Interview

Une Yamaha bien placée au départ et "la course prend une autre tournure"

Yamaha a obtenu cet hiver des progrès qui pourraient s'avérer déterminants afin de permettre aux M1 de retrouver les avant-postes et de contester à nouveau le leadership de Honda. Massimo Meregalli revient en détail sur la donne de 2020.

Maverick Vinales, Yamaha Factory Racing

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Suite et fin de l'interview que Massimo Meregalli, directeur de l'équipe officielle Yamaha, a accordée à Motorsport.com. Longuement, le responsable italien a accepté de dresser le bilan de l'intersaison, marquée notamment par les progrès accomplis sur la nouvelle YZR-M1, lesquels avaient laissé le clan d'Iwata dans l'impatience d'en découdre en course. Si Valentino Rossi est apparu légèrement en retrait, Maverick Viñales et Fabio Quartararo ont, eux, affiché un solide potentiel.

Maverick Viñales et Fabio Quartararo ont affiché lors des tests du Qatar un très bon rythme. Cela laissait-il présager un duel "en interne" pour le Grand Prix ?

Ce qui est vraiment positif, c'est que le package fonctionne bien. Il nous manque encore un petit quelque chose en termes de vitesse de pointe, mais nous avons amélioré à la fois la distribution de puissance et le grip. Avec Maverick et Fabio, nous n'avons jamais eu de problème de baisse de performance du pneu arrière, tout en le menant presque toujours à la limite de son kilométrage. Au Qatar, nous avons aussi demandé à Viñales de faire un time attack, parce qu'il ne l'avait encore jamais fait pendant les essais hivernaux, et il l'a très bien fait. Cela signifie qu'il est en forme et très sûr de lui, parce que nous avons dû le lui demander nous-mêmes afin d'avoir une donnée et d'éviter qu'un problème n'émerge s'il ne l'essayait pour la première fois que pendant le week-end de course.

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Yamaha semble désormais disposer d'un package compétitif et être donc en position de mettre un terme à la domination de Honda…

Nous aurions voulu améliorer encore un peu la vitesse de pointe, mais en gelant le moteur nous n'aurons plus beaucoup de marge de manœuvre. Le package de cette année semble toutefois être très bon. Nous n'avons pas eu de problèmes, et ce dès la première sortie à Valence. Il n'y a qu'au Qatar, avec Valentino [Rossi], que nous avons rencontré quelques difficultés liées à l'usure du pneu arrière, que nous n'avions pas eues lors des tests précédents. Mis à part ça, nous avons été rapides et nous avons affiché un rythme régulier avec tous les pilotes.

Ce problème continue à suivre Valentino : est-ce une question de style de pilotage ?

Oui, parce que quand on compare ses données avec celles de Viñales et de Quartararo, les réglages sont similaires et ce qui change c'est la manière de piloter. Nous allons clairement essayer de l'aider avec les réglages de châssis et d'électronique pour tenter de contrer ce problème.

Il a toujours fait preuve d'une grande capacité d'adaptation. Pensez-vous qu'il y arrivera encore à 41 ans ?

Vale a déjà changé plusieurs fois sa manière de piloter et il le fera sûrement encore. Nous avons recommencé à utiliser le frein arrière au guidon et il l'a voulu aussi sur la R1 avec laquelle il s'entraîne en piste pour s'habituer à l'utiliser. Mais s'il doit ajuster sa manière de piloter, je suis sûr qu'il le fera.

Vous avez donc déjà identifié la manière dont il faudra agir ?

Il interprète les données comme les ingénieurs. À chaque séance, il fait des comparaisons avec Maverick [Viñales], Fabio [Quartararo] et Franco [Morbidelli] pour essayer de comprendre où les trois autres sont plus rapides que lui et comment ils y arrivent.

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Les pilotes Yamaha ont récemment connu des problèmes au départ des courses. Le holeshot device peut-il beaucoup les aider ?

Le problème n'était pas tant lié au fait d'avoir des pilotes qui n'étaient pas performants au départ, mais à la moto qui manquait de puissance à plein gaz. Nous étions très en difficulté, surtout sur les pistes où il y a des centaines de mètres à parcourir entre le départ et le premier virage. Malheureusement, nous n'avons testé ce système que peu de fois pour le moment, mais il semble bien fonctionner, ce sera donc un bel avantage pour nous.

Notre moto se pilote de manière différente par rapport aux autres, car nous avons besoin de vitesse en virage : si on est derrière [un autre pilote], on ne peut pas envisager de le passer par l'extérieur. L'année dernière, dans certaines situations il a été difficile pour nous de ne serait-ce que rester dans le sillage [d'un autre pilote], alors que cette année les choses sont différentes. En parvenant à rester dans le sillage ou en réussissant même à y gagner un petit quelque chose, on peut essayer de tenter un dépassement au freinage.

L'année dernière, nous avons testé beaucoup de configurations différentes pour le départ, nous avons donc manqué de répétitivité. Depuis le test de Sepang, où nous avons commencé à utiliser ce système, nous avons gagné des dixièmes, je suis donc curieux de le voir en action en course. Pour nous, il est important de ne pas perdre de position au départ, parce que si nous arrivons à nous placer tout de suite parmi les trois premiers, la course prend vraiment une autre tournure.

Fabio Quartararo, Petronas Yamaha SRT

Ducati a déjà développé une évolution de ce système, en en faisant une sorte de variateur de hauteur sur la moto en mouvement. Pensez-vous qu'il s'agit d'une évolution que vous développerez vous aussi ?

S'il est mis au point, c'est quelque chose qui peut apporter un avantage. Pour le moment, notre système est pensé pour être utilisé seulement au départ, mais si nous comprenons qu'il peut être utile d'aller aussi dans cette direction, nous ferons tout notre possible pour concevoir notre propre système.

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Vous avez aussi un joker en la personne de Jorge Lorenzo, que vous avez pris comme pilote d'essais mais qui semble avoir envie de courir depuis qu'il a retrouvé la M1…

Je ne pense pas qu'il ait tellement envie de revenir disputer un championnat, mais il a envie de piloter la moto. Je crois qu'il a voulu s'évaluer lui-même en essayant notre moto à Sepang. Malheureusement, l'accord est arrivé vraiment à la dernière minute, et nous n'étions donc pas prêts pour lui en Malaisie [avec la moto de 2020, ndlr]. Nous avons réussi à le faire monter sur la moto parce qu'il voulait piloter la M1 et que nous voulions nous aussi l'évaluer.

Je suis arrivé à Sepang un jour plus tôt précisément pour voir Jorge lors du dernier jour du shakedown. Au bout de quelques tours, une des premières choses que je lui ai dites c'est que je le voyais piloter de manière naturelle. Et lui à la fin de la journée il m'a dit : 'J'ai vraiment l'impression de piloter ma moto'. Je suis sûr que si la pluie n'était pas arrivée à la fin des tests IRTA [officiels], il aurait fait un bon temps. Malheureusement pour lui, nous étions aussi assez limités avec les pneus, alors nous l'avons souvent fait rouler en pneus usés. Nous avions gardé un train pour faire un time attack, mais il n'a pas pu le faire.

L'expérience qu'il nous apporte est en tout cas importante pour nous. En venant de la Honda et en ayant encore des souvenirs frais de sa parenthèse Ducati, il sait ce qu'ils avaient de plus que nous. Maintenant, cette situation liée au COVID-19 nous fait perdre du temps à tous et nous avons dû annuler des tests. Nous avons essayé de maintenir Jorge à Dubaï, justement parce que nous devions faire un test à Motegi les 20 et 21 avril, mais malheureusement nous avons dû l'annuler.

Jorge Lorenzo, Yamaha Factory Racing

Comme Honda, vous êtes parmi les quelques constructeurs à pouvoir continuer à travailler sur la moto à Iwata, à la différence de ceux qui sont en Europe…

À Tokyo, ils ont peut-être fermé désormais, alors Honda ralentit peut-être un petit peu, mais à Iwata nous travaillons malgré tout parce que pour le moment il n'y a pas de personnes contaminées. Le problème, cependant, c'est que nous ne pouvons pas faire de tests, alors je ne crois pas que ce soit un gros avantage.

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Marc Márquez semble soudain avoir légèrement rétrogradé cet hiver...

Marc n'était pas encore à 100% avec son épaule pendant les tests. Il a subi deux opérations aux épaules [en 2018 et 2019] et la dernière semble lui avoir créé de plus gros problèmes que la précédente. La Honda n'avait peut-être pas non plus fait assez de kilomètres, mais le pilote à battre c'est encore lui.

Vous pensez donc qu'il est toujours favori, même si vous avez désormais deux pilotes en mesure d'attaquer, contrairement à Honda ?

Il suffit de voir ce qu'a fait Marc l'année dernière. Il a gagné les titres pilotes, constructeurs et teams seul, cela veut donc dire que cette façon de travailler paye. Il n'était sûrement pas à 100% et avec cette pause il a eu le temps de récupérer. Cela vaut aussi pour Maverick, qui s'est fait mal à l'entraînement. Une des rares choses positives de cette période est que lui aussi a réussi à récupérer sans manquer de course.

Il y a quelques jours, Razlan Razali a fait savoir qu'il souhaiterait garder Quartararo chez Petronas si jamais on ne courait pas cette année. En avez-vous parlé ?

C'est peut-être plus ce qu'il espère ! [rires] Avant toute chose, nous espérons que tôt ou tard les conditions seront réunies pour repartir. Mais si au final cette année ne devait pas se faire, nous courrons en 2021 avec des équipes différentes [de celles de 2019].

Propos recueillis par Matteo Nugnes

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