Les moteurs de l'Hypercar Peugeot expliqués en détail
Quelques heures après avoir dévoilé leurs choix techniques pour leur Hypercar en Championnat du monde d'Endurance, avec un moteur V6 biturbo de 2,6 litres associé à un moteur électrique développant 200 kW sur l'essieu avant, les dirigeants de Peugeot se sont exprimés en profondeur sur leur concept auprès de la presse française.
Messieurs, pouvez-vous revenir sur votre annonce du jour ?
François Coudrain (FC), directeur powertrain du programme WEC Peugeot Sport : Nous avons révélé les grandes lignes techniques du powertrain de la voiture, basé sur une architecture quatre roues motrices, un moteur thermique V6 2,6l à l'arrière, accouplé à une boîte de vitesses sept rapports qui propulse le train arrière. Sur le train avant, on a un moteur électrique dit MGU [Motor Generator Unit] avec son inverter positionné juste à côté qui, accouplé à une transmission simple rapport – donc un réducteur – vient propulser le train avant.
Le réservoir à carburant est positionné derrière le pilote, donc entre le pilote et le moteur, et la batterie est positionnée sous le réservoir. C'est une batterie complètement nouvelle, développée suivant un cahier des charges très spécifique lié à cette voiture, en codéveloppement PSA Motorsport – donc Peugeot Sport et Total Saft.
Le powertrain est complété par le système de pilotage, un calculateur qui va gérer l'ensemble de la chaîne de traction, à la fois en propulsion et la régénération, pour pouvoir gérer la répartition de couple entre l'avant et l'arrière, la récupération d'énergie, la gestion de l'énergie en carburant, la gestion d'énergie de la batterie…
L'architecture du V6 est-elle un choix que vous avez fait parce que c'est le plus judicieux pour vous, ou bien c'est réglementaire ?
FC : La réglementation, effectivement, a évolué. Déjà, nous sommes dans une réglementation qui n'a pas grand-chose à voir avec ce qui était fait dans le passé en LMP1. Avec la réglementation LM Hypercar, nous sommes contraints sur des paramètres fonctionnels. La puissance que l'on doit délivrer à la voiture, de mémoire, était de 585 kW il y a un an. Avec le travail qui a été fait par l'ACO, la FIA et l'IMSA pour faire converger les deux catégories, LMH et LMDh, il a été décidé de réduire la puissance des moteurs à 500 kW. Cette décision a été prise au mois d'avril, et il était encore temps pour nous de considérer l'architecture de notre moteur.
Nous avons donc décidé, par rapport à cette contrainte de 500 kW, de partir sur un moteur V6 qui nous semble être le meilleur compromis entre performance, intégration du moteur dans la voiture, architecture générale ainsi que fiabilité, masse et hauteur du centre de gravité. C'est un faisceau de contraintes qui nous a conduit à faire ce choix qui nous semble être l'optimum.
La répartition en puissance, c'est 50/50 ?
FC : La réglementation impose une puissance totale, sur les quatre roues, de 500 kW. À l'avant, on est borné à 200 kW. Vous pouvez faire le calcul : quand on est en boost maximum sur la partie électrique, on booste de 300 kW sur les roues arrière par le moteur thermique et de 200 kW sur les roues avant.
Est-ce que quand vous n'êtes pas sous boost, vous avez le droit sur le moteur thermique d'être à 500 kW ?
FC : Nous sommes dans plusieurs phases de vie à 500 kW sur le moteur thermique. D'ores et déjà, avant 120 km/h, nous n'avons pas le droit d'activer les quatre roues motrices. Nous sommes en propulsion pure en dessous de 120 km/h, donc le moteur thermique délivre les 500 kW. Au-delà des 120 km/h, la machine électrique avant délivre ces 200 kW, donc le moteur passe en sous-charge, et il commence à puiser dans la réserve de la batterie. Quand la batterie est vide, le moteur thermique prend le relais pour compléter jusqu'à 500 kW. Dans plusieurs phases de vie, le moteur thermique et le moteur électrique équilibrent l'énergie qui est restituée à la voiture pour ne jamais dépasser les 500 kW sur les quatre roues.
Est-ce que, dans certaines phases, vous allez régénérer la batterie par les roues avant alors que le moteur thermique délivre ses 500 kW ?
FC : Oui, il y a une tolérance réglementaire qui permet de booster à 3% de plus que les 500 kW le moteur thermique arrière. Pour être très précis, ça nous fait un moteur thermique arrière qui va délivrer 515 kW, pour réaliser une pré-charge de la batterie à hauteur de 5%, donc 15 kW. La batterie va freiner les roues avant de 15 kW, et le moteur thermique va compenser de 15 kW cette énergie captée.
Quelles sont la capacité et la puissance de la batterie ?
FC : La batterie a été développée spécifiquement par rapport à nos contraintes de spécification voiture. Nous avons fait le choix, avec Saft, de cellules très spécifiques dédiées à cette architecture de batterie. Nous avons développé des modules et une batterie qui répondent complètement à notre besoin. 900 volts, c'est le compromis que nous avons trouvé en termes de densité de puissance et de densité d'énergie. Néanmoins, nous ne donnerons pas davantage de précisions sur la capacité.
Sur ce point-là, y a-t-il a des contraintes réglementaires ?
FC : Il n'y a aucune contrainte réglementaire, ni de masse, ni de capacité. D'une manière générale, c'est une très bonne question : le règlement nous laisse très, très libres en termes d'architecture de composants. Nous sommes contraints sur des paramètres fonctionnels d'utilisation de la chaîne de traction par rapport à la voiture, la puissance notamment – nous devons respecter une courbe de puissance.
Toute la partie architecture des composants est libre. C'est aussi pour cette raison que Peugeot Sport a décidé de s'engager en LMH, pour nous permettre de nous exprimer complètement en termes de développement de composants par rapport à l'expérience que l'on a acquise notamment sur la 508 Peugeot Sport Engineered, avec des composants assez proches de ce que nous prévoyons de faire en Hypercar.
Est-ce que ce sera assimilable à l'hybride rechargeable ?
FC : C'est une hybride rechargeable du même type que ce que l'on utilise aujourd'hui sur une 508 PSE, c’est-à-dire que la voiture partira des box batterie pleine. Nous aurons des chargeurs dans les box qui nous permettront de garantir le bon rechargement de la voiture. Par contre, lors des arrêts au stand, nous ne ferons que du plein en carburant, nous ne ferons pas d'appoint d'énergie électrique au moment des ravitaillements. Toutes les recharges se feront par la captation d'énergie au freinage.
Nous sommes complètement dans une architecture d'une 508 hybride, c’est-à-dire que l'on part avec la batterie complètement chargée, et ensuite, la gestion électronique embarquée dans la voiture permet de gérer l'énergie au mieux, de capter l'énergie au freinage afin de la restituer à l'accélération.
Quels constructeurs aujourd'hui travaillent comme vous sur cette catégorie LMH ?
Jean-Marc Finot (JMF), directeur de PSA Motorsport : À ce stade, nous sommes deux engagés. Cela fait un peu plus d'un an que nous sommes déclarés, et Toyota était déjà engagé. Il y a des informations selon lesquelles d'autres constructeurs arriveraient. Le fait qu'il y ait deux grands constructeurs comme Toyota puis Peugeot montre l'intérêt et l'attractivité de la formule. Nous pensons qu'il y a d'autres constructeurs qui vont se déclarer, mais il ne m'appartient pas de faire des suppositions sur les différents candidats. Nous serons ravis d'avoir des partenaires de jeu dans ce grand challenge.
A-t-il été envisagé d'adopter la voie du LMDh pour pouvoir courir en IMSA ?
JMF : C'est un projet Peugeot Sport. Les marchés de Peugeot, à ce stade, sont les marchés sur lesquels se déroulent les courses du WEC. Nous n'avons pas d'option IMSA dans notre programme.
On sait que les voitures engagées en WEC feront l'objet d'une équivalence de technologie nivelant les performances. Dans quelle mesure cette perspective a-t-elle influencé les choix de conception de ce powertrain ?
Olivier Jansonnie (OJ), directeur technique Peugeot Sport : Nous avons considéré depuis le début du projet que la performance serait nivelée par la Balance de Performance et nous avons essayé d'extraire de nouveaux leviers de performance, qui ne sont plus forcément les mêmes que ceux que l'on aurait dans un règlement plus ancien tel le LMP1. Dans tous les choix d'architecture que nous avons pu faire sur la voiture, nous avons essayé d'intégrer à l'avance la contrainte de la Balance de Performance. Y compris sur l'architecture moteur.
Où en êtes-vous dans le développement de ce powertrain ? Avez-vous déjà commencé les tests au banc, et quand prévoyez-vous les tests en piste ?
FC : Le moteur thermique, effectivement, est sur le chemin critique du planning. Nous avons commencé par faire les premières échelles de définition il y a quelques semaines. Il est prévu de mettre un premier moteur au banc au printemps 2021. Nous ne pouvons pas vous dire actuellement précisément la date.
Ensuite, nous mettrons un powertrain – c'est-à-dire toute la chaîne de traction : moteur, boîte de vitesses, système hybride – sur un banc ici à Satory, à l'automne, entre septembre, octobre et novembre, pour préparer le premier roulage de la voiture, qui aura lieu en décembre. Quand nous ferons le premier roulage de la voiture, le powertrain complet aura déjà roulé sur un banc GMP [groupe motopropulseur, ndlr] quatre roues motrices ici à Satory, piloté par l'ensemble de ces calculateurs et tous ces systèmes embarqués.
Avez-vous une idée de quelle sera la première course à laquelle Peugeot participera en 2022 ?
OJ : Nous, nous n'y pensons pas. L'idée, c'est que nous avons construit un planning qui nous amène jusqu'à un premier roulage en essais à la fin 2021.
Ensuite, nous connaissons un petit peu les difficultés de cette catégorie, notamment celle que nous aurons certainement pour atteindre le niveau de fiabilité nécessaire pour pouvoir aligner une voiture en course, je pense plus particulièrement aux 24 Heures, c'est un peu la question qui est sous-jacente. Pour aligner une voiture aux 24 Heures avec une chance raisonnable de terminer et de gagner. D'autant plus que nous sommes dans une configuration de voiture homologuée, c'est-à-dire que le jour où nous mettrons une voiture en course, ce sera homologué et donc figé jusqu'à la fin 2025.
Aujourd'hui, nous ne sommes pas capables de répondre à la question de la date exacte de mise en course parce que nous ne connaissons pas le niveau de fiabilité que nous sommes capables d'atteindre entre le début de nos essais à la fin 2021 et la première mise en course. Ce qui est clair, c'est que pour la raison que j'ai évoquée, d'une le niveau de fiabilité et de deux l'homologation, nous ne nous précipiterons pas au risque d'être ensuite pénalisés pendant les quatre années qui suivent.
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