Édito - Roborace et l'autonomie arrivent : il n’y a pas de retour en arrière !

Éduquer plutôt que faire accepter. Telle est la devise de Roborace, qui doit faire comprendre à toute une audience que le futur de l'humanité passe par la mobilité autonome, connectée, et qu'il vaut mieux s'y préparer que le renier.

La voiture de RoboRace

Photo de: Damien Martinière

Denis Sverdlov le sait mieux que quiconque : faire passer la pilule à un monde peu préparé à l’arrivée généralisée et imminente de la voiture autonome, c’est-à-dire sans conducteur, et expliquer la façon dont elle va faire évoluer la société bon gré mal gré dans les prochaines décennies, n’a rien de simple.

Pourtant, s’il y en a un qui inspire à la fois réalisme pragmatique et enthousiasme rêveur pour le futur, c’est bien le souriant PDG de Roborace. Un projet un peu fou de faire courir un plateau complet de 20 prototypes électriques et dépourvus de pilotes dans les plus grandes villes du monde, en marge du championnat de Formule E.

Et que vous l’aimiez ou non, cette idée est bel et bien une réalité. Il s’agirait d’un manque de jugement, voire d’un certain cynisme, par ailleurs, de penser que Roborace existe avant tout dans l’idée de séduire les fans de sport automobile que vous êtes sans doute. Car l’application de cette technologie et sa représentation dans un championnat s’adressent à un public bien plus vaste que la niche des férus de sport automobile. En réalité, tant mieux si les amateurs de sport s’y retrouvent au passage, mais les enjeux sont bien supérieurs, et la réception du projet est même bien meilleure en dehors de notre industrie. C’est pour tenter d’expliquer ceci que Sverdlov a accepté, entre des sollicitations de CNN, Bloomberg et d’autres groupes, dépassant le cadre des sports mécaniques, de répondre à nos questions lors d'une rencontre à Barcelone.

Présentation de RoboRace

Devoir convaincre les fans "vieille école" des sports mécaniques est-il excitant ?, lui demande-t-on pour lancer les hostilités. "Je ne crois pas qu’il s’agisse de les convaincre, non", rétorque-t-il du tac au tac. "Je crois qu’il s’agit de montrer ça. Il faut montrer de vraies voitures qui font la course. Beaucoup de fans traditionnels disent que ce n’est pas de la vraie course car il n‘y a pas d’humains, d’erreurs, de risques physiques. Mais en réalité, c’est faux. Car le développeur de logiciels, lui, peut faire des erreurs. Beaucoup d’éléments de la stratégie, de la gestion des collisions et de tellement d’autres éléments d’intelligence sont créés par l’humain. D’accord, on peut dire que ça n’est pas humain car un automate roule, mais c’est l’humain qui apprend au robot à être un bon pilote, et je vois beaucoup d’humain dans tout cela."

Un changement global pour l'auto en général

Sverdlov évoque ensuite la lecture d'une colonne écrite par le pilote Lucas di Grassi chez nos amis d'Autosport, pour illustrer son point de vue. " Je pense que l'on va voir un changement global dans l’industrie des sports mécaniques. Pour un pilote, il est important d’avoir une voiture similaire pour obtenir de la compétition. De façon à montrer son talent, ses compétences, en dehors de l’argent qu’a son team. C’est une partie de l’histoire. Mais une autre partie de l’histoire, c’est la technologie. Du fait que le futur de l’automobile est connecté, électrique et autonome, il faut de ça aussi ! Et c’est ici que cette technologie est testée et développée."

L'un des objectifs avoués de Roborace est de sensibiliser le citoyen au fait, inévitable, que l'automobile autonome arrive au cœur de nos sociétés et qu'elle va modifier profondément la façon dont nous vivons, sans retour en arrière possible. "Si vous allez dans la rue et demandez à des gens s’ils entreraient dans une voiture sans conducteur, conduite par des robots, ils diraient non !", opine Sverdlov. L’objectif de Roborace est d’en faire la démonstration, d’éduquer en le montrant. De produire une preuve, avec des faits, que la voiture autonome est bien plus sûre qu’avec un conducteur. Et la meilleure façon de le faire est dans des conditions extrêmes, car il est facile d’être convaincu qu’une voiture qui sait faire tout cela dans un environnement extrême sera capable de le faire sur nos routes. "Ça va se produire. Il n’y a pas de retour en arrière !", prévient Sverdlov, qui s'avoue étonné de voir tant de déni de la réalité pourtant imminente qui modifiera nos vies.

Un projet bien avancé et toujours en mouvement

À son échelle, Roborace doit maintenant prouver qu'un drone sur roues utilisé dans des conditions sportives est un ambassadeur tout trouvé pour des industries automobile et technologique qui se préparent depuis bien longtemps à ce grand virage sociétal.

"Je dirais que le plus grand pas est de produire l’auto en elle-même, avec tout ce package de technologies très avancées dans un organe si compact", décrit le PDG du projet. "Elle a l’air grande comme ça, mais l’espace utilisable est vraiment faible. Je pense que maintenant, il s’agit de voir comment ça va se développer. Au début, on faisait les premiers pas comme des bébés, et maintenant on développe et l’on voit arriver plus de technologies. Je ne crois pas que ce soit un si grand défi, maintenant. Ce n’est plus le début du voyage."

La voiture de RoboRace

Aucun doute n'effleure le Russe au moment d'évoquer sa vision de ce que sera le monde de l'automobile grand public dans les dix à 20 prochaines années. L'intelligence artificielle sera partout et les États se seront adaptés à cette nouvelle norme. "Je crois fermement qu’en 2020, on verra beaucoup, beaucoup de voitures autonomes sans aucune intervention du conducteur sur les routes. En termes de technologie, c’est absolument possible". Il faudra du temps pour adapter les lois à cela, mais c’est le futur. "C’est le futur, mais regardez cette auto : c’est le futur, et elle est là. Ça se passe maintenant."

Et à ceux qui craignent cette science-fiction que sont les courses entre robots, si tant est que la source de préoccupation doive être la pertinence d'un championnat sportif dans un contexte bien plus large, Sverdlov adresse un message ironique. Pourquoi les robots devraient-ils simplement courir entre eux ? Les humains et les droïdes pourraient s'affronter en piste, en simultané !

Laisser humain et robot s'affronter ?

"Je pense que nous serions prêts plus tôt que certains ne le pensent avec ceci", lance-t-il sur un ton de provocation réjouie. "Je ne lancerais pas une date en particulier mais ça va bientôt arriver. Peut-être dans une autre forme de compétition, comme avec l’humain sur un tour, puis le robot sur un tour, séparés, et regarder qui va le plus vite, pour commencer. Sous la pluie, par exemple, notre voiture est capable de calculer en temps réel les changements de traction et d’adhérence, de puissance à délivrer lors de chaque milliseconde ; ce qui est plus rapide que n’importe quel humain. En termes de technologie, la voiture autonome a plus de capacités que l’humain sur ces choses-là, d’un point de vue matériel."

Ne vous méprenez donc pas. Roborace n'arrive pas pour vous priver de personnalités hautes en couleur et de course telle que vous la connaissez. Le monde, en revanche, a besoin d'un laboratoire de développement extrême pour mettre au point les logiciels et technologies de demain, qui naîtront... avec votre aval ou non !

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