KTM s'explique : il fallait "penser à la sécurité" de Zarco

Le constructeur autrichien justifie le remplacement de Johann Zarco pour le reste de la saison par son manque de motivation, le fait que la RC16 ne le rendait pas heureux et le besoin, dans ce contexte, de ne pas le mettre en danger.

Johann Zarco, Red Bull KTM Factory Racing

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Le court transit entre Misano et Alcañiz a été marqué par un nouveau rebondissement dans la situation de Johann Zarco, KTM ayant décidé de mettre un terme immédiat à la saison du Français et de le remplacer par Mika Kallio pour les six Grands Prix à venir. Si le double Champion du monde Moto2 a admis avoir un peu de mal à digérer ce brusque arrêt de son championnat, Mike Leitner, team manager de l'équipe officielle KTM, a souhaité livrer le point de vue du constructeur autrichien en s'entretenant longuement avec la presse jeudi sur le MotorLand Aragón. Il indique ainsi que le manque de motivation perçu chez le Français et le fait que ce projet ne le rendait pas heureux ont poussé l'ensemble du groupe à cette décision.

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Pour KTM, les difficultés majeures rencontrées par le pilote ont été évidentes très tôt, dès le test de Valence qui l'a vu débuter au guidon de la RC16 en novembre dernier. "Dès le premier moment, il n'a pas vraiment réussi à obtenir de bonnes sensations sur notre moto. De notre côté, du côté technique de l’équipe, nous avons tenté beaucoup, beaucoup de choses pour lui donner de meilleures sensations. Nous avons poussé fort, et il y a eu quelques bons moments, puis à nouveau ça n'a pas été bon, alors que de l'autre côté Pol [Espargaró] était de plus en plus performant", explique Leitner. L'arrivée de Dani Pedrosa dans le programme de test a aussi poussé KTM à "essayer de comprendre quelles sensations manquaient vraiment pour que Johann puisse être performant" sur la RC16, en vain d'après le team manager.

Puis est arrivé le GP d'Autriche, où après les qualifications Johann Zarco a requis auprès de KTM un entretien, expliquant alors qu'il ne pouvait faire deux saisons de la sorte. Une démarche rarissime et qui a mené à immédiatement s'accorder sur une rupture anticipée du contrat, mais aussi à des conséquences un mois plus tard avec cette nouvelle décision prise après Misano. "Quand un pilote vient vous voir en tant que constructeur et vous dit 'je ne veux pas piloter la moto', on en arrive au point où il faut penser à la sécurité du pilote et au danger, car les pilotes prennent beaucoup de risques. Il est clair que KTM n'est pas une entreprise qui va forcer un pilote à faire des choses sur une moto qu'il n'aime peut-être pas", justifie Mike Leitner.

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Dans ce contexte, et alors qu'un mois avait passé depuis l'annonce de la séparation devant intervenir à la fin de la saison, KTM a finalement décidé de remplacer Zarco avec effet immédiat. Leitner indique que "la décision a été prise très rapidement après Misano" lors d'une réunion entre Stefan Pierer, PDG de KTM, Pit Beirer, directeur de KTM Motorsport, et lui-même. "Bien entendu, nous pensons à l'avenir du projet en général. Vous avez un pilote qui n'est pas à 100% heureux et vous savez qu'il arrêtera à la fin de l'année", souligne Leitner. "Il a eu encore un gros accident pendant le warm-up à Misano, il a eu beaucoup de chance de ne pas se blesser. Alors vous commencez à vous demander si, alors qu'il a déjà décidé d'arrêter ce projet, c'est la bonne façon de faire de le pousser pendant encore six courses à aller à la limite. Nous avons décidé, pour le projet et pour le futur, qu'il valait mieux faire venir dans le projet Mika, qui est de toute façon notre pilote de remplacement, et le laisser finir la saison."

"Une chose est claire : personne n'est heureux"

Interrogé sur l'attitude de Johann Zarco, parfois pointée du doigt, Mike Leitner s'est montré conciliant, tout en soulignant que d'aussi lourdes difficultés allaient logiquement pousser KTM à s'interroger sur l'avenir à court terme. "Ce n'est pas drôle quand dans votre tête vous voulez courir pour le top 5 et que vous ne pouvez pas y arriver. D'un autre côté, notre projet est très jeune et ce que nous avons obtenu en deux saisons et demie n'est pas si mal. C'est peut-être un point sur lequel Johann a été en difficulté, car ses attentes étaient beaucoup plus hautes. Et bien entendu, entendre constamment dans la presse que la moto est mauvaise, puis stopper le contrat à Spielberg… Et puis nous pouvons voir qu'il n'est pas heureux, alors quel avenir avons-nous ? C'était aussi [le souhait] des membres de notre conseil d'administration – car beaucoup de personnes sont impliquées dans ce projet, et c'est un gros investissement. La décision a donc été d'arrêter maintenant."

Johann Zarco, Red Bull KTM Factory Racing

"Une chose est claire : personne n'est heureux. Il n'est pas heureux de ne pas avoir pu atteindre son objectif et KTM n'est pas heureux. C'est clair à 100%. Mais tout le monde dans l'équipe ainsi que lui-même et les personnes autour voient la situation. Et pourquoi un pilote vient vous voir et vous demande de stopper un contrat de deux ans au bout d'un an ? Parce qu'il n'est pas heureux. Et voir un pilote sur votre moto qui n'est pas complètement motivé ou heureux, ça n'est pas agréable."

Nous avons essayé beaucoup de façons différentes de l'aider d'un point de vue technique, mais cela n'a pas fonctionné. Ce n'est pas que rien ne l'a aidé, ce n'était juste pas assez pour lui.

Mike Leitner

Ce manque d'adaptation dont chacun a été témoin vient-il de l'approche du pilote ? Si Leitner ne répond pas par l'affirmative à cette question lorsqu'elle lui est posée, il souligne que KTM a fourni beaucoup d'efforts, en vain. "Johann n'est pas une mauvaise personne. Il n'est pas un mauvais pilote. Mais d'une certaine manière, il ne s'est pas connecté à la moto. C'est le plus important car au final, pour faire des temps il faut avoir de très bonnes sensations sur la moto. Nous avons essayé beaucoup de façons différentes de l'aider d'un point de vue technique, mais cela n'a pas fonctionné", explique-t-il. "Nous avons beaucoup travaillé sur le châssis, avec différents châssis et réglages. Beaucoup, beaucoup de choses. Ce n'est pas que rien ne l'a aidé, ce n'était juste pas assez pour lui."

Par ses explications, Mike Leitner semble indiquer que ce qui a finalement péché, c'est le souhait de Johann Zarco de mettre un terme à ce projet si tôt. "Nous savons que ce sera très difficile, mais nous savons aussi ce que nous ferons pour le développement futur de la moto. Nous savons déjà ce que nous aurons dans quatre mois, six mois, huit mois. Nous travaillons dur. Peut-être même que cela aurait fini par l'aider. Le plus important dans un projet c'est le pilote, et quand le pilote est motivé vous pouvez bouger beaucoup de choses. [Mais] si la personne la plus importante n'est pas motivée ou veut arrêter, alors cela n'a pas de sens de continuer."

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"Nous ne bloquerons pas sa carrière"

Alors que le pilote français, lorsqu'il a requis la rupture de son contrat le mois dernier, a immédiatement dit vouloir finir la saison, il n'en sera donc rien. La nouvelle lui a été annoncée mardi, jour où elle a été rendue publique. "Bien entendu, sur le moment cela a été un choc pour lui", admet Leitner, qui reconnaît une forme de soulagement. "Tout le monde comprend les sportifs et tout le monde peut aussi penser à lui en tant que personne. Personne dans ce projet n'est heureux que nous ayons à en arriver là, mais nous savons que c'est un excellent pilote, c'est la raison pour laquelle nous l'avons recruté. Il a du talent et c'est un pilote MotoGP passionné. Il n'y a rien qui ne va pas de ce point de vue là. Mais quand vous voyez que le pilote, vraiment, ne se connecte pas à 100% au projet, c'est aussi un soulagement."

Le team manager précise par ailleurs qu'il n'est pas exclu que Johann Zarco puisse être libéré de son contrat avant la fin de la saison s'il en a besoin pour rejoindre une autre équipe : "S'il vient et qu'il a une option, nous serons très ouverts à la discussion avec lui à ce sujet." Ainsi, si jamais le Français avait l'opportunité de remplacer un pilote blessé, la situation serait donc étudiée. "Il est certain que nous en parlerions avec lui individuellement. D'abord, il faut que cela soit sur la table. Mais nous ne bloquerons pas sa carrière. C'est clair, ce n'est pas dans l'idée de KTM de faire quoi que ce soit de mauvais. C'est juste que cela n'a pas fonctionné. Mais nous avons eu une bonne conversation, j'ai longuement parlé avec lui [jeudi] aussi et je le respecte en tant que pilote et en tant que personne. Je pense que toute l'entreprise ressent cela."

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