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Poncharal pressent une crise plus dure et plus longue qu'en 2008

Le patron de l'équipe Tech3 porte un regard réaliste sur l'impact de la pandémie qui a mis le MotoGP à l'arrêt et estime que ses effets se feront sentir pendant probablement trois saisons. Le mot d'ordre est clair : il faut s'adapter.

Miguel Oliveira, Red Bull KTM Tech 3

Miguel Oliveira, Red Bull KTM Tech 3

Gold and Goose / Motorsport Images

Hervé Poncharal estime que les turbulences que va traverser le MotoGP seront plus lourdes et plus durables que lors de la crise économique de 2008. Le patron du team Tech3 et directeur de l'association des équipes (IRTA) s'attend à une perte de revenus en provenance des sponsors et à ce que les acteurs des Grands Prix soient contraints de trouver des solutions pour maintenir la performance et un show de qualité avec des coûts moindres à moyen terme.

"Cet arrêt nous a fait réfléchir. Je ne veux pas dire que ça ne sera plus jamais pareil, mais nous devons nous adapter, nous ne savons pas exactement de quoi sera fait l'avenir", commente-t-il dans le dernier numéro de GP Round Table. "Une chose que nous savons avec certitude c'est que la situation économique sera très difficile en 2020, 2021 et même 2022. Nous allons perdre des sponsors et nous comprenons pourquoi. Nous allons avoir moins de budget pour créer le spectacle, c'est clair, alors il faut réfléchir, être proactif et nous préparer. Nous avons déjà mis en place des mesures par le passé, car nous avons déjà traversé des crises, mais je pense que celle-ci est plus dure et qu'elle durera un peu plus longtemps."

"Pour le moment, il s'agit de tous survivre, d'essayer de recommencer à courir, de voir si l'on peut toujours avoir le même nombre de personnes qui peuvent venir sur les courses dans un avenir proche, combien de sponsors nous allons perdre, combien de sponsors ne vont pas partir mais vont dépenser la moitié de ce qu'ils dépensaient avant. Pour le moment, il s'agit clairement d'essayer de survivre, d'avoir un concept économique viable", prévient le patron français.

Nous allons perdre des sponsors et nous comprenons pourquoi. Nous allons avoir moins de budget pour créer le spectacle. Il faut réfléchir, être proactif et nous préparer.

Hervé Poncharal

La première mesure pour tenter d'endiguer les pertes a été de geler le développement dès à présent, avec une suspension de l'évolution des machines qui s'articule en deux phases. Dans un premier temps, les six constructeurs MotoGP devront s'en tenir pour toute la saison 2020 au moteur et au pack aéro homologués, sans pouvoir faire évoluer le bloc comme auraient pu le faire les marques bénéficiant des concessions réglementaires, ni introduire de seconde option aéro, ce qui étaient normalement consenti à tous. Ensuite, la saison 2021 débutera avec des machines toujours inchangées, et seuls KTM et Aprilia pourront retrouver leur liberté de développement une fois le championnat lancé, les autres marques ne disposant que de la seconde option aéro.

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Ces mesures vont-elles heurter les marques qui ont le plus besoin de faire progresser leur machine ? "Je pense que cela va toucher tout le monde", pressent Hervé Poncharal. "Cela a été une décision unanime. Je pense que les constructeurs de pointe ont moins souffert de la crise, car ce sont des compagnies vraiment mondiales alors que les marques européennes ont comme marché principal l'Europe et les USA, qui sont les plus touchés par la situation. Mais à un moment donné, quand il faut choisir entre faire faillite et perdre trois ou quatre dixièmes au tour, je pense que l'on choisit de sauver l'entreprise. Nous le comprenons tous."

Moto unique et GP de deux jours : de mauvaises solutions

Lors de la crise de 2008, le MotoGP avait trouvé des solutions appropriées pour s'en sortir, grâce à des modifications de règlement qui ont permis, sur la durée, de conserver un plateau solide. Cette fois encore, le championnat va devoir se réinventer et les propositions n'ont pas manqué dernièrement, notamment lors des réunions des six constructeurs qui ont rythmé les deux mois de confinement.

"Je pense que l'on ne prépare pas l'avenir en utilisant toujours les mêmes recettes", prévient toutefois Hervé Poncharal, opposé à deux des options évoquées, à commencer par celle de Ducati qui a milité pour que les équipes MotoGP ne disposent plus de moto de rechange. "Pour moi, c'est un non-sens absolu", assure le patron de Tech3, convaincu que cette solution irait à l'encontre d'un format actuel "qui fonctionne bien", avec notamment la possibilité de flag-to-flag en course ou l'enchaînement rapide entre EL4 et qualifications.

"Qu'économise-t-on en n'ayant qu'une seule moto ?" poursuit-il. "Moins de tours ? Ce n'est pas vrai, car le nombre de tours par séance en Moto2 et en Moto3 est très similaire, pratiquement le même. Des pièces de rechange ? Non, parce que si vous détruisez votre moto, vous en apportez une autre qui est en pièces détachées dans le camion. Des coûts de fret ? Non, car vous continuez à voyager avec toutes les pièces de rechange. Moins de mécaniciens ? Je n'en suis pas si sûr, car si vous détruisez votre seule moto, vous devez la reconstruire en très peu de temps ; déjà, cela pourrait poser un problème de sécurité parce que le team travaille trop vite sans contrôler ce qu'ils doivent contrôler, et puis il faut en réalité beaucoup de monde pour reconstruire la moto."

"Et le dernier point : est-ce que les pilotes vont attaquer de la même façon avec une seule moto, en sachant que s'ils tombent leur week-end est peut-être fini ? Regardez ce que Márquez a parfois fait ! Nous voulons que les pilotes poussent à la limite, qu'ils n'aient rien à l'esprit qui les retienne pour aller au maximum de leur potentiel et de celui de la moto. Pour moi, ce n'est donc pas une bonne idée."

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Autre hypothèse souvent évoquée, celle de réduire les Grands Prix à deux jours au lieu de trois. Là aussi, il s'agirait selon Hervé Poncharal d'un gain mineur au vu de la perte que cela engendrerait. "C'est quelque chose qui revient dès qu'il y a un problème", constate-t-il. "Parfois, on a l'impression qu'on marche sur la tête. Si l'on arrive un jour plus tard, il n'y aura que deux séances pour préparer la course, il y aura des problèmes de météo et qu'allez-vous économiser ? Vous payez de toute façon le personnel sur une base annuelle, vous payez les voyages et ils seront inchangés. Alors qu'épargnez-vous ? Une nuit d'hôtel, deux repas qui sont très souvent pris à l'hospitality et sur la base d'un arrangement avec votre sponsor, peut-être quelques pièces de rechange mais presque rien."

"Je pense clairement que le format sur trois jours convient aux médias, le week-end gagne en pression et en intérêt au fil du temps, et puis beaucoup de spectateurs arrivent le jeudi soir ou le vendredi. Je ne soutiens pas cela. Mais nous devons trouver des solutions pour être économiquement moins cher et pour conserver le spectacle tel qu'il est. Nous devons y travailler, il pourrait y avoir des idées, mais ces deux idées, personnellement, je ne les soutiens pas", conclut Hervé Poncharal.

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