Analyse

Suzuki déjà en retard dans la quête de son nouveau patron MotoGP ?

Après avoir pris la décision de ne pas remplacer Davide Brivio début 2021 et n'avoir par la suite pas réussi à aider Joan Mir à défendre son titre, Suzuki est aujourd'hui à la recherche d'un nouveau team manager. Mais quelle que soit la personne que Shinichi Sahara nommera pour la suite, il est peut-être déjà trop tard pour convaincre le Champion du monde 2020 de rester.

Alex Rins, Team Suzuki MotoGP

Alex Rins, Team Suzuki MotoGP

Gold and Goose / Motorsport Images

Le retard pris par Suzuki dans le recrutement d'un nouveau team manager pour son projet MotoGP, après le départ soudain de Davide Brivio pour la Formule 1 fin 2020, a eu une série de conséquences, toutes négatives. L'équipe a perdu non seulement la compétitivité qui l'a menée au titre la saison dernière avec Joan Mir, mais aussi ce qui faisait sa principale force : l'unité.

Le contexte de cette fin de saison aura été celui de rumeurs de plus en plus fortes sur un possible départ de Brivio de l'écurie Alpine au sein de laquelle il a officié cette année, recruté sur la volonté expresse du président du Groupe Renault, Luca de Meo. Au lieu de désamorcer ces bruits de couloir, le PDG de la marque, Laurent Rossi, les a alimentés en déclarant que l'intérêt présumé de Suzuki pour le retour de son ancien directeur d'équipe ne faisait que confirmer sa valeur professionnelle, mais que l'ensemble de l'organisation managériale serait évaluée à la fin de la saison.

"Il apporte vraiment beaucoup pour gérer les pilotes et souder l'équipe au circuit. Son expérience sportive est inestimable, et ça se voit. Concernant l'avenir, comme n'importe quel autre membre de l'écurie, Davide évoluera dans l'organisation dont je déciderai, selon les changements dont je déciderai à la fin de la saison. Il n'est pas différent du reste de l'équipe", a déclaré le Français en début de mois à Motorsport.com.

Du côté du MotoGP, la place de Davide Brivio n'est, semble-t-il, plus chez Suzuki. Shinichi Sahara, chef du programme, l'a fait savoir sans détour en marge de la dernière manche de la saison, à Valence, lorsqu'il lui a été demandé si l'Italien faisait partie des candidats au nouveau poste de team manager qui sera bientôt créé : "Davide est toujours un bon ami. Je lui parle parfois au téléphone, même pendant un week-end de course. Je lui souhaite vraiment de connaître des années de succès en Formule 1 et, dans le futur, j'espère que nous travaillerons à nouveau ensemble avec Davide, dans la même équipe, mais pour l'année prochaine ce n'est pas la voie [à suivre] pour nous."

Sahara indiquait malgré tout être "dans les dernières phases" du recrutement d'une nouvelle personne à ce poste. Quand cette signature se concrétisera-t-elle ? L'ingénieur espère l'officialiser "avant Noël, car [il n'a] pas beaucoup de temps", nous a-t-il confié par la suite. Le fait est que depuis le départ de Brivio, les informations précises brillent par leur absence.

Bien que Sahara ait publiquement écarté la possibilité d'un retour imminent de Brivio, certains membres de l'équipe Suzuki n'excluent pas, en privé, la possibilité de retrouver leur ancien patron, à condition qu'il résolve d'abord sa relation avec Alpine. Cela souligne le fossé qui s'est creusé entre la direction japonaise de Suzuki et le groupe opérationnel, presque entièrement européen, deux entités entre lesquelles l'Italien faisait le lien à la perfection.

L'arrivée tardive de celui qui sera chargé de rétablir ce lien a déjà fait des ravages. Douze mois après avoir fêté ce qui était son premier titre MotoGP en deux décennies, depuis celui de Kenny Roberts Jr en 2000, la marque semble aujourd'hui à l'arrêt, sans dynamisme pour répondre au changement de rythme imposé par Yamaha et Ducati. À eux deux, les constructeurs qui ont dominé le championnat 2021 se sont partagés 13 des 18 victoires, tandis que Suzuki n'a pas été capable d'en décrocher une seule.

À l'annonce du départ de Brivio pour la F1, à la fin du mois de décembre 2020, il a été considéré qu'il était trop tard pour engager quelqu'un de l'extérieur afin de le remplacer. Il a alors été décidé de mettre en place un comité de sept responsables déjà en poste qui se répartiraient les tâches de gestion. Cette réorganisation n'a cependant pas fonctionné, et cette formule qui visait à encourager le débat interne a fini par créer plus de méfiance que de terrain d'entente, au point de compromettre l'unité de l'équipe.

Chez Suzuki, malgré une troisième place au championnat qui aurait été considérée comme un très bon résultat en d'autres temps, tout le monde a le sentiment depuis des semaines, voire des mois, de faire partie d'une grande famille qui traverse une mauvaise passe. Le manque de communication verticale a généré un détachement et la première mission de la nouvelle recrue sera de le traiter de toute urgence.

Chacun s'accorde sur le même diagnostic : il manque une personne qui assume la responsabilité de prendre des décisions et qui soit facilement identifiable par tous à la tête de l'équipe. Qu'il ou elle fasse les bons choix ou non, cette personne doit apparaître comme le décideur sur certains aspects importants.

Joan Mir a décroché la médaille de bronze cette saison

Au cours des derniers mois, Shinichi Sahara s'est entretenu avec Wilco Zeelenberg, qui a cependant choisi de rester team manager de l'équipe RNF (anciennement Sepang Racing Team), son homologue de Pramac Racing, Francesco Guidotti, et le directeur sportif sortant de SRT, Johan Stigefelt. Des alternatives extérieures ont également émergé, notamment l'ancien team manager Repsol Honda et Ducati, Livio Suppo, qui n'est plus dans le paddock depuis 2018.

Un choix déjà décisif pour le line-up 2023

Le choix de Sahara sera déterminant, et pas seulement parce que l'équipe entière l'attend depuis longtemps pour retrouver une bonne dynamique interne. Le fait est également que plusieurs éléments majeurs pourraient dépendre de l'identité du candidat retenu, parmi lesquelles la composition du line-up pour 2023 et au-delà...

Les contrats de Joan Mir et d'Álex Rins arriveront à échéance fin 2022, mais tous deux terminent cette année dans un état d'esprit considérablement différent.

Rins est parfaitement conscient du poids de ses erreurs personnelles sur son capital de points : il s'est classé 13e du championnat avec 99 points, soit 40 de moins qu'en 2020 (où il avait terminé troisième), malgré quatre Grand Prix de plus cette année. Il a manqué les points à sept reprises, un fardeau bien trop lourd pour un pilote qui abordait ce championnat avec l'objectif de se battre pour le titre.

Mir, quant à lui, affirme régulièrement qu'il ne peut pas en faire plus, faisant élégamment mais clairement comprendre que la balle est dans le camp de Suzuki. Sa quatrième place à Valence, à l'issue d'une course qu'il était convaincu de pouvoir enfin gagner, s'est révélée particulièrement douloureuse. Le Majorquin, qui a finalement terminé troisième au classement, a dû faire de gros efforts pour ne pas perdre son sang-froid, pourtant il peinait à cacher sa colère et son impuissance.

"Je n'ai pas passé une bonne année", a déclaré sans détour Joan Mir. "Je n'ai pas tellement apprécié les courses. J'ai exigé beaucoup de moi-même pour faire de mon mieux. Je n'aurais pas pu faire mieux, mais j'attendais plus. Je suis ici pour gagner, pas pour me battre pour le podium."

Pour lui, l'identité du prochain patron de l'équipe Suzuki sera déterminante dans sa décision de continuer ou non à en porter les couleurs au-delà de 2022. Mais avec un marché devenu frénétique, 2023 est déjà dans tous les esprits, pour lui comme pour les responsables des autres constructeurs, et les discussions ne pourront être reportées indéfiniment.

Joan Mir, Team Suzuki MotoGP

Joan Mir

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