Paul Bellamy, patron du WRX : L'avenir du sport auto doit être électrique

Ce week-end, le Championnat du monde de Rallycross (WRX) reprend ses droits en Suède, pour une saison désormais faite de sept manches et avec l'espoir de retrouver du public sur site à partir de la manche organisée en Lettonie.

Andreas Bakkerud, RX Cartel, Timmy Hansen, Team Hansen

Andreas Bakkerud, RX Cartel, Timmy Hansen, Team Hansen

FIA World Rallycross

#ThinkingForward

Série d'entretiens #ThinkingForward avec les leaders des sports mécaniques

Les équipes ont surmonté la tempête provoquée par le COVID-19 et la discipline se tourne avec optimisme vers un avenir électrique à partir de 2022. 

Dans le cadre de la série d'entretiens #ThinkingForward avec des grands dirigeants des sports mécaniques, nous avons échangé avec Paul Bellamy, directeur général d'IMG Motorsport, promoteur du World RX. Il estime que le sport automobile doit passer à l'électrique dès que possible afin de conserver l'implication des constructeurs, tout en assurant qu'il restera une place pour les moteurs à combustion dans les catégories indépendantes. 

Paul Bellamy, SVP FIA World Rallycross Championship

Paul, le WRX reprend ce week-end en Suède. Commençons par expliquer ce qui rend le World RX si particulier ?

Ce sont des courses de courte durée. Chaque course ne dure que six minutes, soit quatre tours. Et c'est de la course en face-à-face. Il n'est pas nécessaire d'être un passionné de sports mécaniques pour apprécier la discipline, ce qui est génial car cela nous permet d'attirer du public. Je sais que je pourrais faire venir n'importe quel fan de sport sur une course de Rallycross, ou lui faire regarder à la TV, en lui disant : "Regarde, chaque manche ne dure que six minutes", et ainsi le convertir. C'est ce qui rend le Rallycross si enthousiasmant.

Start action

Comment avez-vous traversé le confinement et quelle a été l'incidence sur le championnat, au-delà du fait évident de ne pas avoir pu organiser d'épreuves ?

Nous sommes un sport qui requiert un public présent sur place pour nos promoteurs. Ça a donc été très difficile pour nos partenaires promoteurs. Nous avons réussi à relancer la compétition à huis clos avec deux promoteurs, en Suède et en Finlande. 

Mais je crois que le plus important pour surmonter toute cette période de COVID-19 a été l'eSport, le WRX s'y est mis. Nous avons été capables d'organiser un championnat eSport, d'attirer un nouveau public, et ça a vraiment aidé à maintenir le Rallycross au premier plan dans l'esprit des gens au cours des trois ou quatre derniers mois. 

Vous avez enregistré de très bons chiffres (avec le championnat géré par Motorsport Games), et beaucoup de monde a dit que parmi tous les championnats d'eSport organisés durant cette "saison virtuelle", le WRX était peut-être le plus authentique et le plus passionnant à bien des égards. Il y a aussi eu de grands noms venus de l'extérieur, comme Charles Leclerc et Shane van Gisbergen. Mais il y a également un aspect accessible, qui ouvre vraiment des perspectives pour attirer de nouveaux fans. C'est votre sentiment ? 

Oui, ça l'est. Les gens qui n'étaient pas forcément des fans de Rallycross ou n'en avaient jamais vu, mais qui étaient des joueurs, ont pu venir. Et je pense que la beauté là-dedans, c'est qu'ils ont pu interagir avec des professionnels et courir contre eux. Car une fois encore, c'est de la course en format court, et Codemasters a fait un travail fantastique avec le jeu vidéo, a attiré de nouvelles personnes, et nous espérons ensuite les convertir en fans. Il y a aussi ce pont qui permet de passer de l'eSport à l'engagement en Rallycross, puis de tracer sa voie à travers les championnats annexes. Ça a fonctionné pour nous. L'eSport est fantastique car cela permet de bâtir une base de fans, de les attirer rapidement. 

Revenons à la compétition réelle. Vous êtes un Championnat du monde, la Formule 1 a été le premier sport majeur à reprendre et à se déplacer géographiquement, à franchir les frontières : qu'avez-vous pu apprendre de leur expérience ?

Très tôt, la FIA a sagement rassemblé tous les promoteurs de Championnats du monde avec des réunions téléphoniques régulières, lors desquelles nous pouvions partager des informations. Avec nos collègues de la Formule E, du WEC, du WRC et de la F1, nous avons échangé et partagé les meilleures pratiques pour les "recommandations de retour à la course", et c'est ce que nous avons fait avec les tests. Je pense que l'un des grands points positifs qui est ressorti de cette pandémie, c'est que nous ne nous sommes pas retrouvés une seule fois dans l'année avec nos collègues des autres Championnat du monde, mais plus régulièrement. Cela a été vraiment utile, c'était davantage comme une famille, la famille FIA, et nous nous sommes entraidés. Il y a eu des croisements et du partage au sujet des meilleures pratiques, ce qui nous a énormément aidés.

Parlons un peu des constructeurs, car naturellement, cette crise sanitaire a été dure pour eux aussi. Vous avez connu vos propres difficultés avec le soutien des constructeurs en 2018. Plus généralement, comment voyez-vous leur participation dans la discipline à l'avenir ? Bien sûr, la raison pour laquelle ils investissent n'a pas vraiment changé. Mais leur capacité à le faire et le niveau d'investissement se réduiront clairement à court terme. À quel point pensez-vous que le sport automobile sera important pour eux à l'avenir ?

Je pense que tout dépend de ce à quoi ressemblera le sport automobile. Nous sommes restés en contact étroit avec les constructeurs durant tout le processus. Ce n'est pas un secret, ils ont quitté le Championnat du monde il y a un an. Et c'était normal car leur stratégie marketing était de soutenir les nouvelles technologies, que ce soit l'hybride ou l'électrique, et nous n'étions pas prêts à passer à l'électrique à cette époque. Nous allons de l'avant et la manière dont je le vois, c'est que la compétition avec des moteurs à combustion a toujours sa place en sport automobile, mais probablement pour les indépendants et pour les plus romantiques d'entre nous. L'avenir pour l'implication d'un constructeur sera la nouvelle technologique, qu'elle soit hybride ou électrique, et du point de vue du Rallycross, nous croyons que ce sera l'électrique. Le projet avec la FIA est que le Championnat du monde soit électrique en 2022. Je pense que c'est là que nous commencerons à voir l'engagement des constructeurs pour un retour, puis peut-être un an plus tard, une fois qu'ils auront vu comment ça se passe pour le championnat. C'est là que l'argent du marketing reviendra. Mais le projet et la stratégie ne devraient pas être de laisser totalement de côté la compétition avec le moteur à combustion. 

Andreas Bakkerud, Monster Energy RX Cartel, Kevin Hansen, Team Hansen MJP

Avez-vous des signaux positifs des constructeurs quant à cette orientation ?

Oui, nous parlons régulièrement avec eux. Nous les tenons au courant de ce vers quoi nous allons. Ils sont toujours très contents d'avoir de nos nouvelles et nous demandent de les tenir informés. Nous avons annoncé que nous aurions de la compétition électrique ce week-end en Suède avec Project E, et nous sommes enthousiastes. Il y a Ken Block qui vient, ce qui aide énormément, car c'est un nom célèbre et il est vraiment enthousiasmé par le passage à l'électrique. J'ai le sentiment que nous sommes sur la bonne trajectoire, et les constructeurs sont tous très enthousiastes. Avec Ken, Ford a été très impliqué pour Project E, et nous parlons avec eux régulièrement au Royaume-Uni quant à l'engagement de Ken et la manière dont ils peuvent nous aider. 

Ken Block's Ford Fiesta ERX 2020 livery

Si l'on va un peu plus loin, quelles sont les autres mesures que vous prenez pour assurer la pérennité du championnat, en cherchant à innover tout en maintenant les fans historiques : l'équilibre entre électrique et combustion, etc ? Quel est votre raisonnement à ce sujet et comment y parvenir ?

En Rallycross nous sommes très chanceux : lors d'un week-end, nous avons 80 courses car il y a un certain nombre de catégories annexes, donc en ce qui concerne l'avenir de la discipline, nous pouvons combiner les deux. La vision générale, c'est que le Championnat du monde sera électrique en 2022. Mais les catégories annexes conserveront un moteur à combustion car ce sont des indépendants, ils ont des voitures qui doivent courir quelque part. Si nous faisons bien les choses de cette manière, cela combine l'ancien et le neuf. Je suis certain que les fans historiques de Rallycross ne voudront pas en entendre parler. Mais il y a toujours cet élément dans la nature humaine qui est de dire : "Je n'aime pas ça, mais je vais regarder, juste pour me prouver que je n'aime pas ça". Je crois que lorsqu'ils comprendront, ou quand ils verront la technologie derrière tout ça, le fait que les voitures ont un véritable couple et iront plus vite, seront toujours au contact, alors ils commenceront à regarder. 

Ensuite, il faut coupler ça avec la nouvelle génération qui cherche actuellement à acheter des véhicules électriques. En général, les voitures qui participaient auparavant au Rallycross étaient la Ford, la Peugeot ou la VW issue d'un marché pour lequel les gens pouvaient s'identifier en voyant les voitures en piste puis en allant les acheter. Tous les jeunes à qui j'ai parlé, ceux de la génération de mes enfants, pensent aux véhicules électriques. Si vous voulez conduire en centre-ville désormais, et pas seulement dans les capitales, il faut avoir une voiture électrique. 

Je pense que les constructeurs ont connu une grosse période avec les nouveaux véhicules et les nouvelles voitures. Cela va accélérer le changement pour l'avenir. Selon moi, une fois que les clients comprendront que le futur arrive plus vite que prévu, ceux qui aujourd'hui s'abstiennent de faire un achat opteront pour un véhicule électrique, ou qui n'est pas diesel ni essence. Si l'on observe ce qui se passe sur le marché des vélos électriques, il a explosé pendant le confinement. Cela démontre que la société adoptera les véhicules électriques plus vite que prévu.

Revenons à la problématique du public sur les épreuves : à quoi ressemblera 2021 et est-ce qu'il y aura un retour à la normale à un moment donné ? Ou est-ce probable que cela prenne plus de temps ? 

Je pense qu'il y aura une transition. Nous n'allons pas revenir à des niveaux normaux immédiatement en 2021, je ne le crois pas. Je pense que tout dépendra de la rapidité avec laquelle nous trouverons un vaccin, et de quand les gens accepteront de revenir voir des courses. Une fois de plus, les sports mécaniques ont un énorme avantage, car les compétitions se font dans une zone bien plus vaste. Ce n'est pas contenu dans un stade. Il y a moyen de faire revenir les fans plus rapidement que pour du football ou du rugby. 

Niclas Grönholm, GRX Taneco, Anton Marklund, GC Competition

Si l'on pense à la manière dont se fait le lien entre le sport et son public, le WRX est rapide, dynamique, engageant, se met par nature au numérique, aux réseaux sociaux, etc. Mais quelles innovations préparez-vous pour les années à venir afin de faire croître cet engagement ?

Nous en parlons avec notre sponsor principal, Monster. Le sponsoring traditionnel va vivre des moments difficiles. Quoi qu'il en soit, le modèle de sponsoring a changé, passant de la fantaisie d'un président qui aime un sport en particulier au besoin de retour sur investissement. Ce que nous avons découvert, c'est que beaucoup de nos sponsors veulent faire de l'activation sur place. En raison de cette pandémie, ils ne peuvent pas le faire. Nous n'aurons pas de fan zone cette année. Nous avons dû essayer de créer de nouveaux modèles pour leur permettre d'afficher leurs marques et d'interagir. Une grande partie de ces efforts sera axée sur le contenu. 

Ce sur quoi nous avons travaillé durant cette pause forcée avec Monster, c'est créer un show OTT qui soit présenté par leurs soins, qui apporte aux fans quelque chose de plus par rapport à ce qu'il y a habituellement. Il ne s'agit pas simplement de contenu et de diffusion de course, car c'est ce qu'ont nos diffuseurs. Ça va au-delà. C'est une manière d'interagir avec les fans. Ce sera diffusé gratuitement, et le but est de renforcer l'audience du Rallycross mais aussi d'en faire venir une nouvelle. Nous lancerons cela ce week-end, le dimanche soir nous aurons un show de 30 minutes et il sera sur la plateforme WRX. Ce sera ouvert aux diffuseurs ainsi qu'aux autres plateformes. 

Pour finir Paul, nous avons vu tout au long de l'été des messages très forts autour de la compétition. Nous avons vu toutes sortes d'initiatives pour favoriser la diversité et l'accessibilité. Nous avons déjà parlé de viabilité. Pensez-vous que nous sommes désormais à un moment où le sport doit faire preuve de détermination pour avoir un avenir ?

Oui, je pense que c'est le cas. Et je crois que nous sommes dans une position de force pour mener cela. Cela a été lancé par la FIA. Je pense que les gens remarqueront que grâce au sport, il y a une manière différente d'attirer l'attention. Nous avons de la chance car le Championnat du monde de Rallycross est relativement jeune. Il n'y a donc pas de vieilles barrières à faire tomber. Pour nos trois derniers Champions du monde, ce sont des directrices d'équipe qui sont allées chercher le trophée à la fin de l'année : Susann Hansen et Pernilla Solberg. C'est fantastique. Le Rallycross se met à adapter des voitures et nous avons pu faire participer un certain nombre de pilotes handicapés ; il y a Mats Ohman qui fait toute la saison. Ce n'est pas une discipline onéreuse pour s'engager, et cela fait tomber directement les barrières. Les jeunes qui ont du talent mais peut-être pas les possibilités, nous espérons les toucher à travers l'eSport et d'autres domaines. Il y a de la place pour des gens talentueux issus de tous les horizons afin qu'ils s'impliquent et gagnent leur vie dans ce sport. C'est ce que nous essayons d'encourager. 

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