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Pol Espargaró a eu le "trac" quand il a senti que KTM pouvait gagner

La course de Brno a fait naître une tension particulière chez Pol Espargaró, puisque c'est là qu'il a cru pour la première fois à la victoire avec la KTM, sans savoir si cela se reproduirait. Le pilote espagnol assure qu'il n'est pas amer de quitter la marque sans succès, alors que Brad Binder et Miguel Oliveira ont gagné avec la même machine cette année.

Pol Espargaro, Red Bull KTM Factory Racing

Photo de: MotoGP

KTM a changé de dimension cette année en MotoGP. Habituée à considérer un top 10 comme un résultat satisfaisant, la marque autrichienne s'est régulièrement invitée dans la lutte pour les premières places en 2020, s'offrant ses trois premiers succès dans la catégorie, grâce à Brad Binder et Miguel Oliveira, mais aussi ses trois premières poles, conquises par Oliveira et Pol Espargaró. Ce dernier, présent dans l'équipe officielle depuis qu'elle a fait ses débuts dans la catégorie en 2017, a été l'un des principaux artisans de cette progression, année après année.

Face à des constructeurs très expérimentées, la première campagne a logiquement été difficile, avec seulement deux arrivées dans les dix premiers pour le pilote catalan, avant une saison 2018 qui l'a vu monter sur le podium pour la première fois, sur le circuit de Valence, en conclusion de la saison. Cette lente progression a continué son chemin en 2019, avec huit top 10 en course pour Espargaró, mais ce n'était rien en comparaison de ce qui l'attendait cette année. Craignant d'abord de ne pas pouvoir rouler en raison de la pandémie de coronavirus, le #44 a rapidement pris conscience qu'il pouvait enfin jouer les premiers rôles au guidon de la RC16.

"La saison 2020 a clairement été folle à tous les niveaux", retient Espargaró, surpris par la progression de sa moto : "Les émotions ont connu des hauts et des bas toute l'année, d'une manière dingue à laquelle je ne me serais jamais attendu. À commencer par le moment, avant la saison, où l'on s'est dit qu'il n'y aurait peut-être pas de championnat, et puis quand on a enfin commencé on a senti que la moto était capable de réaliser quelque chose de vraiment génial. Tout le monde [chez KTM] avait confiance dans le fait qu'on puisse faire des podiums, des pole positions, gagner des courses, mais d'un autre côté on n'y croyait pas tant que ça parce qu'on n'y était jamais arrivé. Quand la saison a commencé à Jerez, on a fait un bon résultat et on s'est dit que ça n'était pas mal et qu'on pourrait peut-être faire quelque chose de super cette année."

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Sixième de cette manche d'ouverture de la saison puis septième une semaine plus tard, lors du second Grand Prix sur le circuit andalou, Espargaró a senti une évolution encore plus nette dans la course suivante, à Brno. Présent dans le top 8 de toutes les séances d'essais, et même deuxième des EL4, le pilote s'est qualifié au sixième rang, nourrissant pour la première fois l'espoir de jouer la victoire, ce qui a fait naître une tension inédite au sein de l'équipe KTM.

"On a été incroyablement performants pendant tout le week-end. On n'arrivait pas vraiment à y croire ! Le samedi, on avait le rythme pour gagner la course, en qualifs j'ai vu un drapeau jaune mais sinon mon chrono m'aurait placé deuxième sur la grille. Après, j'étais avec mon chef mécano et on se disait 'C'est possible… On est en passe de gagner la course, on peut se battre pour la victoire !' On n'avait jamais eu ce sentiment. Et le trac avant la course était particulier parce que c'était la première fois qu'on avait l'opportunité de vraiment se battre pour le podium ou la victoire dans des conditions normales face aux autres, dans des conditions vraiment parfaites puisque toutes les motos et tous les pilotes étaient au plus haut niveau, tout le monde à fond."

Le dénouement a pourtant été amer pour Pol Espargaró, quatrième dans les premiers tours mais à terre avant le cap de la mi-course, à la suite d'un contact avec Johann Zarco, jugé responsable de l'incident et pénalisé par un long lap polémique. C'est depuis le paddock qu'Espargaró a finalement vu son équipier, Brad Binder, enchaîner les dépassements et devenir le premier pilote à faire triompher la KTM en MotoGP. "On a commencé la course et j'ai vu ma chance si proche que j'ai essayé de ne pas attaquer au début, de garder mon calme pour attaquer à la fin. J'ai vu que Brad était très fort et je me suis dit qu'on pouvait y arriver. 'C'est ma course et on peut gagner ici !' Malheureusement, un autre pilote m'a fait tomber et je n'ai pas pu finir cette course, mais mon coéquipier a gagné la course."

Ce week-end tchèque a été difficile à accepter pour Pol Espargaró. Ayant vu KTM grandir au fil des saisons, le pilote espagnol a dû faire face à la frustration de ce pas être celui qui offrait à la marque son premier succès, mais il a su se réjouir de celui conquis par son équipier.

"J'étais très en colère, non pas parce qu'à ce moment-là c'était mon coéquipier qui gagnait et non moi, mais parce que je n'avais pas pu faire mes preuves. Pendant mes quatre années avec KTM j'avais attendu cette fin de course, pour me battre pour la victoire, et au final ne pas être en mesure de finir cette course, ça a été très douloureux. D'un autre côté, quand je suis venu au stand pour faire la photo d'équipe pour la première victoire de KTM j'ai vu le bonheur de tous les gars dans le garage, des gens qui ont vraiment souffert dans les mauvais moments comme Sebastian Risse [directeur technique], Mike Leitner [team manager], tous ceux qui sont impliqués dans ce projet. Ils savouraient tellement la victoire de Brad, que même si j'étais très en colère d'un côté, d'un autre côté j'étais super heureux. C'était une sensation énorme."

J'ai vu [Brno] comme la seule opportunité que j'aurais pu avoir de gagner cette année.

Pol Espargaró

Le Red Bull Ring a offert deux nouvelles possibilités de briller à Espargaró. Le premier week-end, le pilote KTM menait au moment où l'accrochage entre Johann Zarco et Franco Morbidelli a provoqué le drapeau rouge. En pole pour le deuxième départ, Espargaró a perdu des positions et a finalement heurté Miguel Oliveira, provoquant son abandon ainsi que celui du pilote portugais. Une semaine plus tard, sur le même circuit, il a signé sa première pole et il était en tête à l'entame du dernier virage, avant d'être ralenti par une attaque de Jack Miller et de voir Oliveira plonger à l'intérieur pour s'imposer.

Même si cette victoire tant attendue lui a encore échappé, à nouveau au profit d'un autre pilote KTM, Pol Espargaró a été rassuré par ces courses en Autriche car jusque-là, rien ne garantissait que son équipe serait capable de retrouver le niveau affiché en République Tchèque.

"J'ai vu [Brno] comme la seule opportunité que j'aurais pu avoir de gagner cette année", reconnaît-il. "Mais l'Autriche est arrivée, et encore une fois on a eu cette opportunité à la première course. Il y a eu le drapeau rouge, mais on aurait pu gagner la course. Et à la deuxième, je me suis battu pour la victoire jusqu'au bout. Au final, OK, je n'ai pas gagné cette année, mais à la deuxième course en Autriche j'ai pu aller au bout et j'ai ressenti ce que je n'avais pas eu en République Tchèque, où je n'avais pas pu me battre pour la victoire. Au final ça a payé et ça m'a permis de trouver ce calme que je cherchais." 

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Ce calme n'est pas arrivé immédiatement puisqu'après le Red Bull Ring, Espargaró restait frustré, craignant toujours que la forme de sa machine soit passagère, mais il pu décrocher quatre nouveaux podiums, dans le premier rendez-vous de Misano, au Mans, puis dans les deux courses de Valence, où il a également signé sa seconde pole en MotoGP. La deuxième partie de saison n'a cependant pas été parfaite, une troisième chute, à Barcelone, venant ternir le bilan. Sans victoire à son palmarès, Espargaró n'a certes pas conquis le Graal mais il y a quelques mois, avant l'entame de cette campagne 2020, il était loin de s'imaginer en mesure de prétendre à de si bons résultats.

"Cette année a été incroyable, même si je n'ai pas décroché ces victoires qu'ont obtenues mes coéquipiers. On a fait cinq podiums et deux pole positions… Il n'y a que Stefan Pierer [PDG de KTM] qui pouvait penser que c'était possible, parce qu'il est toujours en avance sur nous ! Le reste de l'équipe ne pouvait pas imaginer que c'était possible. J’en suis plus qu'heureux. Ça a été un rêve devenu réalité, après qu'on a pensé ne pas pouvoir courir cette année à cause du COVID-19. Je ne pourrais donc pas être plus reconnaissant pour ces moments et le travail accompli par tous ces gars pendant ces années."

Espargaró ne regrette pas de quitter KTM sans succès

Cette saison qui a vu KTM éclore au premier plan a aussi été la dernière de Pol Espargaró avec la marque, le pilote ayant décidé quelques jours avant le début de la saison de se lancer dans une nouvelle aventure en 2021, en devenant l'équipier de Marc Márquez chez Repsol Honda. Celui qui a été le porte-étendard de KTM pendant cinq saisons assure que quitter la marque sans victoire n'est "pas tant" douloureux, préférant un bilan global satisfaisant à un succès isolé qui ne reflèterait pas le véritable niveau de sa moto.

"Je promets que je ne mens pas", garantit Espargaró. "Ce n'est pas ce que je recherchais chez KTM. Évidemment, je voulais gagner. Beaucoup de journalistes m'en ont parlé dans les débriefings et en conférence. Évidemment, j'ai toujours voulu gagner, je prends toujours la piste avec une mentalité de vainqueur, mais ça ne se fait pas toujours. Quand on voit les résultats de [Joan] Mir, il est Champion du monde après avoir gagné une seule course. La victoire n'est pas toujours ce qu'il faut. Parfois, il est plus important de prendre des connaissances, d'enchaîner les résultats. Si on regarde toute la saison, avec cinq podiums, ce sont cinq jours où on était super heureux. Peut-être qu'avec une victoire, il n'y aurait eu qu'une journée."

"Il y a eu deux pole positions. Il ne m'a rien manqué. Il aurait fallu que je vois l'arrivée en République Tchèque, parce que je pense que j'étais très bon et que je pouvais gagner cette course, mais à part ça, je n'ai pas de regrets. J'ai fait de mon mieux et si la victoire n'est pas venue, c'est parce que je ne la méritais pas ou que je n'ai pas fait la bonne manœuvre au bon moment. C'était souvent hors de notre contrôle. Les deux dernières fois où on a joué la victoire, c'est à cause de nos erreurs qu'on n'a pas gagné, donc je n'ai pas de regrets. Je suis content de moi et très heureux de ce qu'il s'est passé." 

Avec Léna Buffa

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