Pol Espargaró : La saison 2018, celle des "émotions les plus fortes"
Au cours de sa collaboration avec KTM, mais même plus globalement de sa carrière, Pol Espargaró n'a pas connu de saison plus intense que celle de 2018, qui l'a vu plusieurs fois blessé mais finalement récompensé par un premier podium.

À l'approche de ses 30 ans, qu'il fêtera au mois de juin, Pol Espargaró a déjà disputé sept saisons dans la catégorie MotoGP. Sept ans d'un parcours qui n'aura pas été linéaire, entrecoupé par ces chutes qui sont le lot commun des pilotes. Ce fut le cas particulièrement en 2018, où la rudesse d'une discipline qui peut parfois mettre à rude épreuve les hommes s'est confrontée aux récompenses qui, en un instant, vous font oublier tous les sacrifices.
"Cette saison 2018 a été celle durant laquelle j'ai connu le plus de hauts et de bas au cours de ma carrière, et de loin !" raconte le pilote espagnol, arrivé chez KTM l'année précédente. "Après avoir commencé le projet de zéro en 2017, on a débuté cette année-là avec de plus grandes attentes, c'est normal. Et les résultats ont commencé à arriver, comme sur un tour le samedi en pneus neufs, un tour en EL4 sur un autre circuit, en réussissant à suivre un pilote pendant plus de deux tours…"
"En 2018, ces petits flashs ont commencé à apparaitre sur différentes pistes et c'était chouette parce qu'on a commencé à sentir que quelque chose était en train d'arriver. Particulièrement à Jerez, où l'on a toujours pas mal amélioré la moto. La moto arrivait et je le sentais. Et les gens ont commencé à nous regarder différemment de ce qu'ils faisaient en 2017. Mais ensuite, au milieu de la saison j'ai eu une énorme chute et je me suis blessé, puis j'ai été absent pour de nombreuses courses."
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C'est à Brno que s'est produit l'accident, lors du warm-up. Pol Espargaró s'y est fracturé la clavicule gauche, mais il souffrait surtout d'un trauma cervical ayant fait craindre initialement une fracture de la colonne cervicale et ayant conduit à une inflammation de la moelle épinière qui avait un temps inquiété. S'en sont alors suivi des semaines de souffrance et de doutes pour le pilote. "Souvent, je ne savais pas si j'allais pouvoir à nouveau rouler au même niveau parce que ma blessure était importante. Mais j'ai senti le soutien des gars du stand, du premier au dernier, ils m'ont tous transmis un énorme amour", se souvient-il.
De retour cinq semaines après cet accident, malgré une récupération qui n'était pas encore complète, au point qu'il allait devoir abandonner en course, épuisé, il s'est blessé une seconde fois au bout de deux semaines. Sa clavicule gauche, qu'il n'avait pas fait opérer le mois précédent, était à nouveau fracturée alors même qu'elle se consolidait seule du choc précédent. "Il y a eu des moments pas très agréables, mais cela montre très bien ce qu'est réellement la dureté de ce sport et à quel point il faut souffrir pour avoir du succès", pointe Mike Leitner, team manager.

"Cela fait aussi partie de notre sport de parfois voir nos pilotes, nos bébés, nos enfants, souffrir et c'est sans doute la partie la plus difficile du projet", renchérit Pit Beirer, directeur de KTM Motorsport. "On est plein d'énergie, on voit la moto arriver, il veut tout donner, et puis quelques minutes plus tard on est en train d'attendre devant le centre médical, on se demande comment ils vont le ramener depuis la piste et quel sera le résultat des radios. Ces moments-là non plus, je ne les oublierai pas."
"Je me souviens en particulier de ce jour à Brno où il a fallu aller au centre médical avec lui, et aussi en Aragón, deux fois", souligne l'Allemand, ajoutant aux souvenirs de 2018 celui de la fracture du poignet subie par son pilote un an plus tard au MotorLand. "On voit alors les mauvais côtés de notre sport, et on voit aussi à quel point ces gars sont des durs, les blessures qu'ils doivent encaisser. Pol, par exemple, quand il s'est blessé à la main en Aragón, il est allé se faire opérer et il est revenu avec une plaque grosse comme ça sur la main, mais il est remonté sur la moto et il a donné le meilleur de lui-même. Ce sont des moments très difficiles, mais cela montre aussi la relation que l'on a avec un athlète, car un retour comme celui-là on ne peut pas le faire pour de l'argent ou parce que c'est un job. Il faut aimer ce que l'on fait."
Après la peur, la délivrance
Cette année intense avait ensuite réservé une ultime très forte émotion au pilote catalan lors du dernier Grand Prix. Deux mois après la blessure d'Aragón, Pol Espargaró était en effet parvenu à décrocher le premier podium de sa carrière MotoGP, le premier également de KTM, une conclusion source de véritablement délivrance après une telle année.
"Quand je suis revenu, j'ai ensuite eu besoin de temps pour me remettre, mais ce podium à Valence pour la deuxième année de ce constructeur… vous pouvez imaginer ce que ça fait ! Si tôt, et même si c'était sous la pluie, peu importe, c'était quelque chose d'incroyable. Personne ne pouvait y croire, et pas même moi car quelques mois plus tôt j'étais dans mon lit, à ne pas pouvoir bouger, et là on était sur le podium à Valence à la dernière course de 2018. Ça a été un moment tellement incroyable pour moi, pour ma carrière, pour KTM, pour ce projet, pour tous ceux qui y travaillent. C'était tellement énorme ! Je n'aurais jamais imaginé ressentir des émotions aussi fortes."
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Au moment de quitter le groupe de Mattighofen, lors du Grand Prix du Portugal en novembre dernier, Pol Espargaró revenait avec émotion sur ce premier podium lorsqu'il était interrogé sur le moment le plus satisfaisant vécu durant ses quatre ans chez KTM. "Je vous dirais le premier podium à Valence, clairement. Pas tant pour le podium en lui-même, mais parce que je revenais de l'une des plus grosses blessures que j'ai jamais eues. C'était clairement le meilleur moment, pas forcément dans ce projet, mais même dans toute ma carrière", précisait-il. "Être Champion du monde a clairement été un grand moment, mais quand on sent qu'on est détruit et qu'on craint de ne pas pouvoir remonter sur la moto ou alors que ça ne sera pas pareil qu'avant, on sent cette peur au fond de soi de ne plus jamais pouvoir être rapide. Alors pouvoir obtenir cela quand on remonte sur la moto, c'était dingue."
Ces émotions apportées par les succès sont vécues d'une manière d'autant plus intense qu'elles viennent récompenser les efforts les plus douloureux fournis pour en arriver là, atténuant les souffrances connues précédemment et souvent partagées loin des caméras. "C'est ce qui construit au final la relation", estime Pit Beirer en évoquant les difficultés rencontrées au gré du parcours. "On part dernier de la grille et on chamboule cela jusqu'à se porter devant et en première ligne, mais entre les deux il y a des blessures. Il y a donc eu des moments émouvants, et cela a parfois été des montagnes russes, mais on a fini par voir que ça se construisait et que ça commençait à partir comme une fusée. C'est quelque chose de très spécial."


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À propos de cet article
Séries | MotoGP |
Pilotes | Pol Espargaró |
Équipes | Red Bull KTM Factory Racing |
Auteur | Léna Buffa |
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