Interview

Interview avec Nigel Bailly, ambassadeur Cambox Meca

En moins de deux ans de sport automobile, Nigel Bailly a déjà multiplié les expériences. Cette année, au volant d'une LMP3 en VdeV, ses coéquipiers et lui-même se sont fait remarquer en signant trois premiers podiums dans leur catégorie, et même une 11e place au général au Mans. Autant d'étapes qui forgent l'expérience du Belge et le mènent vers l'objectif final de son engagement dans le projet de Frédéric Sausset : faire partie, en 2020, de l'équipage de pilotes invalides engagé sur les 24 Heures du Mans.

Nigel Bailly

Photo de: Massimo Molina

Pour parfaire son apprentissage, autant que pour offrir les plus belles images aux passionnés qui le suivent, Nigel Bailly a opté cette année pour la mini caméra embarquée Cambox Meca. Il nous explique ce choix.

Jeu concours :

Nigel, depuis quand utilisez-vous la caméra embarquée Cambox Meca et comment l'avez-vous connue ?

J'utilise cette caméra depuis la course VdeV de Navarra, en août. J'ai découvert le produit sur Internet, en parcourant les réseaux sociaux, et je m'y suis intéressé de plus près quand j'ai cherché un moyen de faire vivre aux gens ce que les yeux d'un pilote pouvaient retransmettre, et c'était la meilleure solution pour ça. On n'a pas besoin d'être un ingénieur en imagerie pour la faire fonctionner et on n'a pas nécessairement le temps de faire des montages quand on est en week-end de course ou même par la suite. C'est vraiment un très bon compromis : elle offre une grande facilité d'utilisation, de post-traitement, de réglages, et le son est également très bon. La qualité et le rendu sont excellents. Le principe est vraiment abouti et, pour moi, c'était vraiment la meilleure option.

Ces images semblent avoir une double utilité pour vous : à la fois une manière différente d'échanger avec le public, en leur offrant un angle de vue inédit, et un nouveau type d'informations pour vos débriefings techniques ?

Oui, je les publie sur les réseaux sociaux, où c'est un gros plus. Je trouve ça sympa, je crois que ça donne une autre dimension à ce que les gens peuvent voir et vivre, d'autant que la Cambox rend parfaitement le son tel qu'on peut le percevoir de l'intérieur de la voiture, que ce soit en voiture fermée ou non.

Ça permet aussi de revoir ce que l'on a pu faire, en bien ou en mal. Une fois que j'ai fait mon roulage, j'essaye de comprendre avec les personnes qui nous entourent quelles sont les erreurs éventuelles que j'ai commises. On peut analyser nos trajectoires et voir si nos positionnements sont bons, parce qu'avec la vue centrale de cette caméra on n'est pas déporté comme avec une caméra qui serait fixée sur le montant de la voiture ou sur le tableau de bord. Là, on est vraiment dans les yeux du pilote.

C'est un produit qui peut aider à pallier les problèmes ou les difficultés que l'on peut rencontrer, et qui permet aussi, en automobile, en moto comme en sport équestre, de garder certains souvenirs après de chouettes courses. C'est un tout. Moi, ça me permet de garder de beaux souvenirs de mes débuts en LMP3 et de mon premier championnat VdeV, j'en ai des traces que je n'aurais pas eues si je n'avais pas utilisé la Cambox.

Nigel Bailly

Est-ce que vous utilisez cette mini caméra dans tous les types de championnats dans lesquels vous êtes engagé ?

Cette année, il ne me restait que trois courses en LMP3 quand j'ai commencé à utiliser la caméra, alors j'ai fait Navarra, Le Mans et Estoril avec. Mais l'an prochain, je l'utiliserai dans trois championnats.

Puisque l'on évoque vos différents engagements sportifs, quel bilan tirez-vous de cette saison ?

Cette saison a été une grande découverte sur tous les plans. J'ai fait mes débuts en Rallycross, en SRX Cup, où nous avons fini quatrièmes au général. Ensuite, j'ai été sélectionné au sein de la Filière Frédéric Sausset et nous avons débuté au Paul Ricard au mois de mai. C'était vraiment la découverte la plus complète, parce que je n'avais jamais piloté de voiture aussi puissante, aussi technique, qui plus est sur un circuit que je ne connaissais pas du tout. Mes deux coéquipiers [Snoussi Ben Moussa et Takuma Aoki, ndlr] et moi-même étions tous les trois dans le même cas, une pure inconnue, et finalement ça s'est bien passé puisque nous avons fini notre première course. La suite a été prometteuse, nous avons réalisé quelques belles performances et nous avons été crescendo.

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Nous avions peu d'expérience et nous découvrions à chaque fois les circuits, mais nous avons réussi à faire mieux que certains pilotes valides et qui pratiquaient le proto depuis plusieurs années déjà. Nous commencions à hausser le rythme, si bien qu'à la dernière course que nous avons faite, au Portugal, nous étions troisièmes au général, à 6"7 du premier, avant de malheureusement connaître des problèmes mécaniques et de devoir abandonner. La performance est là, nous commençons à mieux comprendre la voiture, à prendre un peu de galon, à évoluer positivement. Il y a encore beaucoup de travail, mais le but est d'arriver au Mans en 2020 avec assez d'expérience et de faire les choses correctement. C'est une question de temps, d'entraînement, de roulage et d'expérience.

Vous avez effectivement un objectif grandiose : disputer les 24 Heures du Mans en 2020. Cela passe par un programme, celui de Frédéric Sausset, qui a la particularité de s'étaler sur presque trois ans. Quelle est votre approche ?

À ma grande surprise, j'ai été sélectionné dans la Filière Frédéric Sausset au mois de janvier. Je n'étais pas le plus rapide, mais ils ont jugé que j'avais ma place. Le principe de la filière, c'est de se projeter dans le temps. On commence à un échelon donné et on avance crescendo pour finir avec l'élite du sport automobile, aux 24 Heures du Mans. Avec la filière, nous avançons pas à pas. De toute façon, nous étions obligés de faire de la sorte : nous ne pouvions pas arriver au Mans en ayant aucune expérience, c'était hors de question. Le principe était donc de proposer un programme de trois années de roulage, à raison de 22 courses au total et, au final, en plein milieu de saison 2020 en ELMS, nous serons au Mans. Ça n'est pas anodin, c'est mûrement réfléchi de la part de Frédéric, et maintenant… il n'y a plus qu'à !

Les 24 Heures du Mans, c'est un rêve d'enfant qui se réalise ?

Oui, ça me fait complètement rêver ! Les 24 Heures du Mans, je les ai regardées en long, en large et en travers, derrière mon ordinateur ou à la télévision. C'est quand même LA plus grande course au monde, c'est immense et si on a l'occasion de le faire, il faut le faire. Je n'y suis jamais allé, mais pour 2019 il y a peut-être un programme Road to Le Mans en LMP3 qui nous attend, avec l'écurie SRT 41. Avis aux partenaires éventuels qui pourraient nous aider à mettre ça en place ! Ce sont des coûts supplémentaires, alors il faut voir si c'est possible financièrement.

Nigel Bailly

Vous êtes en fauteuil roulant depuis votre adolescence. Comment vous êtes-vous tourné vers le sport auto ?

J'ai eu un accident de motocross à l'âge de 14 ans. Je me voyais mal pratiquer un sport tel que le tennis, le basket ou le ping-pong, étant donné que j'avais toujours en moi cette envie de sports mécaniques. Deux mois et demi après mon accident, je remontais donc dans le baquet d'un kart et j'en ai fait pendant quelques années. Ensuite, j'ai fait mes études et à ma sortie je n'ai pas trouvé de travail malgré l'équivalent d'un BAC+6 en France. Je gardais un grand rêve, qui était de faire du sport auto, et j'ai rencontré les bonnes personnes au bon moment pour m'aiguiller, me conseiller sur comment je devais faire les choses. J'ai ensuite entamé une première saison en BGDC, le championnat belge d'Endurance. Peu de temps après, en juin 2017, j'ai entendu parler du projet de Frédéric Sausset, j'ai envoyé ma candidature et la décision est tombée en janvier 2018, puis l'aventure a commencé en mai. Beaucoup de choses se sont mises bout à bout pour qu'au final ça se réalise.

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Quelles sont les différences entre votre pilotage et celui des pilotes valides, et comment votre LMP3 est-elle adaptée à votre handicap ?

En tant que personne paraplégique, nous avons l'accélérateur devant le volant, un accélérateur électronique en forme de U. Et nous avons un frein sur le côté droit du volant, une poignée qui est repiquée sur la pédale de frein. Il faut mettre beaucoup de forces au moment de freiner, ce qui requiert une préparation physique assez intense. Il y a aussi un temps d'adaptation, puisque pour effectuer un freinage progressif sur ce genre de voiture, il faut emmener les freins relativement loin et ainsi permettre à la voiture de bien pivoter parce que l'avant a tendance à sous-virer. Pour Takuma et moi, il y a donc toujours un temps mort entre le moment où l'on relâche le frein et l'accélération de la voiture, tandis que pour un pilote qui utilise ses pieds il y aura toujours un croisement entre la fin du freinage et le début de l'accélération. Ceci étant dit, on ne cherche pas d'excuses, on sait très bien qu'on est plus lents qu'un autre sur ce type de voitures, mais notre objectif est de nous rapprocher à deux secondes au tour.

Le tout c'est d'apprendre, de rouler, de prendre de l'expérience, et aussi de faire corps avec la voiture parce qu'on ne la sent pas comme un autre pilote, qui joue beaucoup avec le bassin. C'est vraiment une autre technique à développer et au fur et à mesure nous tentons de nous rapprocher des meilleurs. Nous savons très bien que nous ne serons jamais aussi rapides que les meilleurs, mais en course il ne s'agit pas forcément d'être le plus rapide, il faut être le plus régulier, ne pas faire d'erreurs et avoir un peu de chance.

Quel est votre rapport avec les pilotes valides que vous côtoyez dans les championnats auxquels vous participez ?

Je pense qu'au départ, en voyant des pilotes à mobilité réduite former un team complet, à savoir deux personnes en chaise et une personne amputée, les gens dans le paddock nous prenaient un peu pour des rigolos. Mais, au fur et à mesure de la saison, quand ils ont vu que nous commencions à être proches du top 10, ils se sont dit que nous étions venus pour apprendre et pour faire les choses sérieusement. Ça force donc l'admiration et le respect, et à chaque fois que nous sommes montés sur le podium, les gens étaient surpris. On ne nous attendait pas au tournant de manière positive, mais plus de manière négative : est-ce qu'on va faire des erreurs ou être des obstacles pour les plus rapides ? Une fois qu'on est dans la voiture, sur la piste, je pense qu'il n'y a plus de différence. Notre différence est physique et elle ne nous permet pas d'aller chercher les meilleurs, comme je viens de l'expliquer, mais le principe c'est d'être régulier.

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