Danilo Petrucci considère sa carrière comme un pari gagné

Il n'avait ni le background ni le physique parfait pour briller en MotoGP, et pourtant Danilo Petrucci a atteint le sommet des Grands Prix en devenant pilote officiel Ducati et en remportant deux victoires. Une ascension qui sonne comme un pari gagné à ses yeux.

Danilo Petrucci, KTM Tech3 avec son casque spécial

Photo de: Danilo Petrucci

Danilo Petrucci a quitté le MotoGP sans s’être véritablement départi d’un certain complexe de l’imposteur. Venu des dérivées de la série et entré par la petite porte de la sous-catégorie CRT, il s’est souvent senti inférieur aux pilotes avec lesquels il partageait la piste, dotés d'un palmarès plus fourni et passés par un parcours plus académique.

“Comme pour tous [les pilotes], mon rêve était de devenir Champion du monde. Malheureusement, j'ai été confronté à beaucoup de grands talents sur mon chemin”, a-t-il admis à l’heure du bilan, exprimant une sorte de reconnaissance pour la chance qui lui a été donnée de vivre une telle expérience. “J'ai vraiment été fier de partager la piste avec des talents uniques. [Certains] je les ai vus grandir depuis le Moto3. J'ai toujours été un grand fan de tous les pilotes que j'ai rencontrés, dès la première fois, et pour ceux qui sont arrivés en MotoGP, c'était vraiment très sympa de se battre avec les meilleurs au monde."

Sous-estimant peut-être quelque peu son palmarès, Petrucci pense qu’il laissera surtout le souvenir d’un pilote sympathique, apprécié de tous à défaut d’avoir été véritablement admiré. Il se voit aussi comme un contre-exemple dans ce plateau d’élite, singulier par son physique mais aussi pour ce qu'il estime être une certaine normalité par rapport à des pilotes d'exception.

"Peut-être que ce que je laisse, c'est d'avoir partagé mon histoire, qui est que tout le monde peut vraiment y arriver et atteindre le MotoGP en partant de rien. Ce n'était clairement qu'une porte coulissante, mais quand le moment est venu j'ai réussi à monter dans le train, j'ai trouvé la porte ouverte !” a-t-il décrit avec la manière imagée qui lui appartient.

“Et puis, je pense que j'ai toujours été généreux et que j'ai mis beaucoup d'émotions [dans ce que j'ai fait]. Je ne suis pas du genre à les cacher, que ce soit dans le bien ou dans le mal. Quand je suis en colère je ne le cache pas, et quand je suis heureux je ne le cache pas non plus. Et je pense avoir été un des rares à avoir vraiment occupé toutes les positions, de la dernière à la première : j'ai toute la collection !"

Il est vrai que Petrucci, avant de devenir pilote officiel et vainqueur de Grands Prix, a connu le niveau le plus bas du MotoGP. Vainqueur en Superstock 600 puis 1000, il venait de passer à deux points du titre dans cette dernière catégorie lorsqu'il a obtenu un ticket d’entrée pour le MotoGP. Il fallait pour cela rejoindre une équipe répondant au règlement CRT, devenu Open en 2014, et Petrucci en a été quitte pour trois ans en fond de grille, au guidon d’une machine incapable de rivaliser avec les véritables MotoGP.

“Franchement, quand j'ai commencé cette aventure en 2012, j'ai fini la première course dernier et j'ai même cassé la moto. Et pendant toute cette année puis jusqu'en 2014, j'étais souvent dernier en essais, dernier en qualifs et dernier en course, et je crois que j'étais le dernier à encore y croire. Je n'ai jamais baissé les bras et un jour mon rêve s'est réalisé et ça a été vraiment très beau.”

“Je suis peut-être l'un des derniers [à avoir montré] que quelqu'un de normal peut y arriver, sans être un phénomène, quelqu'un de surnaturel. Quand j'étais jeune, je n'étais qu'un bon pilote. Oui, j'étais rapide mais il y avait des gens qui étaient plus rapides que moi, mais je n'ai jamais cessé d'y croire."

Quand j'étais jeune, je n'étais qu'un bon pilote. Oui, j'étais rapide mais il y avait des gens qui étaient plus rapides que moi, mais je n'ai jamais cessé d'y croire.

Danilo Petrucci

"La première fois que quelqu'un m'a dit, fin 2011, que j'allais courir en MotoGP l'année suivante, mes amis m'ont demandé si j'avais déjà imaginé cela et j'avais dit que oui, car ça avait toujours été un de mes rêves. Mais parler de la mer c'est une chose, la traverser c'en est une autre”, a observé le pilote italien en se remémorant tout ce qu’il a dû entreprendre durant ces dix années.

"Il y a dix ans, personne ne me connaissait et je ne connaissais aucun circuit, ni les motos de Grand Prix, ni les pneus, rien. J'avais beaucoup de chemin à parcourir”, se remémorait-il à l’heure de son dernier Grand Prix. Et il estime avoir réussi ce qu'il a pu considérer comme un pari : "Je crois que le MotoGP n'avait jamais vu un pilote de ma taille, et il n'y en aura plus. Je ne pense pas qu'on reverra [un pilote] faisant 1,80m et 83 kg sans combinaison ; ça fait plus de 90 kg sur la moto et quand vous dites ça aux ingénieurs, ils en perdent leurs cheveux ! C'était donc un vrai pari sur moi et on a gagné."

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Danilo Petrucci au guidon de la KTM lors de sa dernière saison en MotoGP

En se tournant vers sa carrière en Grand Prix à l'heure des adieux, il retenait avoir “pris beaucoup de plaisir" dans ce qui était pour lui la réalisation d’un rêve. Mais il ne cachait pas non plus avoir vécu des moments difficiles durant ses derniers mois de compétition, de moins en moins apte à compenser ce qu’il a toujours considéré comme un désavantage physique.

“Ici, j'ai eu du mal à cause de mon poids et de ma taille depuis l'an dernier, des soucis que je n'avais pas avant. Cette année, j'ai eu trop de mal à rester au niveau", a-t-il rappelé, estimant qu'être "l'un des plus jeunes et l'un des plus légers" en rallye-raid donnera un nouvel élan à sa carrière. Il pense aussi s'y défaire d'une certaine pression, devenue trop pesante en Grand Prix, au point de commencer à lui faire envisager "d'autres façons de prendre du plaisir sur la moto" avant que son départ soit acté.

"L'année dernière, j'ai commencé à ne pas très bien me sentir, je ne prenais pas beaucoup de plaisir dans ce que je faisais, peut-être à cause de la pression. J'ai dépensé tellement d'efforts et de forces pour être en MotoGP que je ne prenais pas de plaisir. Alors j'ai commencé à me demander ce que serait mon instinct, et je me suis répondu à moi-même que je voulais juste piloter la moto. Or, quelle est la discipline où l'on pilote le plus ? C'est le Dakar."

S'il estime pouvoir y être performant “dans quelques années, absolument pas maintenant", Petrucci aborde en tout cas ce premier Dakar comme un accomplissement, comme son arrivée en MotoGP en fut un il y a dix ans. "Je vais essayer de courir le Dakar et de le finir car c'est un de mes rêves. Je dois comprendre si je peux être heureux, parce que le bonheur, pour moi, c'est d'être rapide sur une moto, sinon je peux simplement prendre ma propre moto pour aller en montagne, en piste ou pour aller prendre un café. Mais je veux toujours voir un temps, me battre contre le chrono. Alors je me suis dit que ce serait peut-être la bonne voie pour moi et j'ai besoin de comprendre si c'est vrai."

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Le talent associé au travail

Interrogés sur le regard que Danilo Petrucci peut porter sur lui-même et sa tendance à se dévaloriser, Pecco Bagnaia et Jack Miller ont tous deux tenu à rappeler la valeur de leur ancien collègue lorsqu'il a quitté les Grands Prix, dans une ambiance empreinte d'une forte émotion.

"Je ne suis pas d'accord avec Danilo quand il dit qu'il est le dernier sans talent à avoir gagné une course, car il a du talent", a affirmé Bagnaia. "Je pense que plus ou moins tous les pilotes dans le Championnat du monde ont beaucoup de talent, et y compris Petrucci, bien sûr. Ce qui a changé c'est que le niveau, la préparation et la mentalité de tous les pilotes sont plus professionnels, je pense. Le niveau en MotoGP est maintenant très, très élevé. On a souvent vu cette année le premier être plus rapide de trois ou quatre dixièmes par rapport au 15e sur la grille, donc le niveau s'est fortement élevé."

"Je pense que Danilo fait partie des gens qui cherchent tout le temps à se rabaisser. On est tous passés par cette phase 'ne pas être un phénomène', on a tous eu des hauts et des bas dans nos carrières", a souligné Miller, ancien coéquipier de Petrucci. "Je ne crois pas à cette idée de phénomène, à part peut-être pour Pedro Acosta ou des gens comme ça, mais ils sont peu nombreux. Danilo avait du talent et pas seulement ça, il a travaillé pour ça. Si vous comparez des photos de lui avec une Ioda, où sa tête avait la taille de la lune, avec les photos sur une Ducati, il a travaillé sur son corps pour être performant ici. Ce mec est légendaire."

Avec Vincent Lalanne-Sicaud

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