Interview

Andrea Dovizioso, un départ réfléchi et "indolore", au bon moment

"J'étais prêt", assure Andrea Dovizioso, qui dit avoir déjà "métabolisé" la lourde décision qu'il a mûrie ces derniers mois. Après les deux prochaines courses, il mettra fin à vingt ans de carrière en MotoGP, sans aller au bout de la saison, heureux que sa requête ait été comprise par Yamaha.

Andrea Dovizioso, RNF MotoGP Racing

Andrea Dovizioso, RNF MotoGP Racing

Gold and Goose / Motorsport Images

Andrea Dovizioso a annoncé, à la veille du Grand Prix de Grande-Bretagne, qu'il se retirerait du MotoGP après la manche de Misano en septembre. Le moment choisi pour son départ, en pleine saison, a suscité des interrogations, mais le pilote s'en est expliqué avec l'esprit rationnel qui est le sien.

Ce serait bien mal connaître Andrea Dovizioso que d'estimer qu'il a pris cette décision sur un coup de tête, lassé par une énième piètre performance cette saison. C'est au contraire, la conscience des limites déjà atteintes avec la Yamaha, faute des développements techniques qu'il aurait souhaité et face à sa propre capacité à révolutionner son pilotage, qui a lancé chez lui cette réflexion, il y a plusieurs mois déjà.

Publiquement, il évoquait son absence de la grille 2023, n'affichant aucun intérêt à rester engagé une année de plus. Mais en coulisses on percevait sans difficulté sa lassitude, son esprit miné par une situation dans laquelle il ne parvenait plus à trouver la moindre source de plaisir, et l'on pouvait s'attendre à un départ anticipé. Lorsqu'il a soumis sa requête à Yamaha, pendant la pause estivale, son choix était déjà mûri, à tel point qu'il assure l'avoir vite digéré.

"Vous me connaissez, je suis rationnel, je ne suis pas instinctif, je ne suis pas du genre à prendre une décision aussi grande du jour au lendemain", a-t-il expliqué aux médias après son annonce. "Elle est réfléchie, ça n'est donc pas un gros changement de raisonnement car ma tête était déjà allée dans cette direction-là et c'était déjà métabolisé. Quand j'ai pris la décision définitive, j'étais déjà prêt."

"Ça n'est pas un retrait agressif, j'en ai déjà eu un avant-goût l'année dernière. [Il est] donc graduel, soft et, entre guillemets, indolore", a-t-il décrit, toujours en quête du mot le plus juste pour décrire toute situation, y compris celle-ci, inédite pour lui.

Certes, il s'était déjà éloigné du championnat fin 2020, mais il se trouvait à l'époque dans un état d'esprit différent, choisissant d'observer une année sabbatique même si celle-ci risquait bel et bien de se transformer en retraite non désirée. La porte qui s'est ouverte Yamaha de façon inespérée quelques mois plus tard, le mettant face à une opportunité qu'il ne pouvait refuser, lui qui en rêvait depuis dix ans, lui a donc offert un sursis mais rien de plus.

"Quand un pilote prend une décision − surtout moi − il y pense déjà depuis un certain temps. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. La différence, c'est juste que maintenant tout le monde est au courant, et c'est bien", a-t-il expliqué dans un entretien accordé à Motorsport.com, affichant sa sérénité après une officialisation qui semble le libérer.

"[Ce n'est] pas un moment [précis qui m'a décidé], non, mais il y a eu beaucoup de moments où j'y ai pensé parce que j'essaie beaucoup de choses. Je suis assez rationnel, je sais ce que je fais. Je pense que je sais pourquoi je ne suis pas très rapide, parce que je ne matche pas parfaitement avec les caractéristiques de la moto à l'heure actuelle. C'était clair. J'ai essayé de changer les réglages et ma façon de piloter, et je n'y arrivais pas, c'était clair. Ensuite, j'ai donc commencé à penser [à m'arrêter] et c'est pour ça que j'en suis arrivé à cette décision."

Une moto beaucoup plus atypique que par le passé

Andrea Dovizioso quittera les Grands Prix peu après être devenu le deuxième pilote ayant disputé le plus de courses dans la catégorie reine. Trois fois vice-Champion du monde, il a remporté 15 victoires ; seuls 17 pilotes ont fait plus dans l'Histoire. Or, à ce jour, la campagne 2022 ne lui a rapporté que 22 points, avec pour meilleur résultat une 11e place. Impossible qu'il puisse juger cela acceptable.

Sans amertume, il a maintes fois observé la symbiose entre Fabio Quartararo et la Yamaha, alors que le Français s'est peu à peu affirmé comme le seul à pouvoir exceller avec la M1 actuelle. Andrea Dovizioso possède, lui, un style de pilotage qui ne correspond tout simplement pas à la façon dont la Yamaha doit aujourd'hui être pilotée pour être compétitive. Là où le champion en titre utilise avec force le train avant, l'Italien se heurte à un mur, lui qui a bâti ses succès avec Ducati sur sa capacité à freiner fort et à passer les virages à l'équerre, comme le requérait la machine italienne.

Since returning to Yamaha machinery Dovizioso hasn't been able to gel with the M1

Andrea Dovizioso a été surpris de découvrir une Yamaha si atypique dès son premier test.

Mais les difficultés qu'il rencontre ont tout de même été une surprise pour Dovizioso, qui avait gardé le souvenir d'une M1 à laquelle il s'était rapidement adapté en 2012, alors en provenance de Honda, et qui ne s'attendait pas à un tel manque de grip sur la machine d'Iwata. C'est pourtant ce qui l'a frappé dès qu'il l'a découverte, l'an dernier.

"Je pense que c'est une moto très particulière, contrairement au passé", a-t-il souligné. "La Yamaha a été pendant de nombreuses années la moto avec laquelle il était le plus facile d'atteindre un certain niveau. Mais, tout en restant une moto équilibrée, linéaire et pas difficile, je pense que pour faire certaines performances aujourd'hui il faut piloter de façon très particulière, très extrême. Quand on voit Fabio, on a l'impression qu'il pilote d'une façon normale, mais en fait sa manière de piloter est très extrême car il arrive à exploiter particulièrement les aspects positifs et il arrive surtout à être rapide sans donner trop d'importance aux aspects négatifs de la moto."

"Je ne m'attendais vraiment pas à trouver cette caractéristique de la moto", reprend Andrea Dovizioso auprès de Motorsport.com, "car j'avais déjà une expérience avec la Yamaha. J'ai trouvé une moto complètement différente. Mais le truc c'est que le championnat a changé, les règles ont changé, la moto a changé, les concurrents ont changé et ce que j'ai trouvé est assez unique. Il n'y a qu'avec la façon de piloter de Fabio que l'on peut être aussi compétitif. Je ne m'attendais pas à une caractéristique aussi extrême."

Ce dernier point est pertinent. Le fait est que son absence durant la première partie de la saison 2021 a correspondu au moment où la hiérarchie s'est véritablement ouverte en MotoGP, avec l'émergence d'Aprilia et la dégringolade de Honda, tandis que Yamaha devenait de plus en plus dépendant de son leader. Le pilote italien a également été déstabilisé par l'introduction d'une carcasse de pneu arrière plus souple en 2020, ce qui avait commencé à fortement le gêner durant sa dernière campagne avec Ducati, et lorsqu'il était éloigné des pistes les motos ont vu se multiplier les variateurs de hauteur, non sans conséquence sur le pilotage.

A complete change in his riding style needed to get the best from the Yamaha is something Dovizioso believes will not be possible

Son pilotage aurait besoin d'être totalement révolutionné pour correspondre à la Yamaha, impossible selon lui.

Dans un championnat toujours plus disputé, où le moindre dixième peut coûter très cher au classement, tenter de chambouler son style de pilotage pour copier une manière de faire radicalement différente est mission impossible, selon lui.

"Il est impossible de changer complètement sa façon de piloter. Personne ne peut le faire. On peut s'adapter un peu aux caractéristiques de la moto, tous les pilotes de haut niveau peuvent s'adapter un peu, mais on ne peut pas complètement changer l'ADN de la façon que l'on a de piloter, parce que le niveau est trop extrême, tout le monde est rapide. Si vous essayez d'adopter le style de pilotage ou d'aborder la piste comme un adversaire qui est vraiment bon, vous ne serez jamais aussi bon que lui. Vous pourrez être proche, mais vous ne serez jamais bon."

Andrea Dovizioso l'assure, le fait que l'équipe RNF ait décidé de quitter Yamaha pour Aprilia la saison prochaine n'a pas du tout influé sur son choix : "Je n'y ai jamais pensé et je n'ai jamais essayé. Même l'équipe me l'a dit au début : 'Tu vas réfléchir à courir l'année prochaine ou pas ?', ils me l'ont demandé au début parce que notre rapport est bon, mais dès le début je leur ai dit 'ne vous inquiétez pas, faites ce que vous voulez en termes de stratégie'."

"Pour faire ça [décider de s'arrêter avant la fin de la saison, ndlr], il faut qu'il y ait une bonne relation et, heureusement, j'en ai eu la confirmation quand j'ai parlé avec Yamaha. J'ai pu en parler, prendre cette décision et ils m'ont compris. Je suis vraiment content de ça, et ça a été pareil avec l'équipe et mes sponsors."

Encore une fois, Andrea Dovizioso se démarque, lui qui a choisi de ne pas suivre la voie classique en transformant les trois mois à venir en tournée d'adieu. Il se limitera à trois courses, et cela semble bien suffisant au vu des difficultés qui sont les siennes actuellement. "Oui, c'est la bonne chose à faire. Je me sentais prêt à le faire. Alors je leur ai parlé et ils m'ont compris", a-t-il ajouté. "Ça m'a donné la possibilité de prendre cette étrange décision. Mais finir à Misano, c'est la meilleure décision, je pense."

Dovizioso has remained an honest and open figure in MotoGP throughout his career, including in his retirement announcement

C'est avec son habituelle franchise et son esprit rationnel qu'Andrea Dovizioso a expliqué son choix.

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