Rossi : "Je me suis obstiné parce que j'y croyais"

Jeune retraité des Grands Prix moto, Valentino Rossi assure que le MotoGP ne lui manque pas. Après y avoir dédié plus de la moitié de sa vie et avoir repoussé l'échéance au maximum, le champion italien assume parfaitement son choix et s'est déjà tourné vers d'autres plaisirs.

Valentino Rossi, Petronas Yamaha SRT

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Valentino Rossi s'apprête à lancer sa saison en GT World Challenge Europe, avec une première manche cette semaine à Imola au volant de l'Audi R8 LMS que lui confie le team WRT, et c'est désormais en spectateur qu'il suit le MotoGP, dont une nouvelle ère s'est ouverte en début de mois sans la star qui aura attiré les projecteurs durant pas moins de 26 ans. Cette longévité a souvent pu questionner au vu du manque de réussite du pilote italien ces dernières années. Titré pour la dernière fois en 2009, Rossi concède s'être entêté en poursuivant sa carrière jusque fin 2021, passant même dans une équipe satellite une fois remplacé au sein de la structure officielle Yamaha. Il l'a fait, explique-t-il, car jusqu’au bout il a cru dans sa capacité à retrouver les sommets.

"En ce qui concerne le fait de m'être obstiné à courir à moto, je l'ai fait parce que j'y croyais, parce que je croyais pouvoir continuer à gagner, et puis j'ai quand même été très compétitif jusqu'à la moitié de la saison 2019. Certes, je n'étais plus le Valentino Rossi de dix ans auparavant, c'est normal, mais j'y croyais", explique-t-il dans une interview fleuve accordée à Il Giornale.

"C'est difficile à accepter. Jusqu'au bout, je ne me suis pas rendu. Mais à 40 ans, on n'a plus cet instinct de tueur qu'on a à 25 ans. En tout cas, ça a été dur. À un certain moment dans ma carrière, il y a une dizaine d'années, je me suis demandé : 'Est-ce que je m'arrête en étant au sommet de la vague, en tant que Champion du monde, ou bien est-ce que je cours jusqu'à ce que je n'en puisse plus ?'." La réponse fut évidente : il lui fallait continuer.

La carrière de Rossi a pourtant connu une cassure lorsqu'il est passé chez Ducati en 2011, pour deux saisons qui ont fait plonger sa courbe de résultats. Revenu chez Yamaha en 2013, il a réussi à retrouver le chemin de la victoire, puis le trio de tête du championnat, et même à se battre pour le titre jusqu’à la finale en 2015. Victorieux pour la dernière fois en 2017, il a peu à peu reculé jusqu'à connaître deux dernières campagnes éprouvantes.

"J'aurais pu m'arrêter un an plus tôt, fin 2020", concède-t-il, "mais [c'était] le Covid, une année à la con, avec souvent trois courses sur la même piste, et sans public ça craignait. Je me suis dit : 'Qu'est-ce que je fais ? J'arrête comme ça ? Non, c'est trop moche, allez, je fais encore un an'. Pas parce que je voulais qu'il y ait du monde pour mon départ, mais parce que je souhaitais partir après une année de véritable compétition."

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Le choc de l'Autriche 2020

Durant cette saison 2020, un épisode en particulier a ébranlé le champion italien, celui du Grand Prix d'Autriche, où un accrochage entre Johann Zarco et Franco Morbidelli a entraîné un crash monumental dans lequel il a été frôlé par la moto en perdition de l'Italien. Il a pourtant décidé durant cette même période de rester un an de plus.

"Ça m'a fait réfléchir. Je le savais déjà, mais j'ai eu à ce moment-là une nouvelle preuve qu'en course il ne suffit pas de faire attention, que si on se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment, on est foutu. Ça, oui, ça a été un moment difficile, même si ça ne m'a pas fait dire 'j'arrête'. J'ai même décidé pendant ces semaines-là de continuer encore une autre saison. Mais ça a vraiment été un accident effrayant", raconte-t-il.

"Sur la moto, j'ai eu très peur, mais par rapport à la moto de Zarco, restée relativement loin. J'ai entendu le bruit de sa moto qui partait en morceaux. La télévision a tout aplati, les bruits, la puissance avec laquelle la moto arrivait, en rebondissant à côté de Viñales. Là, j'étais déjà terrorisé, mais la moto de Morbidelli, qui a représenté le vrai danger pour moi car elle m'a frôlé, je ne l'ai même pas vue."

"J'ai senti comme une ombre me traverser, mais la vitesse à laquelle elle est passée à deux doigts de moi, c'était monstrueux. C'est là qu'on se dit : 'Est-ce que ça en vaut la peine ?'. Je suis rentré au stand en ayant très peur et, là, j'ai vu mes mécaniciens, et je me souviens en particulier de l'un d'eux, Alex, qui sanglotait. Je lui ai dit : 'Allez, j'étais à trois ou quatre mètres quand même…'. Et il m'a répondu : 'Mais l'autre moto, tu l'as vu passer ?'. Et moi : 'Quelle autre ?'. Oui, ce jour-là, j'ai joué mon joker."

Accident de Franco Morbidelli, Petronas Yamaha SRT et Johann Zarco, Avintia Racing

Valentino Rossi frôlé par la moto de Franco Morbidelli au Grand Prix d'Autriche 2020

"Le MotoGP ne me manque pas"

Valentino Rossi a finalement pris la décision de raccrocher pendant l'été 2021, alors même qu'il apprenait qu'il allait devenir père. Là encore, il ne s'agissait pas d'un élément déclencheur, assure-t-il : "Quand Francesca m'a dit qu'elle était enceinte, c'était précisément le moment où je pensais m'arrêter. Je l'ai donc pris comme un signe du destin. Je n'ai pas arrêté pour cette raison ; si j'avais été compétitif, j'aurais continué même en étant papa."

Le destin a en tout cas continué à bien faire les choses, puisque la petite Giulietta est née le jour-même des premiers essais libres du Grand Prix du Qatar, celui qui lançait précisément cette première saison sans le #46. Et le tout jeune père était en piste quelques heures plus tard, pour des essais en GT.

"Elle est née le vendredi à 4h du matin. Ce jour-là, j'avais les essais en piste avec l'Audi, à Imola, pour préparer mes débuts [du week-end] prochain. J'ai passé toute la nuit à l'hôpital, à l'aube je suis rentré à la maison, j'ai dormi une paire d'heures, Albi est venu me chercher pour aller sur le test. De 14h à 17h, j'étais en piste avec l'Audi R8 GT3 et, au retour, détruit, je suis allé dormir à la maison. Je suis retourné à l'hôpital le samedi matin et, avec Giulietta dans les bras, on a regardé les essais ensemble."

A-t-il eu des regrets à ce moment-là ? Pas du tout. "J'ai pensé : 'Quelle chance de ne pas être en piste !' L'année dernière, je tenais vraiment à m'arrêter à Valence de façon joyeuse, et j'y suis arrivé, donc maintenant j'ai plaisir à regarder les Grands Prix dans le canapé", affirme Rossi. "Je suis un grand fan de moto, j'aime les suivre partout. Et puis j'aime encourager nos pilotes. Il y a mon frère en piste, il y a mes amis. Le moment difficile a été vers juin, entre Barcelone et Assen, quand j'ai décidé de m'arrêter."

S'il garde un lien étroit avec le MotoGP, notamment via l'équipe qu'il y dirige, et s'il promet de venir en visiteur cette saison, Valentino Rossi écarte en revanche toute éventualité de reprendre le guidon pour un test : "Nooon, il ne faut pas déconner ! Quand on monte sur une MotoGP, il faut le faire avec un objectif, parce que c'est une moto énorme, qui va super vite, et ça n'a pas de sens de rouler à 75%. Le MotoGP ne me manque pas."

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