Suède - L'avant-propos de Denis Giraudet
S'il a inscrit la Finlande à son palmarès en tant que copilote, notre chroniqueur regrette de ne pas en avoir fait autant avec la Suède, un rallye qu'il ne dispute pas cette année mais qui lui tient particulièrement à cœur...
Photo de: Citroën Communication
On a tous un ami qui vient de tomber amoureux et qui nous fatigue en racontant la nouvelle idylle dans les moindres détails : la rencontre, le coup de foudre, le premier repas... Avec cette chronique sur le Rallye de Suède, je ne voudrais pas jouer ce rôle-là car la relation que j'ai avec cette épreuve, depuis 1983, a toutes les caractéristiques d'une histoire d'amour.
Cette année-là, après un abandon précoce au Monte-Carlo et avec un stock de pneus neige intacts, Paul Gardère décida de mettre le cap sur Karlstad. Autres temps, autres mœurs, l'engagement, l'hébergement et le carburant étaient pris en charge par l'organisateur pour les amateurs que nous étions. On nous fournissait même les notes du rallye, et, en plus de cela, il y avait de la neige à profusion !
Après 2500 km de route, nous sommes arrivés au dernier moment pour les vérifications et là, deux surprises nous attendaient. Nos pneus tout neufs du Monte-Carlo étaient complètement inadaptés pour la Suède, aussi efficaces sur la glace scandinave que des slicks sous la pluie. Deuxième choc en découvrant les notes, elles étaient écrites en suédois !
Notre rêve dans le grand nord se transformait en cauchemar, nous étions partis pour plus de 40 spéciales de patinage, de dérapages plus ou moins contrôlés avec une traduction des notes plus ou moins instantanée ! Une belle aventure humaine pour un résultat sportif qui ne restera pas dans les annales du sport auto, contrairement à la performance de Stig Blomqvist qui, avec une Audi 80 Quattro Groupe A – l'équivalent de notre WRC2 – termina deuxième devant des Groupe B.
Comme je suis avant tout un compétiteur, je garde de ma visite suivante, en 1987, un bien meilleur souvenir alors que, paradoxalement, je n'avais pas participé à l'épreuve. C'est là que réside la magie du rallye, surtout pour les latins que nous sommes. Du bord de la route, j'ai découvert un spectacle qui dépassait tout ce que j'avais pu imaginer : un mélange inconcevable pour un cerveau normalement constitué, entre des vitesses de passage hallucinantes et un sol glacé sur lequel on ne tient même pas debout, le tout dans un décor de carte postale de Noël.
1987, c'était pourtant la première année du Groupe A, avec des voitures très proches de la série, mais en Suède, même une DS3 R1 vous fait des passages à couper le souffle.
Encore plus qu'en Finlande, l'avantage des pilotes locaux est considérable. La "forteresse" suédoise a résisté plus longtemps à l'envahisseur venu du sud que sa fameuse voisine. Carlos Sainz fut le premier à briser le monopole scandinave à Jyväskylä en 1991, mais il fallut attendre 2004 et Sébastien Loeb pour qu'un sudiste s'impose à Karlstad.
Deux ans plus tôt, lors de sa première séance d'essais suédoise, le cerveau de notre immense champion était incapable de lui faire franchir la dernière marche pour accéder à cette quatrième dimension. Un tour en passager de son équipier local allait suffire pour le faire rentrer dans un monde jusque-là virtuel... et ne plus en sortir.
C'est sans doute le souvenir de cette édition 1987 qui fit naître en moi ce rêve inaccessible : gagner le Rallye de Suède. En naviguant de grands champions, j'ai eu la chance de remporter le plus mythique des rallyes "asphalte", la Corse. Le plus mythique des rallyes "terre", la Finlande. Et le rallye le plus exotique, le plus mystérieux, la Chine. Mais la Suède se refuse à moi !
J'ai pourtant essayé de mettre toutes les chances de mon côté en partant avec des champions locaux – Thomas Radström, Daniel Carlsson – mais rien n'y fait, la belle nordique ne veut pas de moi !
Et pourtant, mon amour est aujourd'hui encore plus vif, après 30 ans de fantasmes inassouvis. L'avènement des nouvelles WRC ne fait qu'augmenter ma frustration et je crois que cette année plus que jamais auparavant, je regrette de ne pas faire ce rallye.
Ces nouveaux "monstres" auraient encore pimenté mon rêve absolu : un temps scratch en Suède, de nuit entre les murs de neige, avec des cristaux de glace qui scintillent dans les phares blancs...
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