Chronique

Tour de Corse : l'avant-propos de Denis Giraudet

Vainqueur en 1995 avec Didier Auriol, pour leur premier rallye ensemble, notre chroniqueur évoque le "rallye des 10'000 virages", dont il va disputer la 60e édition dans le baquet de droite de la Ford Fiesta R5 pilotée par Bryan Bouffier.

Didier Auriol, Bernard Occelli, Toyota Celica Turbo 4WD

Photo de: LAT Images

Le futur vainqueur du Tour de Corse ne le sait pas encore mais il va, quoi qu’il arrive, entrer dans l’histoire d’une épreuve déjà mythique. Dimanche 9 avril 2017 aux alentours de 12h24, non loin de Porto Vecchio, lorsqu’il franchira ou plutôt lorsqu’ils franchiront la ligne d’arrivée, lui et son copilote seront l’équipage qui aura gagné le Tour de Corse en passant le moins de temps en spéciale. Grâce aux performances extraordinaires des nouvelles WRC et à cause du raccourcissement de l’itinéraire, qui passe de 390 à 310 kilomètres, le temps cumulé du vainqueur devrait à peine dépasser les trois heures.

Travailler moins pour gagner autant ! Le WRC rattrape la politique et s’invite dans la campagne électorale. L’an dernier, Sébastien Ogier avait "trimé" plus de quatre heures pour obtenir son trophée et ce n’était rien comparé à 1990, où Didier Auriol avait mis le "bleu de chauffe" pendant plus de sept heures. Quant à Jean-Luc Thérier, on peut le qualifier de stakhanoviste puisque dix ans plus tôt, c’est après 14 heures et 50 minutes de labeur qu’il avait eu le droit de soulever la coupe du vainqueur.

N’allez surtout pas croire que le rallye durait une semaine. Comme aujourd’hui, il y avait trois étapes mais plus de 1000 kilomètres de chronos. Les concurrents faisaient en une journée ce que nous faisons aujourd’hui en trois.

Markku Alén, Ilka Kivimäki, Lancia Rally 037

Nos reconnaissances durent trois jours cette année. À l’époque, ils passaient trois semaines, voire beaucoup plus, à "limer" l’asphalte corse. Markku Alén me racontait récemment qu’à l’arrivée du Tour 83 [photo ci-dessus], ses mécaniciens avaient dû porter ses valises à l’aéroport tant ses mains étaient couvertes d’ampoules ! On voit là que toutes les comparaisons sur les performances des pilotes de rallye à travers les âges sont vaines, puisqu’à l’évidence, on a changé de sport.

Dire que l’on est passé du marathon au demi-fond n’est même pas pertinent car au-delà de la durée, ce sont les conditions d’exercice de la profession qui ont changé avec la limitation des reconnaissances et de l’assistance.

Chasse gardée des latins

Ce qui a beaucoup changé également, c’est le nombre de pilotes français en position de gagner le rallye. Il fut un temps, pas si lointain, où les équipes d’usine se disputaient les pilotes tricolores pour le Tour de Corse. En 1993, Toyota présenta une équipe 100% française avec Didier Auriol, Yves Louvet et François Chatriot – tous battus par un autre Français, François Delecour, sur un podium malgré tout 100% français !

Au même titre que la Finlande, la Corse est une chasse gardée. Alén, que j’évoquais plus haut, fut le premier "nordiste" à briser l’hégémonie "sudiste" dans l’île en 1983. Depuis, seuls Colin McRae [photo ci-dessous], Petter Solberg et Jari-Matti Latvala ont suivi l’exemple avec à chaque fois des circonstances de course un peu particulières.

Des amoureux de rallye férus de statistiques ont fait le classement des vainqueurs de spéciales en Corse et c’est assez révélateur. Derrière le Roi, ou plutôt l’Empereur Didier Auriol, on trouve dix Européens du sud avant de voir apparaître McRae, le premier du reste du monde ! Tout ça pour dire que cette année, nous n’avons que deux pilotes français pour la gagne, Sébastien Ogier et Stéphane Lefebvre. Le rallyman du 21e siècle est plus polyvalent que son ancètre. Au siècle dernier, les teams faisaient appel aux Français pour la Corse, aux Finlandais pour les 1000 Lacs et aux copilotes britanniques pour le parcours secret du RAC.

Colin McRae, Nicky Grist, Subaru Impreza

Ce qui a changé aussi, c’est le danger, ou tout au moins la perception du danger lié au Tour de Corse. En l’espace de deux années, il allait devenir synonyme de tragédie avec la disparition en 1985 du meilleur pilote italien de sa génération, Attilio Bettega, et en 1986, celle du petit prince des rallyes, Henri Toivonen. Ils conduisaient tous les deux des Lancia Groupe B avec le numéro 4 sur les portières.

L’année suivante, le Groupe B était supprimé et le 4 disparaissait de la liste des engagés du Tour de Corse pour près de dix ans. Les Lancia, elles, continuèrent de courir et de gagner.

À cette époque, de nombreuses voix venues du nord de l’Europe s’étaient élevées pour réclamer la disparition de notre épreuve nationale, mais Jean-Marie Balestre, le président français de la FIA, qui était au sport auto ce que Vladimir Poutine est à la démocratie, avait compris que le problème était plus lié à la réglementation technique qu’aux routes corses. L’épreuve insulaire avait sauvé sa place au calendrier en résistant au lobbying scandinave, mais comme souvent, c’est finalement par les siens que la Corse allait être trahie.

Détour par l'Alsace

"L’ennemi" est venu de l’intérieur, en l’occurrence d’Alsace, région qui s’est découvert une passion pour le rallye à la fin des années 2000. Le choix du Rallye d’Alsace tiré par l’enfant du pays, Sébastien Loeb, une banque, une région et la FFSA, allait prendre le dessus et le WRC quitter le maquis corse pour les forêts vosgiennes. Mais avec un attelage aussi hétéroclite, le voyage ne pouvait être au long cours et en 2015, la manche française du calendrier retrouvait son terrain de prédilection.

Les dieux du ciel, qui ne sont pas toujours cléments, allaient faire payer cher cette infidélité et c’est un véritable déluge qui s’abattait sur l’épreuve, entraînant l’annulation de près de 100 km de chronos.

Les caprices de la météo offraient à Latvala une victoire express en deux heures et 39 minutes, un record qui ne saurait être homologué. Celui qui sera battu cette année est celui de Loeb en 2007, avec trois heures, 28 minutes et 31 secondes...

Didier Auriol, Denis Giraudet, Toyota Celica GT-4

Rejoignez la communauté Motorsport

Commentez cet article
Article précédent Ogier : "Ce ne sera pas facile, mais la Corse ne l'est jamais"
Article suivant Les horaires de toutes les spéciales du Tour de Corse

Meilleurs commentaires

Il n'y a pas de commentaire pour le moment. Souhaitez-vous en écrire un ?

Abonnez-vous gratuitement

  • Accédez rapidement à vos articles favoris

  • Gérez les alertes sur les infos de dernière minute et vos pilotes préférés

  • Donnez votre avis en commentant l'article

Motorsport Prime

Découvrez du contenu premium
S'abonner

Édition

France