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Édito - Dites, c’était vraiment mieux avant ?

"C’était mieux avant." Qui n’a jamais prononcé ces mots, à défaut de les avoir entendus ? Ils peuvent concerner bien des sujets et bien des époques, mais c’est peu dire qu’on les croise régulièrement en F1.

Premier tour : David Coulthard mène devant Juan Pablo Montoya et Michael Schumacher

Photo de: DaimlerChrysler

L’expression a connu une recrudescence il y a un peu plus de deux ans maintenant, au tout début de l’ère turbo hybride. On se souvient des débats animés sur le bruit des moteurs, sur la course à l’économie de carburant. Aujourd’hui, c’est la complexité des monoplaces qui est en cause, et par extension les restrictions radio qui ont été imposées, bien que pensées en premier lieu pour rendre de l’humanité à la course et satisfaire les partisans du "C’était mieux avant".

Il suffit de lire les propos d’un Stefan Johansson, qui assure se placer avec un point de vue de fan, et pas forcément d’ancien pilote. Il utilise des mots extrêmement durs pour décrire la manière dont il voit la catégorie reine. Ainsi, le Suédois ferait lui aussi partie de ceux qui veulent revenir quelques années - voire décennies - en arrière.

Décriées depuis leur introduction début 2014, les unités de puissance (certains puristes s’étonnent encore aujourd’hui de voir le mot moteur ainsi substitué) turbo hybrides résistent. Et même lorsqu’elles ont pu paraître menacées par des jeux politiques menant jusqu’à l’idée d’une motorisation alternative, à laquelle s’est opposé le veto de Ferrari, elles ont ensuite été confortées, certes grâce à la puissance des constructeurs. À tel point qu’aujourd’hui, on sait déjà que rien ne bougera sur ce plan avant 2020, année d’échéance également des fameux accords Concorde.

La voiture de Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 dans le parc fermé

Ceux qui considèrent que la F1 ne tourne pas rond peuvent tout de même avoir le sentiment d’être entendus avec l’élaboration - là aussi sujette à débat et précipitée aux yeux de certains acteurs - d’un nouveau Règlement Technique pour 2017. Monoplaces plus larges et plus spectaculaires, aéro plus radicale, pneumatiques eux aussi plus imposants pour plus de grip mécanique, le tout pour aller jusqu’à cinq secondes plus vite au tour et rendre ces F1 plus physiques à piloter : tel est le menu pour les concurrents qui seront sur la grille de départ la saison prochaine.

Bien malin celui qui peut dire aujourd’hui si ces mesures seront efficaces, question de point de vue. On entend bien ceux qui avancent l’argument selon lequel les pilotes seront plus heureux. Ce que l’on veut bien croire, c’est cette prophétie d’Éric Boullier : "Si les pilotes aiment, les fans aimeront." Logique implacable ?

Impitoyable nostalgie

En Formule 1, la nostalgie fait recette. Cela ne fait aucun doute, et il suffit pour cela d’observer les comportements lorsque l’on se plonge dans les archives ou que de belles histoires du passé peuvent être racontées. À valeur de test : peu d’entre vous ont dû rester insensibles à la photo principale qui illustre cet article. Le passé semble fasciner autant que le présent génère les querelles et les controverses autour de discussions parfois enflammées.

Il y a de ces événements, de ces souvenirs, qui bercent la nostalgie. Ils sont nombreux, ils sont propres à chacun, et plus particulièrement propres à chaque fan. Parce qu’untel a vibré devant telle course et qu’il en garde un souvenir devenu intact, mais parfois enjolivé, et qui devient inévitablement un point de comparaison avec le spectacle du présent et la recherche de sensations ou émotions identiques.

Ne le cachons pas, nous aussi pouvons être de grands nostalgiques. Et puis, comme pour tout, connaître le passé est essentiel pour jouir du présent et construire l’avenir. Derrière cette vision peut-être un brin idyllique se dissimule sans doute une part de vérité quant à l’usage du "C’était mieux avant". Et si, finalement, cela ne voulait pas dire plus précisément "C’était mieux quand j’étais plus jeune" ?

Quelle place dans l’Histoire ?

Revenons-en à nos moutons, et passons outre les passions subjectives (et légitimes) des fans selon l’identité de leur favori. Mais qu’est-ce qui cloche dans cette F1 pour que certains veuillent revenir en arrière ? Elle est différente, cela ne fait aucun doute, mais elle génère toujours autant d’attention et de passion, suffisamment pour rester la vitrine du sport automobile.

Arrêt au stand pour Michael Schumacher

Que recherchent ceux qui regrettent la suprématie de Michael Schumacher et Ferrari quand ils se disent déçus du duel offert par Lewis Hamilton et Nico Rosberg depuis trois saisons ? Qu’attendent ceux qui ont vécu difficilement les consignes de course de la Scuderia au début des années 2000 quand ils ne s’enflamment pas non plus pour le champ libre laissé aux pilotes Mercedes ? Que préféraient ceux à qui la domination de Vettel pourrait manquer, si ce n’est qu’elle se faisait avec un V8 et non un V6 turbo hybride ?

On pourrait multiplier les questions de ce genre, et même aller les chercher aussi loin que notre mémoire sportive nous l’autorise. Et, certainement, on ne trouverait pas de réponse convenable… Ou plutôt chacun la sienne, très différente, très subjective encore. Si l’on voulait tirer une ficelle un peu trop grosse, on pourrait même se demander pourquoi certains remakes sont espérés, à l’image de retours hypothétiques d’un Fernando Alonso chez Renault, ou d’un Ross Brawn chez Ferrari. Puisque ne jamais dire jamais est presque une règle d’or en F1, gardons-nous en.

Le futur jugera

Le fait est que le présent est sans aucun doute la période qui est toujours la plus difficile à juger. Il souffre inévitablement de la comparaison avec ce qui l’a précédé, avec ce qui peut manquer et ce qui peut venir jusqu’à occulter les nouveautés qui l’ont remplacé. Le futur, lui, s’imagine à coup de rêves avant de devenir, par la force des choses, le juge de paix de l’ère précédente.

Nul ne sait encore à quel point ce que la F1 nous offre aujourd’hui marquera la discipline, ni ce que l’on racontera de cette époque à nos petits-enfants. L’Histoire nous dira quelle place accorder à l’ère que nous vivons aujourd’hui et au combat sportif, technologique et humain qui départage deux pilotes à coups de chiffres et de records. Et qui sait si, quand les acteurs qui convoitent aujourd’hui la couronne mondiale auront raccroché le casque, on ne dira pas tout simplement : "C’était mieux avant"

Peinture Lewis Hamilton Champion du monde par Paul Oz

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