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Opinion - L'élan de Rosberg n'est-il qu'une perception mentale ?

Alors que refroidissait la monoplace de Nico Rosberg dans le parc fermé de Singapour après sa victoire, dimanche, on pouvait en entendre dans le paddock suggérer que la conquête du titre de Lewis Hamilton risquait de dérailler.

Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 W07 Hybrid et Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 sur le podium

Photo de: Daimler AG

Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 W07 Hybrid fête sa victoire
Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 et Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 fêtent la victoire avec leur équipe
Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 W07 Hybrid avec Martin Brundle
Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 W07 Hybrid
Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 sur le podium
Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 W07 Hybrid sur le podium
Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 W07 Hybrid
Le vainqueur Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 fête sa victoire dans le parc fermé
Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 W07 Hybrid
Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 Team
Le vainqueur Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 fête sa victoire dans le Parc Fermé
Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1
Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 W07 Hybrid avec Toto Wolff, Directeur Exécutif Mercedes AMG F1

La troisième victoire consécutive de Rosberg lui a permis de reprendre les commandes du championnat et a été vue dans certaines chaumières comme un signe d’élan fermement pris cette année par l’Allemand, avec un Hamilton contraint de s’accrocher.

Lors de son briefing d’après-course, dimanche soir, les reporters n’avaient de cesse d'interroger Hamilton sur ce qui serait nécessaire pour reprendre de l’élan dans sa quête de titre.

"Je n’ai pas vraiment de réponse à ça, vous savez, car chaque année est différente", a-t-il commenté. "C’est juste que ça se passe comme ça. Certains week-ends sont super pour lui, d’autres pour moi. Nico a juste fait un travail exceptionnel ce week-end et pas nous. Que faut-il ? Juste de bons week-ends, comme nous en avons eus dans le passé. C’est tout un tas de petites m****, une combinaison de choses mises ensembles, qui font à la fin un week-end parfait."

Il a bien entendu raison. En sport, on a vite fait de redéfinir le succès et la réussite en un instant. Regardez donc le Grand Prix de Monaco de cette année : Hamilton était distancé de 43 points lors de cette course, et certains craignaient alors même qu’il puisse endurer une saison 2016 vierge de succès ! Son triomphe brillant dans les rues de Monte-Carlo, alors que Rosberg souffrait sur piste humide, avait cependant rouvert la lutte pour le titre, donnant la mesure d’une série de six succès en sept courses.

Les tracas de Spa et Monza

L’un des problèmes lorsque l’on suggère que Hamilton est dans une situation difficile après le récent hat-trick de Rosberg est que la réalité des trois dernières courses ne justifie pas la conclusion selon laquelle il serait psychologiquement abattu.

À Spa, il n’y avait pas de gardien dans le but pour Rosberg, car Hamilton avait besoin de changements sur le moteur, conséquence de problèmes rencontrés plus tôt dans la saison. Et à Monza, un mauvais départ a scellé son destin.

Avec une Mercedes jamais totalement à son meilleur niveau lorsqu’elle est dans le sillage de turbulences d’une autre voiture (voyez comme Rosberg a souffert pour revenir à Hockenheim), plus le handicap de la dégradation des Pirelli signifiant que les pilotes ne peuvent jamais réellement attaquer au maximum pour combler de gros écarts, la seconde place italienne était réellement le meilleur pouvant être espéré par Hamilton, compte tenu de là où il évoluait au premier tour.

Singapour fut cependant différent. Car Hamilton a été battu, purement et simplement. Mais la marge de 0"704 de Rosberg en qualifications peut être majoritairement expliquée par les difficultés du Britannique rencontrées le vendredi, dont la perte de temps précieux en EL2 pour une fuite hydraulique, et le nombre limité de tours réalisés en essais avec une faible quantité de carburant avant les qualifications, et des difficultés avec les freins.

Au final, Rosberg était aussi dans une forme superbe, peut-être la meilleure de sa carrière, et a signé une victoire impressionnante.

Mais c’est une bataille et non la guerre qui a été perdue, et un mauvais week-end pour Hamilton couplé à un superbe rendez-vous pour Rosberg ne signifie pas que le championnat est fini.

L’une des choses ayant caractérisé les derniers combats pour le titre entre Rosberg et Hamilton est la capacité des deux hommes à rebondir après de mauvaises passes. Presque comme avec un simple coup de bouton reset ! Au cours de leurs trois années passées ensemble, le succès a oscillé entre les deux côtés du garage et chacun est parvenu à enchainer de belles séries de victoires. Mais ce qui a toujours joué un rôle est qu’au moment où la série victorieuse de l’un prend fin, c’est celle de l’autre qui commence. Dès que cela se produit, on n’entend plus personne parler d’élan.

Le mythe du vent dans le dos

Il est même autorisé de sérieusement douter du fait que le concept d’élan existe vraiment en sport en tant que force différenciant les concurrents. De nombreuses recherches académiques ont été produites et analysent le succès et la notion de perception d’élan dans le sport, comme par exemple un essai sur la tendance en basketball nommé "De la perception erronée des séquences aléatoires".

La conclusion redondante est que les séries de bons résultats n’augmentent ou ne réduisent aucunement les chances de succès futur. Des analyses statistiques détaillées ont été faites pour montrer que si un joueur de basket a atteint un "cycle doré" de paniers, cela n’augmente aucunement ses chances de le poursuivre. En revanche, ce qui se produit est que ce vent dans le dos devient perçu comme une force établie par les fans et ceux qui évoluent sur le terrain autour du joueur en question.

"Ce qui se produit est que ce vent dans le dos devient perçu comme une force établie par les fans et ceux qui évoluent sur le terrain autour du joueur en question"

Prenons comme exemple - en dépit du fait qu’il n’y a pas de preuve qu’un joueur en réussite n’ait plus de chance de succès - l’étude ci-dessus : elle estime que 91% des fans croient qu’un joueur a "de meilleures chances de réaliser un panier juste après avoir inscrit deux ou trois autres paniers que s’il avait manqué les deux ou trois précédents".

Transférez cela à la F1, et vous pourrez constater qu’il est aisé de voir pourquoi l’on peut penser qu’un pilote ayant remporté trois GP à la suite dispose de meilleures chances d’en gagner un quatrième. Ce n’est pas nécessairement vrai.

Pile ou face, et la perception extérieure

Cette altération de jugement provient de la croyance que, si les évènements étaient simplement liés par la chance, alors un joueur moyen pourrait transformer toutes ses tentatives, ou qu’un pilote pourrait remporter n’importe quelle manche contre son équipier. De ce fait, il est suggéré qu’il faudrait que quelque chose d’exceptionnel se produise pour que la série prenne fin.

Mais la chance ne fonctionne pas comme cela. On sait tous en jouant à pile ou face que les chances sont globalement de 50/50. Mais cela ne signifie pas qu’une alternance systématique a lieu entre les deux côtés - ni même qu’une chance supérieure à 50/50 ne se distingue d’un côté ou de l’autre. Faites le coup 100 fois avec une pièce et vous obtiendrez de longues séries de "pile"ou "face" juste parce que c’est la manière dont les choses sont, de manière aléatoire. Suggérer que "pile" sortira après une série de 10 "pile" serait erroné.

En tant qu’équipiers, Hamilton et Rosberg se sont partagé la majorité des victoires des trois dernières saisons F1. Et, de la même manière que la chance influence un côté de la pièce ou l’autre, les deux hommes ont vu leurs succès divisés selon un schéma similaire - que l’on aime interpréter avec de la signification par la suite.

Maintenant, essayez ceci : jetez en l’air 15 fois votre pièce pour symboliser les courses déjà courues cette saison à machine égale (face pour Hamilton, pile pour Rosberg) et décernez les victoires. Sans aucun doute, le roulement n’a pas été systématique : vous avez constaté des séries.

Quand j’ai essayé, le nombre de victoires par pilote a été globalement similaire au début mais Rosberg a fait une série de 3 entre Silverstone et l’Allemagne. Puis Hamilton a gagné à Spa, Monza et Singapour. Ces séries sont le fruit du hasard total.

Bien entendu, en F1, tout n’est pas décidé purement par la chance ! Il y a une myriade de facteurs techniques et humains décidant des performances et des victoires. Mais dans une situation comme celle dans laquelle se trouvent Rosberg et Hamilton, très peu les séparent. L’Histoire montre que tous deux sont capables d'être performant sur un week-end donné et aucun d’entre eux n’a été totalement enterré.

Hamilton a donc raison : il n’y a aucun lieu d’en faire un drame psychologique ou d’appuyer sur le bouton reset pour agir sur la manière dont aborder la fin de saison. Prenez note : il suffira que Hamilton connaisse un bon week-end pour que l’impression de perte d’élan vers le titre ne soit brossée. Et il en a connus énormément dans le passé...

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