À quel besoin le MotoGP veut-il répondre avec les courses sprint ?
Le MotoGP vivra un changement d'ère en 2023 en instaurant la tenue de courses sprint à tous les Grands Prix. Une mutation que le championnat veut bénéfique pour la fréquentation des circuits, l'image des équipes tout autant que la clarté sportive.
L'annonce, le week-end dernier, d'un changement de format des Grands Prix MotoGP afin d'intégrer une course sprint à partir de la saison prochaine a provoqué bien des réactions et engendré des commentaires tantôt très enthousiastes, tantôt très critiques. Au-delà de la manière dont le projet s'est matérialisé, avec un manque de consultation qui a manifestement pu vexer les pilotes, c'est son fondement même qui a pu interroger. Le MotoGP, dont la popularité s'est étendue ces dernières années, a-t-il besoin d'une révolution ?
Format, grille, barème : le détail des courses sprint MotoGP
Contrairement à ce que peuvent laisser penser les chiffres de fréquentation du dimanche, les Grands Prix considérés comme des événements qui s'étalent sur trois jours conservent une marge d'amélioration, et c'est d'abord là que le MotoGP pense avoir à gagner en instaurant ce changement d'approche des week-ends. Actuellement, l'activité des pilotes débute le jeudi après-midi (avec des rendez-vous médiatiques) puis le roulage commence le vendredi matin, mais l'intégralité du week-end tend vers un moment culminant, celui du dimanche après-midi.
Si la journée du dimanche est logiquement celle qui attire le plus grand nombre de spectateurs sur les circuits, et bien que de grandes disparités existent d'un Grand Prix à l'autre, l'augmentation de l'affluence au fil du week-end se révèle parfois très brusque sur certaines pistes, au lieu de s'échelonner de façon progressive. La journée du vendredi, mais parfois aussi celle du samedi, sont délaissées par les fans. Si l'on prend en compte la saison en cours, ce fut par exemple le cas à Assen où 104 244 spectateurs se sont déplacés le dimanche (presque autant qu'au Mans, qui détient le meilleur chiffre) mais seulement 30 480 le samedi et 23 574 le vendredi (2,1 fois moins qu'au Mans). À ce stade, seuls trois Grands Prix sur les 12 dont la fréquentation est connue ont dépassé 40 000 entrées le vendredi et 60 000 le samedi, des chiffres atteints et parfois très largement dépassés le dimanche − à l'exception du GP du Qatar, dont le nombre de spectateurs très anecdotique est un cas à part chaque année.
La Dorna part donc de l'idée que la construction des week-ends doit être changée afin de renforcer l'intérêt des deux premières journées. "Nous pensons que le MotoGP est déjà en grande forme, avec un grand spectacle tous les dimanches, et cela ne fera qu'aider à rendre les samedis et les vendredis encore meilleurs", estimait ainsi Carlos Ezpeleta, directeur sportif auprès du promoteur, en décrivant le projet au moment de son annonce. "C'est quelque chose dont les promoteurs des épreuves nous ont parlé parce qu'ils font déjà le plein la plupart des dimanches. Il est certain qu'il y aura ainsi plus de monde le samedi et le vendredi."
"Les dimanches se font plus ou moins à guichets fermés sur la plupart des circuits, ou l'ont été ces dernières années, mais cela va créer plus d'attention pour le samedi, tant pour les fans au circuit que pour les fans à la maison", précise-t-il dans une interview explicative donnée sur la chaîne Twitch du championnat. Et l'Espagnol y croit d'autant plus qu'il est convaincu de l'excitation engendrée par des épreuves courtes : "Les courses sprint sont quelque chose que tous les fans attendent. Chaque fois qu'il y a un drapeau rouge et un restart pour dix ou 15 tours, on entend les commentateurs dire que tout le monde se connecte car il va y avoir une course d'un format court !"
Une tribune à Assen pendant les EL3 du Grand Prix des Pays-Bas
Les spectateurs ne sont pas le seul public visé en cela, et le grand patron Carmelo Ezpeleta l'a résumé très franchement en décrivant son souhait de générer un regain d'intérêt, auprès de tous les publics cibles : "L'objectif à atteindre est de générer plus d'intérêt pour le championnat à la télévision, sur les circuits et dans l'opinion générale."
La Dorna espère aussi toucher les audiences télévisées, alors que plusieurs pays déplorent une baisse depuis le passage à des chaînes payantes. Ce nouveau format peut "clairement" résoudre ce problème, selon le PDG de Dorna Sports. "Nous parlons aussi avec les télévisions et elles sont toutes absolument en faveur de ce format", assure-t-il. Le directeur sportif de la Dorna voit d'ores et déjà "une pression plus forte le vendredi" et "un samedi plus puissant" sur lesquels le MotoGP cherchera indéniablement à communiquer.
Un week-end plus bénéfique et plus clair
Le championnat promet par ailleurs aux équipes qu'elles tireront des bénéfices de ce nouveau planning, en termes d'image et de business. D'une part, car les séances du vendredi seront rallongées. "Cela nous permettra d'offrir du temps de télévision à toutes les équipes", observe Carlos Ezpeleta, "car en 45 minutes, compte tenu de notre discours narratif en tant que championnat, il est difficile de donner du temps à chaque équipe. Avec des séances rallongées, nous aurons plus de temps."
Quant au fait d'organiser deux courses par week-end, cela doit aussi offrir aux équipes plus d'opportunités en affaires. "[Ce seront] deux grilles pour leurs invités. Les équipes auront avec leurs invités et sponsors, ce qui correspond à un business important pour eux, un week-end riche en action ; un vendredi très fort, un samedi extrêmement fort et un dimanche qui le sera toujours autant."
D'un point de vue purement sportif, les instances souhaitent aussi corriger les points jugés perfectibles dans le déroulement du week-end tel qu'il est pensé aujourd'hui. À l'importance décuplée des qualifications, qui engendreront deux grilles de départ et non plus une, s'ajoute un désir de clarté en réunissant sur une seule journée les séances comptant pour l'accès à la phase décisive des qualifications. Les EL1 et EL2 changeront même probablement de nom pour être appelés "essais" et non "essais libres" compte tenu de leur poids dans les qualifications. "À la fin de la journée du vendredi, les fans auront une connaissance plus précise de qui a le meilleur rythme de course, qui fait les meilleurs chronos en vue des qualifications, mais surtout qui va directement en Q2 ou pas. Dès le vendredi après-midi, les médias et les fans auront donc les gros titres", anticipe Carlos Ezpeleta.
C'est aussi dans ce but que les courses sprint sont instaurées lors de tous les week-ends, le promoteur cherchant à garantir une compréhension simple des Grands Prix, mais aussi l'équité qui aurait été remise en question si seules certaines pistes avaient été choisies pour accueillir deux courses. Le projet d'ensemble pensé par le MotoGP va donc à l'encontre de ce qui se fait en Formule 1 ou en WorldSBK notamment, avec une volonté de distinguer qualifications et courses en ne liant pas la grille de départ du dimanche au résultat de la course sprint.
Rapprocher les "héros" de leurs fans
Les instances promettent que le changement de format à venir n'a pas encore dévoilé tous ses secrets, et que la clarification prochaine des horaires dévoilera une bonne surprise pour les spectateurs, la course sprint étant décrite comme la partie émergée de l'iceberg. "Cela fait partie d'un changement plus grand pour le championnat, quant à la philosophie et la manière dont nous voulons rapprocher les pilotes des fans, quelque chose sur lequel nous travaillons et que nous espérons annoncer bientôt", explique Carlos Ezpeleta.
Pitwalk au Grand Prix d'Argentine
Rapprocher les pilotes des fans, voilà ce que tenterait de réaliser la Dorna en profitant des créneaux libérés le samedi (entre les qualifications du matin et la course sprint de 15h) ou le dimanche matin (le warm-up devrait disparaître). "Nous aurons probablement une plus longue pause le samedi durant laquelle nous essaierons de rapprocher les pilotes des fans et des télévisions, faire que nos héros soient plus accessibles", explique Carlos Ezpeleta.
"Lorsque vous verrez le programme complet, vous verrez qu'il y aura énormément d'interactions avec le public, les médias", indiquait déjà Hervé Poncharal lors de la conférence de presse donnée le week-end dernier. "Il y a beaucoup plus de choses en plus de la course sprint, qui est l'élément principal que l'on peut voir de l'extérieur. L'idée est de remuer le format, de le rendre plus excitant et interactif avec les médias et les fans. Tant que le programme final n'est pas fixé, nous ne pouvons pas en dire tellement."
"Si on n'avance pas, on recule. Même si notre show est formidable, peut-être le meilleur, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de marge d'amélioration. Il y en a une", a assuré le président de l'IRTA, convaincu que chacun, à son niveau, finira par se laisser convaincre du bien-fondé de ce premier changement de format en dix ans. La Dorna promet, elle, d'être attentive à ce font les autres championnats, ainsi qu'à l'avis des fans − notamment celui qui s'est exprimé dans le sondage mondial dont les premiers résultats semblent avoir validé la tenue de courses sprint − tout en continuant à expérimenter des options. Ainsi, l'heure de départ choisie pour la nouvelle course (15h) permettra d'évaluer d'éventuelles tendances sur l'accès au circuit et le trafic pour, qui sait, donner des idées futures en cas de réussite.
Rejoignez la communauté Motorsport
Commentez cet articlePartager ou sauvegarder cet article
Meilleurs commentaires
Abonnez-vous pour accéder aux articles de Motorsport.com avec votre bloqueur de publicité.
De la Formule 1 au MotoGP, nous couvrons les plus grands championnats depuis les circuits parce que nous aimons notre sport, tout comme vous. Afin de continuer à vous faire vivre les sports mécaniques de l'intérieur avec des experts du milieu, notre site Internet affiche de la publicité. Nous souhaitons néanmoins vous donner la possibilité de profiter du site sans publicité et sans tracking, avec votre logiciel adblocker.