Polémique sur les pressions : Bagnaia s'agace, Quartararo le défend

Pecco Bagnaia dément toute tricherie après avoir disputé le GP d'Espagne avec une pression de pneu avant sous la recommandation faite par Michelin. De nombreux pilotes abondent dans son sens sur cette question sensible, dont Fabio Quartararo.

Francesco Bagnaia, Ducati Team

Photo de: Dorna

Après le Grand Prix d'Espagne, Motor Sport Magazine a révélé que Pecco Bagnaia avait disputé plus de la moitié de la course avec une pression de pneu avant inférieure aux recommandations faites par Michelin. Le règlement précise que les pilotes dans cette situation sont "sujets à des pénalités" mais Bagnaia n'a été menacé à aucun moment en raison d'un gentleman agreement entre la MSMA (l'association des constructeurs) et Michelin prévoyant l'absence de sanctions sur cette question.

Interrogé en conférence de presse au Mans ce jeudi, Pecco Bagnaia a démenti toute volonté de triche, soulignant le fait que de nombreux pilotes ont roulé avec des pressions en dessous des recommandations cette année : "J'ai lu que j'étais dans une situation illégale mais ça voudrait dire que depuis le début de la saison, 18 pilotes étaient dans une situation illégale", a déclaré le vainqueur du GP d'Espagne. "Aucun d'entre eux n'a été pénalisé. On parle pour rien."

"Si on demande aux pilotes qui sont [en conférence de presse], je suis assez certain qu'ils seront d'accord avec moi parce que c'est très difficile. C'est plus facile [de gérer la pression du pneu] arrière. C'est plus compliqué à l'avant, Michelin donne juste un conseil pour la pression et elle n'est pas obligatoire. C'est plus critique et difficile quand on a une pression plus haute [que la recommandation] plutôt que plus basse, et j'ai fait la course de Jerez entre 1,55 [bar] et 1,59, donc ça ne change pas beaucoup les choses."

Lors de sa rencontre avec les journalistes, Bagnaia s'est ému que cette question censée rester confidentielle ait été révélée et comme en début de saison, il s'est agacé de voir les performances de sa Ducati particulièrement scrutées : "Je trouve gênant qu'on ne sache pas qui a divulgué un document confidentiel. J'espère que le coupable sera découvert parce que ce fait-là est plus grave que ce qu'il semble. Michelin avait souligné que ces données ne doivent pas sortir. Peu importe que ça soit arrivé après ma victoire, on sait quelle est la vérité et Ducati est toujours observé de près."

Pourquoi certains pilotes ont des pressions basses ?

Si certains pilotes roulent parfois avec une pression inférieure à celle prévue par Michelin, c'est parce que leurs équipes cherchent à se prémunir d'une augmentation de la pression, synonyme de perte de performance puisque dans cette situation, la surface de contact du pneu et l'adhérence se voient réduites.

Après le GP d'Espagne, de nombreux pilotes se sont justement plaints d'une température trop élevée de leur gomme avant, après avoir enchaîné les tours dans le sillage de motos dégageant une forte chaleur. Afin d'anticiper ce problème potentiel, des pilotes peuvent donc prendre le départ avec une pression basse, sachant que cette dernière grimpera vite dans le trafic.

"La pression du pneu peut être tellement limite que si on mène toute la course, on ne va pas atteindre le niveau minimum", a expliqué Jack Miller. "Si on est derrière quelqu'un à un moment, on est à l'objectif [minimum], mais si on mène puis qu'on se retrouve derrière quelqu'un, la pression dépasse le plafond, on ne peut plus freiner ni tourner, donc c'est difficile. C'est ce qui peut arriver parfois et, surtout si on mène du début à la fin, on ne reçoit pas d'air chaud sur [le pneu]. Et évidemment, la moto est préparée pour ça, donc c'est difficile, parce que si [Bagnaia] s'était retrouvé derrière quelqu'un, la pression aurait augmenté."

Jack Miller, Ducati Team

"Ce n'est pas que nous essayons d'avoir un avantage, nous essayons juste de rouler dans la bonne fenêtre et le déroulement de la course déterminera si on sera dans cette fenêtre ou pas", a justifié le pilote Ducati. "C'est aussi simple que ça, ce n'est pas [volontaire]. Évidemment, on le fait pour avoir un avantage dans les performances, mais c'est plus en prévention d'un désavantage de performance [...] parce qu'une différence de pression de 0,1 ou 0,2 bar, ça peut être le jour et la nuit."

Pecco Bagnaia a confirmé que la physionomie de la course a une forte influence sur l'évolution de la pression du pneu : "C'est assez clair, on définit une pression en se disant aussi que si on part dedans, on aura la possibilité de ne pas atteindre cette pression. Si on est derrière, c'est sûr que cette pression va augmenter. C'est dur à prédire, ce n'était pas facile sur un circuit comme Jerez, où il faisait chaud. C'est un travail difficile pour le chef mécanicien."

Ducati n'est pas isolé sur cette question et les pilotes présents en conférence de presse ont tous abondé dans le sens de Bagnaia, à l'image d'Aleix Espargaró et Marc MárquezFabio Quartararo a lui aussi contribué à éteindre la polémique en confiant qu'il s'était retrouvé dans la même situation une semaine plus tôt, quand il faisait cavalier seul à Portimão.

"On cherche à avoir la [pression] la plus basse possible mais quand on est derrière, c'est l'inverse, ça monte beaucoup", a précisé le Français. "Il m'est arrivé la même chose au Portugal, je pense que j'étais aussi en dessous [de la pression recommandée]."

Comment va évoluer la situation ?

Malgré les explications des pilotes, l'idée d'encadrer plus précisément les pressions de pneus est évoquée, principalement pour des questions de sécurité, une pression trop basse étant susceptible de fragiliser le pneu. Les pilotes s'interrogent sur le sujet et Jack Miller pense qu'imposer un cadre trop strict serait contre-productif : "Ça va compliquer les choses, c'est une complication dont je ne pense pas qu'on a particulièrement besoin", a justifié l'Australien.

Après avoir ressenti la montée en température, et donc en pression, de son pneu avant au GP d'Espagne, Aleix Espargaró se dit favorable à un règlement plus clair mais ignore comment poser un cadre adapté puisque les pressions de pneus évoluent selon les circonstances de course.

"Je pense qu'il serait juste de déterminer une limite mais il faudrait que tout le monde soit à armes égales", a expliqué le pilote Aprilia. "C'est très difficile, sincèrement, pour les équipes, mais aussi pour Michelin, car comme Pecco et Fabio l'ont dit, que peut-on faire ? Par quoi commence-t-on ? Comment savoir si on aura le champ libre ou si on suivra trois motos ? C'est assez difficile."

Johann Zarco, Pramac Racing

Johann Zarco balaie quant à lui la question de la sécurité et espère qu'une certaine marge sera laissée aux équipes : "S'ils mettent une limite, il faudra ouvrir un peu plus l'amplitude [de la recommandation]", a précisé le Provençal. "Ils donnent une amplitude sous forme de conseil mais peut-être qu'ils pensent à la sécurité. Je pense qu'on a de la marge vis à vis de la sécurité, on est très loin des problèmes, on n'atteint pas le niveau trop bas. Je ne pense pas que ça provoquera des problèmes de sécurité à l'avenir."

Dovizioso favorable à un cadre plus strict

Le consensus n'est pas total chez les pilotes et l'un des rares avis dissonants est venu d'Andrea Dovizioso. Le vétéran du plateau s'est étonné que les pressions soient officiellement encadrées mais qu'aucune sanction ne soit appliquée, et appelle donc à une clarification pour les saisons futures.

"Il y a une règle mais il n'y a pas de pénalités, donc vous pouvez presque faire ce que vous voulez actuellement. Je ne pense pas que le fait que ça soit faisable soit juste et je pense qu'il faut une règle. Je sais qu'ils travaillent pour gérer ça. Selon moi, il y avait une chance d'avoir une règle dès cette année mais quelque chose s'est passé, je ne sais pas quoi, et ça ne s'est pas fait. Quand on a commencé la première course et que la règle a dit qu'il n'y avait pas de pénalité, c'était fini, il n'y avait pas de raison d'en parler."

Dovizioso estime qu'un règlement strict serait bénéfique à chacun et permettrait d'effacer tous les doutes : "Ce n'est pas que c'est meilleur pour moi ou pour certains constructeurs, mais c'est meilleur pour le championnat. Je pense que c'est quelque chose qui peut affecter la course, c'est pour ça qu'on a besoin d'une règle. On essaye d'être justes et de gérer la situation et ça doit être clair et la même chose pour tout le monde. Déjà cette année ça aurait été bien de l'avoir mais ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas."

Avec Léna Buffa et Charlotte Guerdoux

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