problème technologique. C'était d'ailleurs une des choses dont je me suis plaint il y a quelques années, quand Ducati a commencé à utiliser ces ailerons et qu'on s'est mis à sentir ces turbulences. J'arrive de l'ère où il n'y avait pas d'ailerons. Il n'y en avait pas sur la Yamaha par le passé, alors j'ai commencé à sentir ces turbulences et j'ai trouvé ça un peu bizarre et dangereux. C'est allé tellement plus loin… mais il est difficile de stopper l'évolution technologique. Ces choses-là arrivent, et il en arrivera d'autres auxquelles on ne s'attend pas, mais il faut qu'on s'y adapte."
Pol Espargaró a revu son approche des dépassements
Selon Márquez, cette adaptation demandée au pilote dans les luttes en piste n'est pas la même selon la machine dont il dispose. "Ça dépend de la moto que vous pilotez : si vous pilotez une moto, vous pouvez dépasser d'une façon, et si vous en pilotez une autre, vous devez dépasser à des endroits où on ne s'y attendrait pas normalement", a précisé le #93. "Il faut trouver un moyen."
Iker Lecuona, engagé par LCR pour remplacer Álex Rins durant sa convalescence, n'a connu que le MotoGP qu'avec ses ailerons mais l'an passé, il a découvert le WorldSBK, où les machines sont plus simples et offrent plus de libertés dans le pilotage. Il estime que la prédominance de l'aérodynamique nuit au plaisir sur la moto.
"Pour moi, aujourd'hui, le MotoGP est amusant mais dans le même temps c'est plus ennuyeux, parce qu'avec toute cette aérodynamique il y a plus de limites", a expliqué Lecuona. "Auparavant, même en 2021 quand j'étais là et qu'il y avait moins d'aéro, c'était plus amusant parce que la moto bougeait plus. Maintenant, si vous regardez les motos, on dirait un train. La différence, en Superbike, c'est qu'on peut beaucoup jouer [avec la moto], donc c'est très amusant par rapport à une MotoGP. Mais c'est juste différent."
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