Un Zarco trop négatif a fait perdre espoir à Beirer

Le responsable du programme MotoGP de KTM avoue avoir perdu l'espoir d'inverser la situation complexe dans laquelle se trouvait Johann Zarco avec la RC16 à force de commentaires trop négatifs de la part du pilote et d'émotions non contrôlées.

Johann Zarco, Red Bull KTM Factory Racing

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Pit Beirer, directeur de KTM Motorsport, a mis en avant l'esprit négatif qu'il a perçu chez Johann Zarco pour expliquer la décision du constructeur autrichien de le remplacer pour les six dernières manches de la saison. La recherche permanente par le Français de meilleures sensations au guidon de la RC16 et de performances de meilleure qualité aurait fini par occulter les signaux positifs que KTM aurait souhaité retenir, à l'image des résultats obtenus à Misano, au point de faire comprendre au responsable de l'équipe de Mattighofen que ce changement était nécessaire afin de relancer une bonne dynamique au sein de ses troupes.

"Pour nous, c'est clairement un moment triste", assure Pit Beirer, qui reconnaît l'échec d'un projet, celui de mener KTM au succès avec Johann Zarco. Et l'ancien pilote admet avoir admiré le Français lorsqu'il évoluait chez Tech3, où il affichait une solidité qui a convaincu KTM : "Nous avions vu ce que Johann réussissait à faire sur une moto satellite qui, techniquement, avait peut-être un an de retard sur la moto factory : il battait les pilotes factory. J'ai vu cela chez Johann, à quel point c'était un battant, peu importe le matériel qu'il avait ; il ne se plaignait jamais et ne regardait pas vers l'équipe officielle, il prenait juste sa moto et était plus rapide. Nous avons vu cela et nous nous sommes dit : 'Wow, c'est le gars qu'il nous faut !' Nous étions vraiment sûrs qu'il était notre homme, pour faire avancer le projet. Mais ça n'a pas fonctionné."

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"Johann, en tant que personne, est un garçon très sympa, fort, une personnalité atypique", souligne Pit Beirer. Mais lorsqu'il lui est demandé de préciser ce qu'il entend par là, il pointe une faiblesse dans le mental du Français : "Je veux dire surtout qu'il n'arrivait pas à contrôler ses émotions. Et je ne parle pas d'une chose ou deux pas très sympa qu'il a dites sur la moto. Ça, ça allait. Mais il se mettait énormément de stress quand les choses ne se passaient pas facilement. Et c'est ce qu'il recherchait tout le temps, cette facilité de pilotage. Or ça n'était pas le cas et il en devenait agressif."

"Je pense que pour avoir du succès à ce niveau en MotoGP, bien sûr il faut avoir des émotions et être puissant à certains moments, mais il faut aussi se calmer et analyser la situation. Et dans ces moments-là, il s'échauffait beaucoup", regrette-t-il. "Samedi dernier, à Misano, quand les choses se passaient bien, il n'arrivait pas à voir le positif et il se plaignait toujours des mêmes choses. Émotionnellement, il s'échauffe trop pour donner une direction claire."

Cette négativité a-t-elle contribué à cette décision prise par KTM après le Grand Prix de Saint-Marin de remplacer Zarco avec effet immédiat ? "Franchement, oui", répond Beirer, qui aimerait retenir la progression accomplie plutôt que le chemin restant à parcourir. "Nous sommes très fiers et heureux des progrès que nous avons pu accomplir ces dernières semaines, et nous avons pu voir que cela l'a aidé également. Ce samedi à Misano a été pour moi remarquable. Et puis ce qu'il a fait en Q2, où il n'avait pas de pneus frais mais a utilisé des pneus usés, et ce chrono qu'il a fait pour passer de la Q1 à la Q2 : là on a pu voir cette part incroyable de Johann, ce qu'il peut faire sur une moto. On a en tout cas fait un bon week-end, et puis le lundi nous apprenons [par ses commentaires dans la presse] que nous sommes revenus au point de départ… C'est là que j'ai perdu définitivement l'espoir que nous puissions inverser la tendance", admet-il.

Johann Zarco, Red Bull KTM Factory Racing

Pit Beirer assure ainsi que lorsque KTM et Johann Zarco se sont accordés le mois dernier pour rompre un an plus tôt que prévu le contrat qui les liait, il n'était pas question de mettre le pilote français à pied. "À ce moment-là, nous voulions encore finir la saison. Mais quelque chose a changé dans la tête des gens, chez moi, dans l'équipe. Petit à petit, vous commencez à vous demander ce que va apporter l'avenir, et puis nous avons aussi besoin de préparer cet avenir. Et je ne peux pas laisser 50% du projet inutilisé, sans faire d'essais, sans avancer avec notre moto. J'ai besoin que les deux côtés [du stand] et même que quatre [pilotes] poussent pour ce projet, or je n'ai plus vu cela chez lui. L'idée n'était pas là à Spielberg, elle est vraiment venue ces dernières semaines."

"Un signal dont avait besoin l'équipe"

Le responsable du projet souligne aussi à quel point il a souhaité en quelque sorte protéger son équipe en la replongeant dans un état d'esprit plus positif. "Je suis responsable de l'ensemble du projet, et on voit que les choses commencent à bien se passer mais il y a toujours 50% du projet qui est triste, parce qu'ils font beaucoup d'efforts mais nous en revenons toujours au même point. Il y a un moment où il faut décider : allons-nous de l'avant ou bien regardons-nous toujours en arrière ? D'une certaine manière, c'était aussi, je pense, un signal dont avait besoin l'équipe pour rester positive et continuer à travailler. Et nous n'avons pas Mika [Kallio] pour qu'il amène de bien meilleurs résultats, mais juste pour travailler à nouveau d'une manière beaucoup plus positive, et nous utiliserons les résultats d'aujourd'hui pour faire mieux demain."

"Il y a 100 personnes qui travaillent à l'usine et 34 sur le circuit, et tout le monde travaille pour cela. Je dois me battre pour avoir un énorme budget au sein de notre entreprise. Si vous prenez un budget MotoGP et que vous le rapportez à la taille de l'entreprise, je demande un budget énorme à notre entreprise. Et puis vous n'obtenez aucun mot [positif]. C'est très difficile alors de garder tout le monde motivé, de donner du budget et de continuer à travailler. Je n'ai jamais eu cela dans aucune discipline."

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Pit Beirer assure ne vouloir que du bon pour l'avenir de Johann Zarco, qui sera payé jusqu'à la fin de la saison malgré son absence des courses, et que KTM acceptera de libérer si jamais il devait avoir l'opportunité de rejoindre une autre équipe avant la fin du championnat. Il estime ainsi que cette expérience, rare et douloureuse pour les deux parties, pourra être bénéfique pour le pilote sur le long terme.

"Il a aussi appris quelque chose et il va désormais rentrer chez lui et repenser à ce qui s'est passé, où ça a complètement déraillé", estime-t-il. "Mais pour moi, quelque chose d'énorme est déjà arrivé lorsqu'il s'est séparé de Laurent Fellon [son ancien manager], parce que c'était aussi quelqu'un qui pouvait le guider mentalement. Je pense donc que nous avons aussi joué un peu de malchance en l'accueillant au mauvais moment, au moment il voulait devenir adulte, organiser sa vie lui-même et se séparer de ses anciennes relations. Je pense que certaines de ses anciennes relations étaient vraiment utiles pour le garder sur le droit chemin. Au final, il a besoin de grandir et toute cette histoire le rendra plus fort."

"Nous espérons pouvoir faire avancer notre projet. Et je souhaite clairement, et toute l'entreprise et l'équipe, tout le monde souhaite à Johann d'avoir un très bel avenir dans ce paddock. J'espère vraiment pour lui qu'il trouvera une place, une manière de revenir. Et c'est bien qu'après cette conversation que nous avons eue en début de semaine il soit venu ici pour quitter l'équipe d'une manière vraiment humaine et fantastique, pour dire au revoir à tout le monde. Mais je le répète, c'est une histoire triste pour nous."

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