Interview

Interview exclusive - Ogier : "Latvala reste mon plus dangereux rival"

Dans la première partie de cet entretien, le triple Champion du monde parle de la saison 2016 en passant en revue ses adversaires – tant les équipes concurrentes que ses équipiers au sein de Volkswagen Motorsport.

Le vainqueur Sébastien Ogier, Volkswagen Motorsport

Le vainqueur Sébastien Ogier, Volkswagen Motorsport

Red Bull Content Pool

C'est entre deux vols, en se rendant en Suède, que Sébastien Ogier s'est adressé en fin de semaine dernière à Motorsport.com depuis l'aéroport de Stockholm où il ne voyait “pas un brin de neige” au dehors. Il n'était pas encore question, en tout cas pas officiellement, d'annulation ni de réduction éventuelle du nombre de spéciales en raison de la météo, mais le pilote savait que ce rallye ne serait pas disputé dans de véritables conditions hivernales et que cela ne serait pas une tâche facile.

“Dans ces conditions”, nous dit-il, “cela va encore avec les pneus et les clous en début de spéciale mais comme ils se dégradent très rapidement, les fins de boucles deviennent très compliquées.”

Ce constat effectué, il était temps de parler plus généralement de cette saison qui ne fait encore que commencer...

Quel objectif peut-on se fixer quand on a déjà gagné trois titres consécutifs et plus de la moitié des manches l'année dernière ?

La motivation, elle est restée où elle était. On se trouve très bien là où on est aujourd'hui. L'objectif reste donc le même, à savoir conserver le titre. Avec le règlement actuel, il n'y en a de toute façon pas d'autre à se fixer. Par exemple, essayer de viser un nombre encore plus élevé de victoires en une saison [Ndlr : huit sur 13 rallyes en 2015] me semble compliqué. Car, dans la mesure où l'on prend la tête du championnat, par la suite ça devient plus difficile de gagner car la position [sur la route] devient, du coup, désavantageuse la plupart du temps [le leader du championnat s'élançant le premier sus les spéciales des deux premiers jours].

Puisque vous l'évoquez, abordons de suite la question de l'ordre des départs. Que répondre à ceux qui disent que vous gagnez quand même souvent en ouvrant la route lors des épreuves sur terre, et que vous avez même signé les plus belles de vos victoires dans ces conditions l'an dernier ?

L'année dernière, je pense avoir rendu une copie parfaite. On a perdu bêtement sur une erreur en Espagne mais à part ça, ça a été une saison vraiment exceptionnelle pour Julien [Ingrassia, son copilote] et moi. On s'est vraiment donné à fond la plupart du temps, en particulier sur ces fameux rallyes où l'on était pénalisés [par cette position sur la route] et il fallait prendre encore plus de risques que d'habitude, être à bloc dès les premiers mètres du rallye.

C'est ça qui est frustrant, c'est que de l'extérieur, on ne se rend pas vraiment compte des exploits qu'il faut qu'on réalise pour continuer à gagner malgré tout dans ces conditions.

Voir aussi : La galerie photo de Sébastien Ogier

Revenons au côté purement sportif. Est-ce que l'absence de Citroën et le fait de n'avoir qu'une équipe d'usine en face de Volkswagen peut poser un problème pour le WRC d'une part, à Volkswagen et vous de l'autre ?

On aurait tous préféré que Citroën soit là cette année et qu'il y ait un maximum de constructeurs présents. Pour autant, le WRC a vécu comme ça pendant très longtemps. Le championnat est plus intéressant quand il y a plus de constructeurs présents, mais il faut se dire que c'est une année de transition, que dès l'année prochaine, Citroën sera de retour et Toyota également. Ce sont de beaux jours qui s'annoncent pour l'avenir du WRC.

Moi le premier, ça me fait plaisir d'avoir le plus de compétition possible. Mais déjà, celle-ci ne va sans doute pas manquer cette année, malgré tout, Hyundai arrivant – enfin – avec une nouvelle voiture qui, a priori, devrait être très proche de la nôtre en termes de performances. Pas supérieure en tout cas, je l'espère !

Moi le premier, ça me fait plaisir d'avoir le plus de compétition possible. Mais déjà, celle-ci ne va sans doute pas manquer cette année avec la nouvelle Hyundai qui, a priori, devrait être très proche de notre Polo en termes de performances. Pas supérieure en tout cas, je l'espère !

Sébastien Ogier

Croyez-vous vraiment que l'i20 WRC ait le potentiel pour être très proche de la Polo ?

Honnêtement, le règlement actuel ne laisse pas énormément de liberté aux équipes pour faire la différence. Donc, je pense que les voitures sont quand même relativement proches les unes des autres. Pour la première des Hyundai, effectivement, ils avaient fait, un petit peu à la hâte et en retard sur leur planning, une voiture qui n'était pas forcément au top. Mais celle-là, en tout cas sur le papier...

Nos ingénieurs ont pu voir sitôt homologuée comment elle était faite et en gros, c'est beaucoup plus proche maintenant de ce qu'on a, nous. Et ça devrait être également très, très proche en termes de performances. Je pense qu'à l'heure actuelle, c'est au pilote de faire la différence avec un matériel qui est, pour moi, assez similaire.

Je pense qu'à l'heure actuelle, c'est au pilote de faire la différence avec un matériel qui est, pour moi, assez similaire.

Sébastien Ogier

Que peut faire l'équipe M-Sport dans la mesure où les moyens ne sont pas les mêmes car elle n'a pas le statut d'équipe officielle Ford ? Est-ce que ça peut être un danger sur certains rallyes ? Idem pour PH Sport et les Citroën d'ailleurs, même si on a déjà eu un élément de réponse au Monte-Carlo.

Chez Citroën, c'est sûr que la voiture fonctionne bien et Kris [Meeke] l'a effectivement prouvé au Monte-Carlo. Après, ils ne sont pas dangereux pour le championnat puisque présents au coup par coup sur certaines épreuves. Mais c'est certain qu'ils vont se mêler à la lutte pour la victoire, en particulier Kris.

Chez M-Sport, il n'y a que Mads [Østberg] qui pourrait essayer de faire des coups d'éclat cette année car Éric Camilli dispute sa première saison et il a beaucoup à apprendre et à découvrir. Même si je suis convaincu qu'il a du potentiel et qu'il faudra peut-être se méfier de lui à l'avenir, il faut lui laisser le temps d'apprendre.

Quant à Mads... Ça fait longtemps qu'il est là, il est régulier, il est présent. Pour autant, ces derniers temps, il n'a jamais été en mesure d'aller chercher vraiment les derniers dixièmes pour se mêler à la lutte pour la victoire sur des épreuves. À voir s'il est capable de le faire avec la Ford, mais pour moi, les dangers les plus sérieux sont forcément en interne, avec mes coéquipiers, et chez Hyundai.

Chez Citroën, c'est sûr que la voiture fonctionne bien et Kris [Meeke] l'a prouvé au Monte-Carlo. Après, ils ne sont pas dangereux pour le championnat puisque présents seulement au coup par coup.

Sébastien Ogier

Parlons de vos équipiers, justement. Sujet un peu sensible, on attend toujours beaucoup de Jari-Matti Latvala en début de saison et on est souvent un peu déçu. Considérez-vous qu'il représente un vrai danger sur une saison complète, et éventuellement pour le titre, sachant qu'il a une nouvelle fois un petit peu mal commencé au Monte-Carlo ?

C'est vrai que cela fait plusieurs années maintenant que tout le monde s'accorde à dire que c'est un pilote ultra rapide, puisque déjà en 2007 et 2008, c'était lui le plus dangereux en termes de vitesse pour [Sébastien] Loeb. Donc, on se dit toujours en début de saison que le jour où il sera plus régulier sur tout le championnat, ce sera un client très dangereux.

Maintenant, effectivement il est encore mal parti au Monte-Carlo mais la saison est longue, et ce mauvais départ est aussi synonyme pour lui, désormais, de position avantageuse sur les rallyes à venir. Ce n'est pas perdu parce qu'il est parti sur un zéro au Monte-Carlo, ça c'est sûr. Moi, je le considère toujours comme mon rival le plus dangereux sur la saison – même si Mikkelsen, avec sa régularité et sa bonne pointe de vitesse à lui aussi, peut être également très dangereux sur la saison.

Ce mauvais départ est aussi synonyme pour lui, désormais, de position avantageuse sur les rallyes à venir. Ce n'est pas perdu parce qu'il est parti sur un zéro au Monte-Carlo, ça c'est sûr.

Sébastien Ogier, parlant de Jari-Matti Latvala

Pour revenir à Latvala, ses difficultés peuvent-elle venir d'un manque de confiance, ou d'un excès de confiance ? Je sais que ce n'est pas facile de répondre, mais vous êtes aux premières loges...

Ce n'est pas un excès de confiance, plutôt qu'il se laisse perturber assez facilement par tel ou tel facteur. Je pense que le côté mental et concentration, peut-être, n'est pas son point fort.

Andreas Mikkelsen, par contre, a l'air d'avoir beaucoup moins ce type de problème...

C'est quelqu'un qui se pose moins de questions, c'est sûr, qui a confiance en lui. Je ne dis pas que Latvala n'a pas confiance en lui mais Mikkelsen est quelqu'un de plus posé, qui s'est fixé des objectifs élevés, qui veut devenir Champion du monde. Ces dernières saisons, en tout cas, sa courbe de progression a été bonne et c'est vrai qu'aujourd'hui, il est très très proche de nous en performance et a été très régulier l'année dernière car il a fait neuf podiums quand nous, on en a obtenu dix. On a eu plus de victoires, et c'est ce qui a fait la différence, mais il nous faudra conserver ce petit avantage qu'on avait en performance si on veut rester devant.

Passons au calendrier. Cette année, le WRC se rendra en Chine. Quelle est votre perception de ce nouveau rendez-vous ? Cela va être une épreuve sur asphalte – contrairement à la première visite dans ce pays, en 1999 – et les premiers échos n'étaient, je crois, pas très positifs...

Les seuls échos que j'ai sont les mêmes en fait... On est tous partagés entre excitation – puisqu'on va aller sur une nouvelle épreuve, dans un nouveau pays, en étant conscient qu'il y a un intérêt important pour tous les constructeurs en termes de marché – et un petit peu d'inquiétude. On espère tous que l'organisation sera à la hauteur d'un Championnat du monde car d'après les premiers échos, effectivement, tout n'avait pas l'air d'être complètement prêt.

C'est effectivement un rallye asphalte, mais a priori essentiellement sur des routes en béton. C'est encore loin cela dit, et j'ai plutôt tendance à regarder à court terme, à prendre les courses les unes après les autres. Donc, je ne me pose pas encore trop de questions sur la Chine...

À suivre

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