Contenu spécial

Qui est Pecco Bagnaia, double Champion du monde MotoGP ?

À 26 ans, Pecco Bagnaia est titré pour la deuxième année de suite en MotoGP, après un premier sacre acquis dans la catégorie Moto2. Élève de l'école Rossi, voici le parcours d'un pilote discret, devenu redoutable depuis deux ans.

Le Champion du monde Francesco Bagnaia, Ducati Team

Voici aujourd'hui Pecco Bagnaia doublement titré dans la catégorie MotoGP, assuré ce week-end de remporter le championnat face à son dernier adversaire, Jorge Martín, alors que la saison s'est terminée à Valence. Devenu l'un des hommes forts de la discipline il y a seulement deux ans, l'Italien âgé de 26 ans a vite acquis la stature de référence et écrit une page d'Histoire avec Ducati.

Lire aussi :

Durant les deux premières décennies du MotoGP, Loris Capirossi, Andrea Dovizioso et, bien sûr, Valentino Rossi se sont tous cassé les dents dans leur tentative de célébrer un triomphe 100% italien, celui d'un pilote transalpin titré au guidon d'une machine qui a vu le jour sur ses terres, comme le réalisèrent à l'époque des 500cc Umberto Masetti et Libero Liberati sur Gilera dans les années 1950, puis Giacomo Agostini lors de son épopée victorieuse avec MV Agusta. Pecco Bagnaia, lui, y est arrivé.

Et c'est peu dire que le nouveau double Champion du monde MotoGP était destiné à cet exploit, lui qui a depuis toujours été fasciné par la marque Ducati. Né à Turin en 1997, celui que l'on a très vite appelé Pecco − parce que sa sœur n'arrivait pas à prononcer Francesco − aurait pu rêver de l'Aprilia RSV 1000 paternelle, pourtant c'est la Ducati 996 de son oncle qu'il admirait les yeux pleins d'étoiles quand il était bambin, une passion naissante ensuite entretenue par les performances de James Toseland et Nori Haga sur la 999, qu'il suivait à la TV quand il avait 7 ans.

L'an dernier, alors âgé de 25 ans, c'est bel et bien lui qui a enfin offert le succès ultime au constructeur implanté dans la banlieue de Bologne, un deuxième sacre après celui de Casey Stoner 15 ans plus tôt, mais cette fois agrémenté de ce soupçon de chauvinisme qui avait de quoi regonfler les cœurs des tifosi un an après le départ de l'idole Valentino Rossi. Et il y a aussi un peu de Rossi chez Bagnaia, lui qui en est l'élève depuis la création de la VR46 Riders Academy en 2014, ce qui lui permet de partager ses entraînements, d'étudier l'approche de l'idole des Grands Prix et de recevoir, aujourd'hui encore, moult conseils − ou remontées de bretelles ! − pour tenter de suivre la bonne voie.

Le Champion du monde 2022 Francesco Bagnaia, Ducati Team, et Valentino Rossi

Valentino Rossi était aux premières loges pour célébrer le premier titre MotoGP de Pecco Bagnaia, en 2022 à Valence.

Comme tant d'autres, le petit Pecco a d'abord bénéficié de l'accompagnement de son père, chez qui il reconnaîtrait de grandes qualités de pédagogue, lui ayant évité de se sentir sous pression durant ses premiers contacts avec la compétition. Champion d'Europe MiniGP en 2009, puis deuxième du PreGP 125, il a rejoint l'incontournable championnat d'Espagne pendant deux ans, catégories 125cc et Moto3. Il y a côtoyé de futurs pilotes de Grand Prix et, à leurs côtés, s'est convaincu qu'il était lui aussi mûr pour faire le grand saut. En 2013, il intégrait le Championnat du monde, formant le Team Italia avec le phénomène Romano Fenati, et ce fut la douche froide : en 17 courses, il n'est pas parvenu une fois à entrer dans les points. Avec le recul, il admettrait avoir commis sa plus grosse erreur en opérant ce passage trop précoce.

Dès 2014, il allait être encadré par la VR46 Riders Academy, dont il a fait partie de la première promotion. Il a intégré l'équipe du groupe pour sa deuxième saison mondiale et affiché des signes de progrès durant les premières courses (avec même une quatrième place au Mans), mais ce n'était pas encore suffisant. Parti vivre à Tavullia, il a obtenu de rejoindre le team Aspar, celui qu'il souhaitait même si la Mahindra n'était pas la référence du plateau. Si ses premières saisons mondiales ont été rudes, il avait bien fait de s'entêter et, bien entouré, il a retrouvé le plaisir de la course. Un premier podium est arrivé en 2015, puis ils se sont multipliés l'année suivante. Il a alors terminé quatrième du championnat et avait cette fois fait ses preuves pour commencer son ascension.

Ses résultats ne lui ont pas uniquement valu de changer de catégorie... mais carrément de piloter une MotoGP ! En ayant décroché deux victoires cette année-là, il a en effet remporté un pari passé avec Gino Borsoi, alors à la tête du team Aspar, qui évoluait aussi dans la catégorie reine. Le cadeau était de taille puisqu'il a pris le guidon de la MotoGP du team espagnol pendant le test de Valence. Signe du destin, il s'agissait d'une Ducati...

Pecco Bagnaia a piloté une Ducati Desmosedici pour la première fois en 2016, après avoir gagné un pari

Elle avait beau le faire rêver, il lui restait quelques échelons à gravir avant d'espérer poursuivre la romance. L'année suivante, il a donc rejoint la catégorie intermédiaire avec l'équipe montée par Valentino Rossi, qui y faisait ses premiers pas. Et d'emblée, le jeune Bagnaia a marqué les esprits en décrochant un premier podium dès sa quatrième course, à Jerez, comme seuls quatre autres pilotes l'avaient fait auparavant (Marc Márquez, Jonas Folger, Maverick Viñales et Álex Rins). Il allait en remporter quatre au total, marquer des points très régulièrement et se classer cinquième du championnat, auréolé du statut de meilleur débutant.

Son éclosion cette année-là n'avait été récompensée que par des deuxièmes et troisièmes places, mais dès la première manche de la saison suivante il s'est imposé, et ce en menant de bout en bout le Grand Prix du Qatar. Après le titre de Franco Morbidelli, c'est lui que l'on érigeait désormais en favori et il allait tenir ce statut. Capable de performances dominatrices, il s'est montré régulier et malgré le retour en force de Miguel Oliveira, il a réalisé la partition parfaite pour finalement être titré en Malaisie.

Le mariage rêvé avec Ducati

Tandis qu'il brillait sur la Kalex, Bagnaia couvait la Desmosedici des yeux. L'histoire d'amour n'allait pas être à sens unique : Ducati croyait en lui et, très vite, les discussions ont débuté en vue de son passage en MotoGP. Le pilote italien a senti qu'il attirait les constructeurs de la catégorie reine dès 2016, alors qu'il venait tout juste de commencer à gagner en Moto3, pourtant lorsqu'une première opportunité de rejoindre l'élite avec sa marque fétiche s'était présentée pour 2018, il l'avait déclinée pour se donner le temps de remporter le titre Moto2. Avant même que cette deuxième saison dans la catégorie intermédiaire commence, il avait toutefois l'assurance de réaliser son rêve, puisqu'il avait cette fois en poche un contrat de deux ans qui lui permettrait de remplacer Danilo Petrucci chez Pramac à partir de 2019.

"On a fait les choses en avance mais j'ai eu confiance, j'ai foncé parce que je fais une confiance aveugle à ceux qui m'entourent", nous expliquait-il alors. "C'est une situation parfaite, je retombe parfaitement sur mes pieds − sur un tapis rouge. Ducati m'a accordé beaucoup de choses et c'est, à mon avis, la meilleure situation en MotoGP."

Pour lui mettre le pied à l'étrier, le constructeur le confia à Cristian Gabarrini, celui qui fut l'ingénieur de Casey Stoner lors de cette grande époque que les fans de Ducati ne cessent de chérir avec nostalgie depuis 15 ans, puis qui permit à Jorge Lorenzo de s'adapter à la Desmosedici et de gagner à son guidon. Impressionnant pendant les essais hivernaux, l'apprentissage en course de Bagnaia n'a pourtant pas été simple et la première saison du Turinois parmi l'élite s'est révélée éprouvante. Le top 10 au championnat espéré par Pramac pour ses débuts était loin et durant cette année et la suivante, il n'a brillé que sporadiquement, peinant à sortir de la spirale négative dans laquelle tendaient à le faire plonger des résultats décevants.

J'avais choisi d'être pilote Ducati avant même de devenir Champion du monde Moto2 en 2018, et ils m'avaient eux-mêmes choisi avant que je sache que je le deviendrais un jour. C'était notre pari.

On remarqua toutefois ses progrès en 2019 à partir d'un test réalisé à Brno durant lequel ses réglages furent revus de fond en comble alors qu'il venait de toucher le fond lors du Grand Prix sur place, puis avec sa quatrième place en Australie en fin de saison, alors au guidon d'une machine de l'année précédente. En 2020, une blessure a porté un coup d'arrêt à son évolution peu de temps après le début de la compétition, mais lorsqu'il a fait son retour et que le championnat est arrivé chez lui, à Misano, il s'est illustré d'abord par une deuxième place très prometteuse, puis a mené la seconde course avant de partir à la faute.

La concrétisation se faisait attendre, néanmoins Bagnaia s'est bel et bien fait remarquer et, quelques jours après ce double Grand Prix en Italie il a été promu dans l'équipe officielle Ducati, où il retrouverait Jack Miller, déjà officialisé, tous deux remplaçant le binôme Dovizioso-Petrucci. Malgré les embûches, Bagnaia a bel et bien poursuivi sa route en gardant le cap sur ses ambitions de toujours. "J'avais choisi d'être pilote Ducati avant même de devenir Champion du monde Moto2 en 2018, et ils m'avaient eux-mêmes choisi avant que je sache que je le deviendrais un jour. C'était notre pari", expliquait-il alors, "car jusqu'alors j'avais toujours été rapide, mais je n'avais rien réalisé de concret, or Ducati a décidé d'y croire avant tout le monde. Nous ne savions pas comment cela allait se passer, mais si je devais revenir en arrière, je referais la même chose."

La suite n'allait évidemment pas lui faire changer d'opinion, car une fois vêtu de rouge, Pecco Bagnaia a pris tout doucement le leadership. Discret, précis, attentif aux détails, il a emmagasiné les connaissances et construit sa progression avec intelligence. Lorsque Ducati s'est montré en capacité de prendre l'ascendant sur le championnat, avec une fin de saison 2021 qui impressionna par la présence groupée des Desmosedici aux avant-postes, c'est lui qui est sorti du lot.

Deux ans de succès en MotoGP

Le déclic est arrivé sur le MotorLand Aragón avec sa première victoire, le 12 septembre 2021. Une entrée au palmarès par la grande porte puisqu'il avait livré une résistance de tous les instants à un Marc Márquez pourtant admirable sur l'un de ses terrains de jeux préférés. Une fois qu'il a trouvé le chemin du succès, sa courbe de performance a opéré un tournant impressionnant : sur les 46 courses de Grand Prix qui se sont écoulées depuis, il a gagné 18 fois. Son efficacité lui a permis à la fois de recoller dangereusement à Fabio Quartararo au moment où le sacre du Français approchait, en 2021, mais aussi d'inverser totalement la tendance de la campagne 2022.

Pecco Bagnaia, titré en 2022 après une remontée record au championnat.

Pecco Bagnaia, titré en 2022 après une remontée record au championnat.

Il a beau afficher le mantra "Go Free" sur ses cuirs, Bagnaia pèche parfois par sa tendance à trop gamberger. Ainsi, le début de la saison 2022 a été fait de hauts et de bas très marqués, avec d'abord une nouvelle GP22 difficile à exploiter et des contre-performances notables, mais surtout une bévue en France où il est tombé, mis sous pression par Enea Bastianini, tout en étant capable de s'imposer de façon dominatrice à Jerez ou au Mugello.

Le tournant est intervenu à Assen, non sans symbole si l'on considère qu'il porte ce circuit iconique tatoué sur le bras, depuis qu'il y a décroché sa première victoire mondiale en 2016 ! Après être descendu à 91 points de retard sur Quartararo, il a enchaîné quatre victoires, du jamais vu pour un pilote Ducati, et a fondu sur le Français avec le plus gros retour jamais observé pour finalement le déposséder de la couronne à la dernière manche.

Cette année, après avoir troqué son #63 pour le #1, Pecco Bagnaia a bel et bien réussi son entame de championnat, avant cette fois de subir le retour en force de Jorge Martín, en particulier après un GP de Catalogne qui restera comme un tournant dans cette année. Parti en tête, l'Italien a subi une chute juste après le départ et n'a que miraculeusement échappé au pire, en étant "seulement" heurté aux jambes par un Brad Binder impuissant. Alors qu'il a dû gérer la douleur, puis des sensations inconstantes sur sa Ducati, son rival a enchaîné les succès, notamment en course sprint, et est parvenu à momentanément prendre la tête du classement général. Plus posé que par le passé, c'est avec un grand calme apparent que Bagnaia s'est défendu et a fini par avoir le dernier mot à Valence.

Désormais, Bagnaia compte 18 victoires et 35 podiums depuis son arrivée en MotoGP, mais il affiche surtout une tendance impressionnante depuis deux ans. En parallèle du retour de Ducati au sommet, il a parfois été coupable du pire mais souvent capable du meilleur. Son taux de réussite est devenu épatant, et plus encore depuis la mi-saison 2022. Formant avec sa machine le meilleur binôme du plateau, le voici qui rejoint le rang des doubles champions. Sous contrat jusqu'en 2024, l'heureux pilote Ducati est déjà allé au-delà de ses rêves d'enfant et il pourrait bien avoir les moyens d'aller encore beaucoup plus haut...

Pecco Bagnaia en chiffres

  • 26 ans ; il est né le 14 janvier 1997 à Turin (Italie)
  • 192 Grands Prix, dont 87 en MotoGP
  • 28 victoires, dont 18 en MotoGP
  • 58 podiums, dont 35 en MotoGP
  • 25 pole positions, dont 18 en MotoGP
  • 17 meilleurs tours en course, dont 12 en MotoGP
  • 4 victoires de courses sprints MotoGP
  • 1836 points, dont 1085 en MotoGP

La carrière de Pecco Bagnaia

2009 Champion d'Europe MiniGP
2010
2e du championnat PreGP 125
2011
3e du championnat d'Espagne 125cc
2012
3e du championnat d'Espagne Moto3
2013 Débuts en championnat du monde Moto3 (FTR Honda)
2014 16e du championnat du monde Moto3 (KTM)
2015 14e du championnat du monde Moto3 (Mahindra)
2016 4e du championnat du monde Moto3 (Mahindra)
2017 5e du championnat du monde Moto2 (Kalex) ; rookie de l'année
2018 Champion du monde Moto2 (Kalex)
2019 15e du championnat du monde MotoGP (Ducati)
2020 16e du championnat du monde MotoGP (Ducati)
2021 Vice-champion du monde MotoGP (Ducati)
2022 Champion du monde MotoGP (Ducati)
2023 Champion du monde MotoGP (Ducati)

Les statistiques de Pecco Bagnaia en Grand Prix

Saison Champ. Courses Poles Victoires 2e places 3e places Pts Pos.
2013 Moto3 17 0 0 0 0 0 -
2014 Moto3 16 0 0 0 0 50 16e
2015 Moto3 18 0 0 0 1 76 14e
2016 Moto3 18 1 2 1 3 145 4e
2017 Moto2 18 0 0 2 2 174 5e
2018 Moto2 18 6 8 1 3 306 1er
2019 MotoGP 18 0 0 0 0 54 15e
2020 MotoGP 11 0 0 1 0 47 16e
2021 MotoGP 18 6 4 3 2 252 2e
2022 MotoGP 20 5 7 1 2 265 1er
2023 MotoGP 20 7 7 6 2 467 1er

Rejoignez la communauté Motorsport

Commentez cet article
Article précédent Malgré sa pénalité, Fabio Di Giannantonio épate encore
Article suivant Les champions de la saison 2023 célébrés à la soirée de gala MotoGP

Meilleurs commentaires

Abonnez-vous gratuitement

  • Accédez rapidement à vos articles favoris

  • Gérez les alertes sur les infos de dernière minute et vos pilotes préférés

  • Donnez votre avis en commentant l'article

Édition

France France