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LMP1 : cinq courses mythiques qui ont fait l'Histoire

S'il ne fallait en retenir que cinq, ce serait celles-ci. Revivez cinq épreuves qui ont écrit la légende du LMP1, catégorie qui aura disparu dans quelques jours…

#2 Audi Sport North America Audi R10: Allan McNish, Tom Kristensen, Rinaldo Capello

Photo de: Tom Haapanen

Ce week-end, la dernière manche du WEC disputée à Bahreïn va faire tomber le rideau sur l'une des périodes les plus passionnantes de l'histoire de l'Endurance. Depuis le retrait de Porsche fin 2017, la catégorie LMP1 a connu un déclin constant, n'ayant plus que Toyota pour unique constructeur engagé. Quand aux indépendants, ils ont peu à peu déserté, au point que la marque japonaise sera la seule présente à Sakhir. Néanmoins, à son sommet, le LMP1 a offert des joutes épiques, à l'image des duels entre Audi et Peugeot, puis entre Toyota et Porsche durant l'ère hybride. Alors que sonnera bientôt le glas, Motorsport.com a sélectionné cinq épreuves restées dans les mémoires, et dans l'Histoire.

2015 : 6 Heures de Silverstone (WEC)

#7 Audi Sport Team Joest R18 e-tron quattro : Marcel Fassler, Andre Lotterer, Benoit Tréluyer

Lors de la manche d'ouverture du WEC en 2015, Audi avait à Silverstone la voiture la plus rapide, une R18 e-tron quattro largement évoluée. Mais Porsche disposait d'un avantage clé sur la concurrence : la 919 Hybrid avait plus de motricité en sortie de virage. Le constructeur de Stuttgart était passé dans la classe à huit mégajoules avec la deuxième génération de son prototype, tandis qu'Audi était resté en 4 MJ. C'est ce qui donna lieu à une course intrigante et passionnante.

La lutte entre les deux constructeurs allemands atteignit son point d'orgue à la mi-course. Le pilote Audi Marcel Fässler était revenu dans les échappements du leader, Neel Jani au volant de la Porsche. Il le doubla à plusieurs reprises, sans jamais prendre un avantage définitif. À chaque fois, la Porsche le repassait comme une fusée dans la ligne droite de Wellington. Après un arrêt au stand, le combat continua entre André Lotterer et Romain Dumas.

Lotterer rattrapa la Porsche dans son deuxième tour et l'emmena au large dans un virage à droite. Son adversaire fut contraint de lever le pied, ce qui donna au pilote Audi la chance qu'il attendait. Lotterer était devant en arrivant à Brookland, puis dans Copse et jusqu'à Becketts, il put exploiter les niveaux élevés d'appui aérodynamique avec lesquels roulait l'Audi. "C'était un peu culotté, mais je devais briser son élan", se souvient Lotterer. "Je savais que s'il était encore devant moi en arrivant à Copse puis à Becketts, je me retrouverais loin."

À ce moment-là, la lutte en piste concernait la troisième place car les deux Toyota, qui n'avaient pas changé de pneus lors de leur précédent passage au stand, étaient en tête. Lotterer s'empara plus tard du commandement et l'Audi ne lâcha plus le leadership, en dépit d'une pénalité infligée en fin de course à Fässler.

2005 : 12 Heures de Sebring (ALMS)

#1 ADT Champion Racing Audi R8: JJ Lehto, Marco Werner, Tom Kristensen et #2 ADT Champion Racing Aud

Cette édition, l'une des plus belles dans l'histoire des 12 Heures de Sebring, fut le théâtre d'un duel entre les deux meilleurs pilotes d'Endurance de leur génération, à machine égale. Dans une course qui aurait pu tourner dans un sens comme dans l'autre, Tom Kristensen et Allan McNish s'affrontèrent jusqu'au bout au volant de leurs Audi R8 engagées par le Champion Racing.

Kristensen, J.J. Lehto et Marco Werner s'imposèrent finalement grâce à un coup tactique du muret des stands, sur lequel on retrouvait l'ingénieur Brad Kettler et le team manager Mike Peters, lors de l'avant-dernière salve d'arrêts. Kristensen était en passe de perdre la tête de la course au profit de McNish, qui partageait son proto avec Emanuele Pirro et Frank Biela. Le Danois avait besoin de pneus neufs, mais pas l’Écossais.

L'équipe de l'Audi #1 opta pour un ravitaillement plus court en carburant. Dans le même temps, McNish perdit une fraction de seconde en quittant les stands, bloqué par un caméraman inattentif, ce qui permit à Kristensen de reprendre la piste devant lui. Dès lors, il attaqua comme un damné avec ses pneus froids (il n'y avait pas de couvertures chauffantes en ALMS) et il était toujours devant lorsque les deux Audi abordèrent le dernier virage de ce tour de sortie. McNish était tout près, mais pas suffisamment pour doubler. Une fois les gommes Michelin montées en température, Kristensen parvint à creuser un écart suffisant avant le dernier arrêt au stand pour finalement s'imposer avec six secondes d'avance.

Aujourd'hui encore, McNish est convaincu que les événements de cet avant-dernier passage au stand lui ont coûté la victoire. "Si j'étais reparti devant, j'aurais pu prendre cet avantage lors de ce relais en pneus neufs", assure-t-il. "Réduire le ravitaillement de Tom était déterminant. Sans ça, je suis sûr à 99,9% que je l'aurais eu."

2011 : 24 Heures du Mans

En 2010, Audi avait eu de la chance dans sa quête d'une neuvième victoire au Mans, profitant d'une série de défaillances ayant touché les moteurs Peugeot. Un an plus tard, le dixième succès de la marque allemande dans la Sarthe fut arraché au terme d'une course marquée par le plus petit écart à l'arrivée dans l'histoire de l'épreuve.

Le niveau de performance était extrêmement proche entre la nouvelle Audi R18 TDI et la deuxième génération de la Peugeot 908. Mais le prototype allemand était économe avec ses gommes, tout en disposant d'un léger avantage en performance pure, tandis que les voitures françaises étaient capables de faire un tour supplémentaire par relais.

Outre ce point crucial, Audi fit face à un problème majeur, celui d'avoir perdu deux de ses trois autos durant les huit premières heures de course. Pour les deux tiers restants de la classique mancelle, tout reposait alors sur les épaules d'André Lotterer, Benoit Tréluyer et Marcel Fässler. "C'était à fond de bout en bout", se souvient Lotterer. "Je crois qu'il y a eu un changement de leader à 40 reprises [41, ndlr]. C'était un véritable thriller."

Audi s'imposa avec seulement 13"9 d'avance sur la Peugeot confiée à Sébastien Bourdais, Simon Pagenaud et Pedro Lamy. Mais le scénario aurait pu aisément tourner dans l'autre sens. Peu de temps après son avant-dernier arrêt au stand, Lotterer fut victime d'une crevaison. Si Audi l'avait fait rentrer immédiatement, la course aurait été perdue.

"Nous avions remarqué une crevaison lente, et rentrer dans ce tour aurait entraîné un arrêt supplémentaire [ultérieurement] nous faisant perdre la course", raconte Ralf Juttner, patron du team Joest. "Normalement, quand il y a une crevaison, on dit au pilote de rentrer prudemment au stand, mais nous avions laissé André en piste en lui disant d'aller plus vite. Nous n'avions pas le choix. Nous avions un très bon TPMS [système de gestion des pressions de pneus] à cette époque et nous avions vu que la pression avait chuté puis qu'elle s'était soudainement stabilisée. Je crois qu'il a fait deux tours supplémentaires, de manière à ce que la voiture reste dans la fenêtre d'arrêt au stand. Ainsi, nous n'avons pas eu d'arrêt supplémentaire à faire."

Lotterer est passé au stand dans le même tour que Pagenaud, qui était lancé à sa poursuite. Audi opta pour un changement des quatre pneus et conserva tout de même six secondes d'avance après cet arrêt. La Peugeot n'était pas chaussée de pneus Michelin, et Lotterer put ainsi s'échapper pour sceller la victoire.

2008 : Petit Le Mans (ALMS)

#1 Audi Sport North America Audi R10 TDI: Emanuele Pirro, Rinaldo Capello, Allan McNish

Allan McNish ne sait pas s'il doit rire ou pleurer quand lui revient le souvenir de Petit Le Mans 2008, à Road Atlanta. Cette manche de 1000 miles de l'American Le Mans Series fut le cadre de l'une de ses plus belles performances, mais aussi de l'une de ses plus grosses gaffes. McNish y décrocha une brillante victoire à bord de l'Audi R10 qu'il partageait avec Rinaldo Capello et Emanuele Pirro. Pourtant, il avait pris le départ avec deux tours de retard, après être parti en tête-à-queue puis avoir tapé le mur en rejoignant la grille de départ. "C'est un souvenir qui me fait toujours sourire, mais qui me fait aussi grimacer", confie McNish. "C'était une erreur très embarrassante."

Deux équipes de mécaniciens du team Champion se sont occupés de l'Audi, une fois celle-ci ramenée à son stand. Malgré les deux tours perdus, la voiture reprit la piste et réintégra le tour des leaders en 2h20. Mais ce n'était que le premier comeback. Car une série de problèmes vint retarder le prototype à mi-course : un problème avec le baquet de Capello, puis un problème de pneu résolu via un arrêt supplémentaire, et enfin un souci de surchauffe.

McNish ne semblait pas avoir le rythme pour revenir à hauteur de la Peugeot 908 de tête, pilotée par Nicolas Minassian, Stéphane Sarrazin et Christian Klien, mais le team Champion parvint à ramener une nouvelle fois l'auto dans le tour des leaders en effectuant deux arrêts durant la même intervention de la voiture de sécurité : un pour le carburant, l'autre pour les pneus.

À 36 tours de l'arrivée, McNish avait des pneus tendres neufs. Il dépassa l'une des Porsche LMP2 de Penske, puis la deuxième Audi, et rattrapa finalement Klien à bord de la Peugeot. Au virage 6, il tenta avec succès une manœuvre de dépassement agressive pour prendre la tête, avant de se défendre dans la ligne droite suivante pour garder l'avantage. McNish commençait à respirer mais il fallait bien un ultime rebondissement dans cette course incroyable : une ultime intervention de la voiture de sécurité, la onzième, l'obligeant à faire preuve d'une grosse défense jusqu'au bout.

2008 : 24 Heures du Mans

Son triomphe au Mans en 2008 avec Tom Kristensen et Allan McNish, Dindo Capello l'a résumé ainsi : "Quand les hommes battent les machines". Car l'Audi R10 TDI ne faisait pas le poids face à la Peugeot 908 sur le circuit de la Sarthe cette année-là. Mais avec trois pilotes ultra déterminés à son volant, elle s'imposa contre toute attente au point d'être considérée comme l'une des plus belles victoires de l'histoire des 24 Heures du Mans.

Stéphane Sarrazin avait décroché une pole position stupéfiante en se montrant plus de cinq secondes plus rapides que les prototypes allemands. Néanmoins, Audi savait que sa vieillissante R10 avait encore toutes ses chances. À condition qu'il pleuve… L'auto d'Ingolstadt l'avait démontré deux semaines auparavant, sur une piste détrempée lors de la Journée Test.

Les prévisions pour la course annonçaient de la pluie, donnant de l'espoir à Kristensen, McNish et Capello, ainsi qu'une mission simple : rester dans le match jusqu'à ce que la météo ne se détériore. C'est exactement ce qu'ils firent, au prix d'un effort herculéen de toute l'équipe allemande.

"Nous étions à la limite partout pour essayer de rester au contact des Peugeot", se remémore McNish. "Nous avions piloté chaque tour comme si nous étions en qualifications. Nous enclenchions la cartographie Safety Car à la fin des virages Porsche pour essayer d'économiser du carburant et faire un tour de plus que ce que nous aurions dû. Je me souviens être entré dans la voie des stands à la fin de mon premier relais et avoir été juste à la limite de la jauge de carburant. C'était la seule manière de rester au contact. Nous devions les maintenir sous pression, ou en quelque sorte rester dans le match, c'est un terme plus approprié. Nous savions que notre voiture était compétitive sur le mouillé, pas la leur."

Peu après la mi-course, la pluie est arrivée comme prévu. L'Audi était pratiquement à un tour du leader à ce moment-là, et une heure et demie plus tard, Kristensen était en tête. Après 18 heures, Capello donna un tour d'avance à l'Audi devant la Peugeot partagée par Jacques Villeneuve, Nicolas Minassian et Marc Gené. La firme aux anneaux avait pris l'avantage alors qu'il était de nouveau possible de délaisser les pneus pluie pour chausser les intermédiaires, au vu du changement des conditions.

Un coup de pouce supplémentaire vint aider Audi lorsqu'un problème de refroidissement toucha Peugeot. Les radiateurs étaient obstrués par un mélange de débris de piste trempés, que l'équipe avait comparé à du pâté. Toutefois, la course n'était pas encore totalement terminée. Kristensen partit en tête-à-queue après un contact avec une LMP2 à la chicane Dunlop, à deux heures du drapeau à damier. Puis la pluie fit à nouveau son apparition dans la dernière heure. Logiquement, Peugeot prit le pari de laisser Minassian en piste avec les pneus slicks, tandis que Kristensen monta des intermédiaires. Audi parvint à triompher malgré tout.

"Nous avons mis une claque", dira Kristensen. "Tout le monde a tout donné : les pilotes, l'équipe, les mécaniciens. Nous avons pris des risques en permanence, car c'était la seule manière de battre Peugeot. Sur le papier, nous n'aurions jamais dû gagner."

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