Chronique Yvan Muller - Casse-tête à Marrakech
Troisième et cinquième des deux manches de Marrakech, quatrième étape du championnat WTCC, Yvan Muller livre l'analyse de son week-end aux lecteurs de Motorsport.com.
Bonjour à tous,
Marrakech est une destination forcément exotique. Au Maroc, on n'imagine pas faire des courses sur circuit en WTCC, on pense davantage à des épreuves comme le Paris-Dakar. Cela fait sept ans que l'on va à Marrakech, c'est toujours un moment original, qui nous permet de rouler dans la banlieue proche de la cité, avec le désert non loin, l'Atlas à l'horizon. C'est plutôt atypique.
Et puis les gens sont très chaleureux, on est tous des Champions du monde pour eux. Depuis le temps que l'on va là-bas, ils commencent à nous connaître, ils ne font pas encore bien la distinction entre les séries car il n'y a pas vraiment de culture du sport automobile, mais ça commence à venir, et ils ont un ambassadeur de premier plan avec Mehdi Bennani.
Cette année, nous découvrions une nouvelle configuration du circuit de Marrakech. Une nouvelle configuration au sujet de laquelle les avis sont partagés. Le tracé n'est pas si mal mais il manque de longueur, surtout il manque de lignes droites, on n'arrivait même pas à mettre la 5e et encore moins la 6e. Les vitesses de pointes n'y sont pas suffisamment élevées, et par conséquent, les distances de freinage sont raccourcies, et c'est donc moins propice aux dépassements. C'est quelque chose à quoi il faudra penser à l'avenir pour les nouveaux circuits.
Essais libres : savoir faire la part des choses
Vendredi, place aux EL0. Pour nous tous, c'était l'occasion de découvrir la piste avec la voiture. Une piste encore assez "verte" avec peu de gomme, pas mal de poussière. Ces premiers essais servent à découvrir, mais il ne faut surtout pas s'aventurer à faire trop de réglages.
Samedi matin, lors des EL1 et EL2, la piste est un peu meilleure. Sur une piste neuve comme celle-ci, plus les voitures roulent, plus les performances s'améliorent. Et cela complique un peu les choses. Car on change des réglages sur la voiture, et quoi que l'on faisait, les performances de la voiture s'amélioraient. C'est là qu'il faut savoir faire la part des choses en tant que pilote : est-ce que je progresse grâce aux nouveaux réglages, ou est-ce plutôt la piste qui s'est améliorée ?
Le poids, quant à lui, est d'autant plus pénalisant lorsqu'il y a des relances, et des freinages. Certes, il y a peu de freinages à très hautes vitesses à Marrakech, mais il y en avait souvent. Et il y a également peu de lignes droites pour refroidir les freins. Il fallait donc essayer de traîner au mieux notre lest de 80 kg, qui ne nous lâche pas depuis le début de la saison sur nos Citroën C-Elysée. C'était une difficulté, mais c'était le cas pour tout le monde, on voyait bien que les pilotes essayaient au maximum de se décaler durant les courses, de chercher de l'air frais, et ce à partir du troisième ou quatrième tour déjà.
Qualifications : pour quelques centièmes...
Samedi après-midi, place aux qualifications. En Q1, cela se passe correctement, on assure un top 12, pas de souci jusque-là, contrairement à Budapest où j'avais failli sortir dès l'issue de cette phase. La Q2, c'est un peu plus tendu, l'objectif est de rentrer dans le top 5, c'est donc un peu plus sérieux. Malheureusement, je loupe la cinquième place pour un centième. Un peu frustré forcément car nous avions la capacité de le faire, nous n'avons pas réussi.
On n'a pas été bons sur ce coup là. C'est dommage car ensuite, en Q3, tout peut se passer. La hiérarchie peut vraiment être totalement modifiée, mais c'est comme ça. Et puis 6e, c'est un peu la mauvaise place pour les deux départs, même avec la règle de la grille inversée, qui concerne les dix premiers des qualifications.
Course 1 : un trop bon départ
Dimanche en début d'après-midi, nous voici à l'heure de la première course. Après ma sixième place en qualifications, je m'élance du cinquième rang au départ de cette manche d'ouverture avec la grille inversée. Je prends un bon départ, un trop bon départ même, qui me place à la hauteur des pilotes placés devant moi. J'essaie de passer à droite, je vois que c'est bouché, je me remets sur la gauche mais la Volvo de Björk me voit et me tasse un peu contre le mur. De peur d'aller dans le mur, je lève le pied, et je perds finalement du temps, et là José [Maria Lopez, sur l'autre Citroën] arrive lancé derrière moi et profite de l'ouverture.
Ensuite, je gagne deux places suite à l'accrochage entre la Chevrolet de Thompson et la Lada de Valente dans le premier tour, et la pénalité de ce dernier, et je me hisse au quatrième rang. Je n'avais pas la capacité d'aller chercher Coronel et Lopez devant, j'étais trop juste en freins, qui sont durement sollicités sur ce circuit. Monteiro en revanche n'étais pas une menace, je gérais en troisième place, et je passe la ligne d'arrivée à ce rang.
Course 2 : la pluie à Marrakech !
Fait extrêmement rare à Marrakech, il commence à pleuvoir peu avant le départ de la seconde manche. Quelques gouttes commencent à tomber lorsque je monte dans la voiture dans les stands. Tout comme à Budapest quinze jours plus tôt, on se pose la question : quels pneus monter sur les voitures pour les deux tours de mise en grille ?
Je demande à mes ingénieurs ce que José décide de faire. Comme ce dernier décide de partir en slicks, ce qui était également mon idée car la pluie était vraiment faible, je décide de tester une autre solution et je monte des pluies pour ces deux tours de reconnaissance. Mais au bout d'un tour, je m'arrête : ce sont bel et bien les slicks qu'il faut monter.
Mais, sur la grille, il se remet à pleuvoir ! Mais la météo nous indique que cela devrait s'arrêter dans peu de temps… Le casse-tête de Budapest se répète : Que fait-on ? C'est encore le stress car il y a un timing à respecter, à trois minutes du départ, la voiture doit être posée par terre et on n'a plus le droit de travailler dessus. À ce moment, on est à six minutes du départ, on a donc trois minutes pour se décider. Et on se lance, on décide de partir en pluies. À un moment donné, il ne faut plus tergiverser, il faut prendre une décision. Finalement, c'était la bonne option, celle du reste que tout le monde avait choisi sur la grille.
Le seul souci était que nous venions de faire des entraînements de départ sur piste sèche, et là les conditions avaient forcément changé. Nous n'étions pas tout à fait calés, mais c'était pour tout le monde pareil. Et comme le départ est tellement primordial sur ce circuit car l'on sait qu'ensuite il y a peu de chances de dépassements. Au final mon départ est correct, et après c'est la procession, rien de notable durant cette course à l'issue de laquelle je termine 5e.
Je ne peux pas être satisfait de mon week-end. Je ne fais qu'un podium, et c'est de loin, de très loin, le moins bon début de saison que j'ai connu depuis que je roule en WTCC. Mais c'est comme ça, ça fait partie de la course. On ne parvient pas à mettre les choses de notre côté. À nous de trouver la solution. C'est sûr que les circonstances ne nous aident pas, le poids ne nous est pas favorable. Néanmoins, j'ai un déficit de performance qui est clair par rapport à Lopez. Mais force est de constater que même José, qui a le vent en poupe, rencontre également des difficultés.
J'attends désormais les courses sur la Nordschleife, notre première étape, où nous trouverons des conditions particulières. On sait que sur des circuits sinueux, le poids ne nous aide pas et les Honda sont à l'aise sur ce type de tracés, en revanche, sur des circuits plutôt rapides, c'est la Citroën qui va bien. On verra bien, j'espère que ce sera le cas.
À bientôt
Yvan Muller
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