Espargaró de la souffrance à la pole : "C'est déjà une victoire"

Pol Espargaró veut savourer sa pole au GP de Grande-Bretagne, restant conscient que le chemin sera encore long pour briller régulièrement avec la Honda. Le Catalan affiche des objectifs modestes pour la course, avec surtout l'espoir de gagner en expérience.

Pol Espargaro, Repsol Honda Team

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

En grande difficulté dans les dernières courses, Pol Espargaró est à la fête depuis le début du week-end à Silverstone. Les faibles températures associées à l'asphalte encore récent offrent un niveau d'adhérence très élevé dans lequel son style de pilotage peut pleinement s'épanouir.

C'est ainsi que l'Espagnol a signé sa pole, la première de Honda depuis 14 courses – la plus longue période de disette de la marque depuis la création du HRC sous sa forme actuelle en 1982 – et naturellement sa première au guidon d'une RC213V qu'il découvre dans la douleur cette année, après les deux conquises avec KTM l'an passé. 

Appelant déjà à la prudence après l'un de ses meilleurs vendredi de la saison, Pol Espargaró a la même approche de la course et ne se fait aucune illusion. Il s'attend même à être le pilote le plus en difficulté parmi ceux qui s'élanceront dans les deux premières lignes, n'ayant plus l'habitude de se battre pour ces positions. Le #44 considère surtout cette pole comme une parenthèse enchantée dans une phase de découverte difficile de la Honda.

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Cette pole arrive après un début de saison difficile. Quelle est ta sensation ?

Après toutes les difficultés dans les week-ends de course en Autriche, c'est un peu choquant d'être là. C'est difficile d'y croire. Il y a différentes façons de prendre les mauvais moments, avec tristesse ou colère. On a pris la deuxième option. J'ai essayé de faire un peu mieux tous les jours. J'ai travaillé énormément mais les choses ne s'assemblaient pas. C'est beaucoup plus facile ici. C'est sûr que la piste, le temps frais, le grip supplémentaire que l'on a ici, toutes ces choses m'ont aidé à piloter avec mon style et peut-être à oublier un peu nos problèmes avec la moto. C'est aussi un circuit favorable à Honda depuis plusieurs idées. Il faut profiter de cette journée. Demain sera un autre jour. Mais cette pole a le goût d'une victoire.

Quel est ton objectif pour la course ?

Je ne veux pas trop penser à demain, sincèrement. J'ai eu tellement de mal cette année, j'ai tellement souffert que je veux juste vivre le moment présent, ce qu'on a avec mes mécaniciens et mon équipe. C'est sûr qu'on va travailler pour demain mais je ne veux pas me projeter. Je veux juste profiter du moment. Carpe diem. C'est sûr qu'on fera de notre mieux en course mais il faut profiter. Je n'ai pas été à cette positon depuis longtemps et je pense que c'est mérité avec notre gros travail. Donc on verra.

Je suis dans un processus d'apprentissage sur cette moto, donc ça sera intéressant voir ce qu'ils font en course avec le réservoir plein, de suivre leur trajectoire, de voir ce qu'ils font pour être rapides dans cette phase où je souffre autant.

Pol Espargaró

Quelles seront tes sensations sur la grille ? Est-ce que tu va tout tenter en course ?

Les sensations seront très bizarres sur la grille. Ça sera comme un test, sans personne devant. Mais ça sera une sensation incroyable. J'ai eu énormément de mal, j'ai tellement souffert. Je pense que personne ne pourrait croire à quel point je me suis donné. Tout le monde s'entraîne énormément mais je connais mon histoire. Je souffre encore. Mais je me sens mieux ici, pour une raison ou une autre. J'ai pu construire ma confiance ici, ce qui a donné cette position sur la grille et c'est incroyable.

Demain, il faudra profiter d'être avec ces gars en course, et de voir ce qu'ils font. Ce n'est pas dans mes habitudes. Je suis dans un processus d'apprentissage sur cette moto, donc ça sera intéressant voir ce qu'ils font en course avec le réservoir plein, de suivre leur trajectoire, de voir ce qu'ils font pour être rapides dans cette phase où je souffre autant. Cette course entrera dans ce processus d'apprentissage mais ça sera aussi une journée pour profiter. Si je peux être avec eux quelques tours, ça sera fun.

Comment as-tu fait évoluer ton style de pilotage depuis ton arrivée chez Honda ?

J'ai des problèmes cruciaux sur cette moto par rapport à mon style de pilotage. Normalement, j'utilise énormément le frein arrière. Sur toutes mes motos, en 125cc et en Moto2, j'ai utilisé des disques différents de tous mes coéquipiers parce que je brûlais le disque. Chez KTM, j'ai fait pas mal travailler les gens de Brembo parce que je tapais dans le frein arrière. Chez Honda, on a des soucis de traction, surtout en entrée [de courbe] à l'arrière. Je n'ai plus la possibilité d'utiliser autant le frein arrière. C'est pour ça que je tombe aussi avec l'avant, c'est pour ça que j'ai aussi de mal à freiner. En sortie de courbe, j'ai beaucoup d'angle et ça patine beaucoup.

Ici, la situation est différente. Il y a beaucoup plus de grip qu'ailleurs. J'entends beaucoup de pilotes Ducati, Suzuki ou même mon frère se plaindre un peu du niveau d'adhérence. Pour nous, c'est l'opposée. Ça montre qu'on n'est pas dans une bonne situation si on est prend du plaisir quand les autres souffrent. Le souci, c'est que dans la plupart des autres courses, ils prennent du plaisir et on souffre. Finalement, on est arrivés ici ou au Mans, où on avait pas mal de grip et je pouvais profiter de mon style de pilotage : freiner tard, utiliser le frein arrière, tourner en milieu de courbe. je peux plus jouer avec mon style de pilotage. Ça me fait prendre du plaisir et je peux être plus fort et rapide.

Je pense que Marc ne sera pas content de me voir en pole position et lui cinquième, en deuxième ligne. Je sais qu'il va partir avec le feu dans les yeux, c'est sûr à 100%, on peut tous l'imaginer.

Pol Espargaró

Quelle est ta relation avec Marc Márquez ?

On a une bonne relation. C'est très bien d'avoir Marc dans le garage. Par exemple, aujourd'hui dans le premier relais [en Q2] j'ai fait un 1'59"6, ce que je considérais comme un bon chrono pour un premier tour rapide, mais j'ai demandé ce que Marc avait fait parce que son temps n'était pas affiché, et ils m'ont dit qu'il avait fait 1'59"3 et que ça avait été annulé. Donc je me suis dit "Ok, je pensais que c'était rapide mais ça ne l'était pas, Marc a été plus rapide de trois dixièmes". Ça m'aide à me pousser dans mes retranchements. Dans le deuxième relais, ce savais que je pouvais rouler dans la fenêtre basse des 1'59. Donc j'ai beaucoup plus poussé dans le deuxième relais et j'ai fait ce chrono. C'est important et c'est sympa de me battre avec quelqu'un aussi fort que Marc.

Quel pilote représente la principale menace parmi les pilotes de la deuxième ligne ? Jorge Martín, Marc Márquez, peut-être ton frère Aleix ?

Je pense que Marc ne sera pas content de me voir en pole position et lui cinquième, en deuxième ligne. Je sais qu'il va partir avec le feu dans les yeux, c'est sûr à 100%, on peut tous l'imaginer. Mais Fabio [Quartararo, auteur du troisième temps] est super fort, Pecco [Bagnaia, deuxième] est super fort, ceux des premières lignes sont super forts. Je ne peux pas en nommer un. Peut-être que je suis le moins bon en rythme de course dans les deux premières lignes, parce que je n'ai pas l'habitude de me battre avec eux. Je ne sais pas ce qu'ils vont faire en début de course. Je ne connais pas leurs compétences dans les premiers tours, même si je regarde les courses en boucle. Mais je ne sais pas où ils peuvent me doubler, je n'y suis pas habitué. Celui qui va le plus souffrir en début de course, ça sera moi, même si je vais partir de la première place. Je n'ai pas de mal à l'accepter. Mais ça sera amusant pour moi. C'est nouveau, donc je vais prendre du plaisir.

Ce résultat est-il le plus fort de ta carrière MotoGP ?

Chez KTM, on est partis de très loin, ce qui signifie que quand on était devant, on était très contents. Mais [rejoindre Honda] était l'un des changements les plus ambitieux de ma carrière : quand on arrive dans une équipe avec ces couleurs, les gens vous pointent du doigt. Je ne peux pas me plaindre quand on dit que j'ai un mauvais résultat : c'est naturel, c'est normal et je peux le comprendre. Mais ça a été dur, je peux vous le dire, et j'ai beaucoup souffert. Et je souffre encore. Ça ne va pas changer du jour au lendemain. Je ne serai pas en pole au prochain week-end [de course]. Je vais me battre, c'est dur. Ça peut peut-être un peu changer la situation dans le garage, ça peut apporter du positif aux gars et un peu d'oxygène aux Japonais, ils pourront travailler plus et trouver des solutions pour les situations plus difficiles. On va tout donner dans les week-ends. Je pense que cette journée va tous nous aider. Pour moi, c'est déjà une victoire, je ne me soucie pas de demain.

Quel a été ton plus gros accomplissement dans ton style et ton apprentissage depuis ton arrivée chez Honda ?

Ok, c'est une pole position et je suis très content, mais en fait ce n'est pas la pole position qui me réjouit, ce sont les sensations dans ce tour. C'est sentir que je mets en œuvre ce qui a fonctionné les dernières années. Je peux vous dire que Honda travaille énormément, autant que possible, mais avec le COVID, ce n'est pas facile entre le Japon et l'Europe, pour améliorer la moto et avec l'arrivée d'un nouveau pilote. Des pilotes sont arrivés et d'autres sont partis. Je sens un gros soutien de Takeo-san [le directeur technique], Alberto Puig [team manager de Repsol Honda] et de toute l'usine. Tout le monde essaie de m'aider. La sensation d'aujourd'hui, c'est une petite preuve que quand tout fonctionne, je peux peut-être le faire. Mais j'ai peut-être besoin de temps pour comprendre un peu plus la moto, ses limites et ne pas tomber autant dans les time-attack, et Honda doit comprendre ce dont j'ai besoin pour être plus rapide. Les deux parties travaillent énormément et je sens le soutien de Honda, de cette équipe fantastique autour de moi et j'apprécie vraiment ça.

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