Le MotoGP risque-t-il de varier les nationalités au détriment du mérite ?

Plusieurs pilotes MotoGP ont défendu un championnat donnant la priorité à la valeur de ses acteurs, désapprouvant l'idée de limiter le nombre d'Espagnols et d'Italiens pour favoriser une plus grande mixité dans les nationalités représentées.

Francesco Bagnaia, Ducati Team

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Une récente interview de Carmelo Ezpeleta, PDG de Dorna Sports, a soulevé le débat sur les nationalités présentes en MotoGP. Alors qu'Espagnols et Italiens représentent actuellement 16 des 22 pilotes de la grille dans la catégorie reine, le promoteur du championnat a suggéré que leur nombre pourrait être limité afin de permettre une plus grande diversité de nationalités.

Le responsable continue, certes, à défendre le fait que le MotoGP doive réunir les meilleurs pilotes, mais introduit quelques nuances dans sa pensée, notamment liées à la réalité commerciale d'un championnat qui se veut viable et plus tourné vers l'ensemble des marchés mondiaux, indépendamment de cette prévalence latine qui s'est installée depuis une trentaine d'années.

"Les meilleurs devraient être là, mais il est plus facile d'être meilleur si vous êtes Italien ou Espagnol", a déclaré Carmelo Ezpeleta courant août à Speedweek, évoquant l'idée d'un quota. "Ce devrait être comme pour les Jeux Olympiques : trois Américains y vont, et si vous êtes le quatrième Américain, vous n'y allez pas, même si vous êtes meilleur que ceux d'autres pays."

Interrogés sur ces propos par Motorsport.com lors du GP d'Autriche, certains pilotes espagnols et italiens actuellement engagés en MotoGP ont rapidement réagi, ouvrant le débat sur la valeur et le mérite des concurrents actuels dans un championnat où un Sud-Africain (le seul à se mêler aux Italiens et Espagnols parmi les 12 premiers du classement général), deux Français, un Australien, un Portugais et un Japonais représentent la diversité.

"Combien de Britanniques ou d'Anglo-Saxons y a-t-il en F1 ?" a demandé Raúl Fernández, récemment prolongé pour deux ans par Trackhouse, qui a ensuite signé le pilote japonais Ai Ogura. De son point de vue, sa nationalité espagnole représente en réalité plus un frein qu'une aide, compte tenu de la concurrence subie en gravissant les échelons.

"Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question de nationalité. Nous autres, Italiens et Espagnols, sommes certainement meilleurs compte tenu de la difficulté que nous avons pour arriver ici. Si l'on avait une autre nationalité, on aurait certainement plus d'aide en termes de championnats de formation. En Espagne, c'est très difficile. Personnellement, ce que j'ai vécu, c'est beaucoup de travail et d'efforts pour arriver en MotoGP, sans oublier les sacrifices familiaux."

"Et mis à part ça, il y a le souci de savoir ce que veulent les usines. Si vous allez chez Honda, par exemple, et que vous leur dites qu'ils doivent prendre trois pilotes de telle ou telle nationalité, ils vous répondront qu'ils ne vont pas investir 50 millions dans un projet pour s'entendre dire quels pilotes ils doivent y placer. Ça ne sera pas facile à gérer."

"Ce qu'il faut voir, c'est que les pilotes font beaucoup de sacrifices, et ce qu'il faut regarder, ce sont les résultats. Il est dommage qu'un pilote comme Sergio García [actuel leader du Moto2], compte tenu de ce pour quoi il s'est battu et de ce qu'il fait, n'ait pas de place en MotoGP. Alors pourquoi faut-il travailler si dur ? C'est frustrant, si vous n'y arrivez pas, alors pourquoi allez-vous essayer ?"

Cette remarque de Raúl Fernández n'est pas anodine, alors que les chances de promotion de Sergio García ont pris du plomb dans l'aile au cours de l'été avec l'espoir retrouvé par Jack Miller d'obtenir un guidon chez Pramac pour 2025. Le seul Australien a beau défendre sa volonté de rester en MotoGP sans miser sur son passeport, sa nationalité pourrait être perçue favorablement d'un point de vue commercial.

Jack Miller porte seul les couleurs de l'Australie en MotoGP.

Jack Miller porte seul les couleurs de l'Australie en MotoGP.

Photo de: KTM Images

Pour sa part, Augusto Fernández, titré en Moto2 il y a deux ans, est d'ores et déjà assuré de quitter la grille à la fin de la saison avec comme espoir de devenir pilote essayeur chez Yamaha. "Ça a toujours été comme ça pour les Espagnols et les Italiens. Pour être en MotoGP, il nous a fallu gagner dans tout ce que l'on a fait", a réagi l'actuel pilote Tech3, conscient qu'il va lui falloir à nouveau faire ses preuves s'il veut réintégrer le championnat à l'avenir.

"On n'a jamais eu de facilités à cause de notre passeport, mais si l'on est ici, c'est parce qu'il n'y a pas de pilotes d'autres pays qui soient meilleurs que ceux qui sont ici. Le fait est que l'on est espagnols, et fiers de l'être, mais on sait qu'il faut gagner pour être ici. Je suis moi-même écarté actuellement et il va falloir que je prouve beaucoup de choses pour pouvoir revenir ici."

Ce serait idéal si les 14 pilotes les plus rapides du monde venaient de 14 pays différents. Mais vous ne pouvez pas lutter contre le fait que, pour l'instant, les meilleurs pilotes viennent de là d'où ils viennent.

Álex Márquez estime lui aussi que sa nationalité a été plus un frein qu'une aide dans sa carrière. "Ce n'est pas quelque chose de nouveau, on le sait depuis des années. Quand j'étais en Moto2, si j'avais eu une autre nationalité, je serais monté plus tôt, mais si vous êtes espagnol ou italien, il n'y a pas beaucoup de places. C'est la réalité", a-t-il souligné, arguant plutôt d'un manque de candidats en provenance d'autres contrées.

"Le championnat investit en Asie et dans d'autres régions en créant des coupes promotionnelles pour que les gens viennent de là-bas. Mais, heureusement, en Espagne et en Italie, ils n'ont pas besoin d'investir parce que les fédérations organisent déjà de très bons championnats, et de nombreux pilotes montent [de ces championnats]. On ne peut pas lutter contre le fait que les meilleurs pilotes viennent de certains pays. Et si vous regardez les [catégories] inférieures, c'est encore pire, car tous les pilotes qui montent sont espagnols et italiens."

"Ce serait idéal si les 14 pilotes les plus rapides du monde venaient de 14 pays différents. Vous pouvez contribuer à la promotion des championnats pour qu'un jour ce soit le cas, mais vous ne pouvez pas lutter contre le fait que, pour l'instant, les meilleurs pilotes viennent de là d'où ils viennent."

"Évidemment, ce serait bien d'avoir 14 nationalités différentes en MotoGP, mais il s'agit de l'élite et les meilleurs doivent être dans l'élite, d'où qu'ils viennent", lui a fait écho Aleix Espargaró, qui cèdera sa place chez Aprilia à un autre Espagnol la saison prochaine.

En la actual parrilla de MotoGP compiten nueve españoles y seis italianos

Neuf Espagnols et six Italiens sont présents sur la grille MotoGP, et les cinq premiers du championnat sont actuellement de l'une ou l'autre de ces nationalités.

Photo : Gold and Goose / Motorsport Images

Luca Marini, sous contrat avec Honda aux côtés de l'Espagnol Joan Mir, est lui aussi persuadé que le talent prime déjà grâce aux opportunités offertes aux pilotes en herbe en Italie et en Espagne. "Il faut comprendre pourquoi le niveau des pilotes espagnols et italiens est si élevé et qu'ils sont en MotoGP parce qu'ils sont les meilleurs au monde et non parce qu'ils sont italiens ou espagnols", a-t-il pointé.

"Si l'on a la possibilité de trouver des pilotes d'autres nationalités et ayant le même niveau, qu'ils viennent. Mais, à mon avis, en Espagne comme en Italie, il y a une culture, une passion et une organisation dès l'adolescence, et même auprès des enfants, qui leur permettent de grandir en tant que pilotes et d'atteindre la catégorie reine, alors que dans d'autres pays, cela semble plus difficile de se développer."

"On verra comment ça se passe", a encore ajouté Marini en référence à la suggestion d'Ezpeleta sur le fait de privilégier les trois meilleurs d'un pays donné, "mais si c'est le cas et qu'il faut être parmi les trois meilleurs pilotes italiens, ce n'est pas du tout un problème !"

"Franchement, c'est un sujet très difficile à gérer", a ajouté pour sa part Álex Rins, reconduit pour deux ans chez Yamaha, qui craint qu'une quelconque politique de quota impacte surtout défavorablement de jeunes pilotes prometteurs. "On a toujours dit que l'Espagne et l'Italie avaient de très bons pilotes, et c'est ce qui nous a amenés ici, en MotoGP, mais aussi en Moto2 et en Moto3. Contrôler ça… Je ne sais pas. Je crois que ça affectera davantage les jeunes pilotes qui arrivent en Championnat du monde que ceux qui y sont déjà."

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