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Les enseignements que Toyota doit retenir dans la lutte pour le titre

Un étrange dilemme attend peut-être Tommi Mäkinen en cette fin de saison WRC, avec le pilote leader de l’équipe Toyota qui espère revenir sur son numéro deux, le tout dans un contexte compliqué par la pression de Hyundai au championnat des constructeurs.

Elfyn Evans, Scott Martin, Toyota Gazoo Racing WRT Toyota Yaris WRC

Photo de: McKlein/LAT Images

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Dans toutes les catégories du sport automobile, une bonne équipe a besoin d’une star qui polarise l’attention de tout le monde, ses équipiers compris. La pureté de la compétition est une noble ambition, mais des pilotes qui se prennent des points entre eux ne font pas les affaires de leur équipe. Michael Schumacher avait besoin d’un Eddie Irvine ou d’un Rubens Barrichello à ses côtés en Formule 1, tout comme la domination de Sébastien Loeb en WRC avec Citroën doit beaucoup au travail de Dani Sordo.

Quand Tommi Mäkinen, le patron de Toyota, a mis en place son équipe pour la saison 2020, Sébastien Ogier, six fois titré, apparaissait comme le leader naturel, en attendant que l’exceptionnel talent de Kalle Rovanperä arrive à maturité. La présence d’un pilote britannique était également importante pour Toyota, qui assemble et vend de nombreux modèles sur ce marché. Elfyn Evans et Kris Meeke étant les seuls candidats, Mäkinen a joué la prudence en optant pour Evans, qui avait soutenu Ogier chez M-Sport en 2017 et 2018.

Il est donc logique de penser que Toyota n’imaginait pas que le Gallois serait en tête du championnat à deux rallyes de la fin de cette saison confuse, troublée par le COVID-19. Et certainement pas avec une avance confortable de 18 points sur Ogier, deuxième après une casse moteur en Turquie qui a par ailleurs permis à Evans de s’imposer.

Les deux pilotes Hyundai, Ott Tänak (à 27 points d’Evans) et Thierry Neuville (à 32 points) ont également une chance de titre, tout comme Rovanperä (à 27 points). L’écart entre Toyota et Hyundai au championnat des constructeurs est très faible, avec un avantage de neuf points pour le constructeur japonais.

Cette situation fait naître une interrogation étonnante, voire impensable : l'équipe Toyota va-t-elle demander à Ogier d’endosser un rôle de doublure ? Il est rare de voir comment les hommes réagissent dans de tels moments, mais cela est toujours mémorable.

Michele Mouton

Cette situation s’est produite en 1982, quand la révolutionnaire Quattro d’Audi, après un an de développement, faisait de Hannu Mikkola, le leader de l’équipe, le favori pour le titre avant même les premiers tours de roue. Mikkola n’a finalement décroché qu’une deuxième place dans les huit premiers rallyes de la saison, avec quatre accidents et deux abandons sur casse mécanique. La Quattro restant fragile face aux modèles plus simples à propulsion arrière d’Opel, Toyota et Datsun, Audi Sport a fait l’impasse sur le Safari.

Pendant ce temps, la numéro deux de l’équipe, Michèle Mouton, s’est imposée au Portugal, en Grèce et au Brésil, tout en sauvant une cinquième place en Suède, malgré un accrochage avec la voiture arrêtée de Mikkola. L'environnement naturel de la pilote française était l’asphalte et malgré l’absence de frein à main sur la lourde et sous-vireuse Quattro, elle a pris quatre points en Corse. À quatre rallyes de la fin de la saison, seule Mouton pouvait encore revenir sur le leader du championnat, Walter Rohrl, et l’épreuve suivante était les 1000 Lacs, un rallye taillé pour l’Audi.

Afin de renforcer son avantage, Audi a fait revenir Stig Blomqvist, vainqueur du Rallye de Suède et ensuite dominateur de plusieurs épreuves régionales en Scandinavie. Sa Quattro était équipée de pneus Michelin, bien supérieurs aux Kleber des voitures officielles. Ces pneus plus performants ont été pris par Audi "par inadvertance" dans son équipe officielle, mais le constructeur s’est tiré une balle dans le pied en les montant sur la voiture de Mikkola.

Mouton, furieuse, a attaqué à outrance en Finlande, en roulant dans les temps de Blomqvist avant d’en faire un peu trop le troisième jour. Sa Quattro a subi de légers dégâts mais Mouton a conservé son approche agressive et elle eu un accident. Blomqvist a reçu l’instruction de ralentir afin d’assurer la victoire de Mikkola.

Au Sanremo, Audi a aligné six voitures, un cauchemar logistique dont Mouton est sortie quatrième, pendant que Blomqvist s’imposait.

L’histoire raconte souvent que Mouton a perdu le titre 1982 en sortant de la piste alors que la victoire lui tendait les bras dans l’avant-dernier rendez-vous de l’année, en Côte d’Ivoire. En réalité, cela faisait un moment que son équipe n’était pas à la hauteur. À partir de 1983, Audi a toujours désigné un numéro un.

Timo Salonen, Seppo Harjanne, Peugeot 205 T16

En 1984, la domination de la Quattro a été stoppée par la Peugeot 205 Turbo 16. Ari Vatanen, le leader de l’équipe, a enchaîné cinq succès entre la fin de la saison 1984 et de le début de la campagne 1985, avec le soutien du vétéran Timo Salonen.

Ce dernier, fumeur et plutôt rondouillard, était dans un premier temps à distance de son athlétique équipier, mais un changement de géométrie et de direction assistée au Portugal a permis à Salonen de changer de dimension, avec un succès, tandis que Vatanen a eu un accident en cherchant à combler l’écart avec son équipier.

Au Safari, Salonen a pris quatre points de plus que Vatanen. En Corse, Vatanen a eu un gros accident mais Salonen a également été stoppé, par des soucis électriques. Salonen a décroché un nouveau succès à l’Acropole, pendant que Vatanen renonçait en raison d’une direction brisée. Salonen a mené un doublé Peugeot en Nouvelle-Zélande, plus d’une minute devant Vatanen, portant à 33 points son avance sur son leader et compatriote, à cinq rallyes de la fin de la saison.

Leur lutte s’est brutalement interrompue en Argentine, quand Vatanen est violemment sorti de la route. Salonen a endossé le rôle de leader, permettant à l’équipe de Jean Todt de réaliser son premier doublé dans les Championnats du monde.

Depuis, nous avons vu Juha Kakkunen défier la préférence de Lancia envers un Champion du monde italien en 1987 et Colin McRae prendre le pas sur Carlos Sainz pour décrocher le titre 1995. Dans le quart de siècle qui a suivi, le statu quo a prévalu. Il est maintenant menacé.

L’approche mesurée d’Evans l'a vu remporter 11 spéciales, contre 15 pour Ogier (et 26 pour Neuville) mais cela lui a suffi pour gagner deux rallyes et prendre la tant convoitée première place du championnat. Il reste à savoir comment Toyota et Ogier répondront en Sardaigne et en Belgique, et s’ils pourront contenir Hyundai…

Elfyn Evans, Toyota Gazoo Racing

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